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Dossier
par Antoine Champagne - kitetoa

Le président Macron a des trous de mémoire à propos des lits de réanimation

A force de donner des chiffres faux, les politiques se prennent les pieds dans le tapis

Le président a évoqué mercredi 28 octobre 2020 le nombre de lits de réanimation disponibles en France. Des chiffres qui ne cessent d'évoluer au gré des éléments de langage à faire passer aux Français. Mais qui se préoccupe encore de la réalité ?

Quand le gouvernement pensait que les masques étaient inutiles pour la population - Copie d'écran Twitter

A force de mentir ou de construire une réalité rassurante, on finit par se perdre dans les chiffres qu'on annonce. Les chiffres sur le nombre de lits de réanimation font l'objet d'un yoyo permanent depuis le début de la pandémie. Nous avions déjà abordé ce sujet dans un article début avril. Le président de la république, Emmanuel Macron, vient de remettre le couvert...

L'air grave, le président s'est adressé aux Français mercredi 28 octobre 2020 pour leur expliquer que... contre toute attente... le virus avait contaminé à nouveau la population, qu'il était quasiment incontrôlable. Quelle surprise. Sans doute la faute au mauvais temps, comme l'ont évoqué certains ministres. En tout cas pas à l'incurie du gouvernement qui depuis le début de la pandémie, prend à peu près toutes les décisions qu'il ne faut pas prendre et change d'avis au fil de ses échecs. Ne portez pas de masques, partez en vacances, consommez, travaillez, envoyez vos enfants à l'école, toutes sortes de choses qui n'ont bien entendu rien à voir avec la propagation de ce virus. Passons. D'autres avaient bien prévu ce qui semble imprévisible pour les décideurs au pouvoir (voir l'interview d'épidémiologistes par Reflets en mai et fin septembre ici et )... Évoquant le nombre de lits de réanimation disponibles, le président a lâché quelques chiffres. Visiblement, il ne se souvenait plus de ce que le gouvernement ou lui-même avaient dit quelques mois plus tôt. Est-ce un trou de mémoire ? Est-ce parce que tout est bon pour occuper la scène médiatique, peu importe le fond ? Est-ce parce que les politiques sont tellement à côté de la plaque qu'ils se fichent de l'image qu'ils peuvent donner d'eux-mêmes à leurs concitoyens comme de leurs premier pas en politique ? Mystère.

Le Monde indiquait hier soir que « Le président de la République a annoncé que les capacités de réanimation seraient portées à 10 000 lits, soit un doublement du nombre initial. « Nous sommes en train d’augmenter notre capacité en réanimation, mais ce n’est pas la bonne réponse » à l’épidémie « Quoi que nous fassions, près de 9 000 patients seront en réanimation à la mi-novembre, soit la quasi-totalité de la capacité française », a-t-il ajouté. « Nous nous organisons bien sûr pour y faire face, [pour] rouvrir des lits supplémentaires, et nous allons faire le maximum d’efforts tous ensemble, mais ce n’est pas suffisant. ». »

D'où sortent les 5000 lits initiaux et ce doublement à venir ?

Il faut remonter au 1er avril 2020 pour comprendre. Olivier Véran, ministre de la santé est entendu par la Mission d’information de la conférence des Présidents sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19. En clair, il répond à la représentation nationale :

Vous soulevez également la question fondamentale de la réanimation. À l’heure où je vous parle, plus de 5 500 malades du coronavirus sont en réanimation, en France, dans les services hospitaliers. À titre de comparaison, notre pays compte, en situation normale, 5 000 lits de réanimation. Le plan blanc, qui a conduit à déprogrammer toutes les activités dans les hôpitaux et les cliniques privées, a été activé très tôt, ce qui a permis d’accroître nos capacités de réanimation à hauteur de 10 000 lits. Nous continuons à les augmenter. Nous accomplissons un effort phénoménal, notamment dans le Grand Est, en Île-de-France, en Bourgogne-Franche-Comté et en Corse. Nous accroissons nos moyens dans une proportion que nous n’avions jamais connue pour atteindre un objectif de l’ordre de 14 000 lits de réanimation. Pour vous donner les informations les plus complètes possible, 4 000 lits restent disponibles, ce soir, sur le territoire national, dont 1 700 sont dédiés au Covid-19. Cette démarche implique des efforts de restructuration et de réorganisation – des blocs opératoires sont par exemple transformés en unités de réanimation. Vous n’imaginez pas les exploits que peuvent réaliser les professionnels de santé dans nos territoires. Je remercie également les équipes des agences régionales de santé, qui sont extrêmement mobilisées pour atteindre ces objectifs.

Donc... En avril dernier, nous avions déjà atteint le chiffre de 10.000 lits de réanimation et nous allions même atteindre 14.000 lits, il ne serait pas dit que la France, pays développé, manquerait de lits pour faire face aux cas les plus graves dans le cadre de cette pandémie !

Mais du coup, si en avril nous étions à 10.000 lits et que nous visions 14.000 lits de réanimation, en octobre, nous ne devions pas être très loin de ces 14.000 lits ? Ce qui pose question, tout de même quand le président évoque fin octobre la possibilité porter le nombre de lits de réanimation à au moins 9.000 lits pour faire face aux projections pour novembre.

Tout cela est relatif, un détail de chiffres nous diront les zélotes d'Emmanuel Macron. Pourtant, cela dit beaucoup de sa manière de gérer cette crise sanitaire. Beaucoup de déclarations incohérentes, pourvu que la scène médiatique soit occupée. Mais qu'importe, finalement, car s'il devait tomber malade, lui ou un de ses proches, il ne fait aucun doute qu'il y aurait toujours un lit de réanimation pour eux. Que l'on soit à 5.000 lits ou à 9.000. Que les hôpitaux soient débordés ou pas.

« Quand il n'y a pas de places dans un hôpital ou chez un spécialiste pour un de mes malades, je rappelle et je dis que c'est quand même ennuyeux car il s'agit du neveu du président de la République. Je change le nom en fonction du président en place au moment où le problème se pose. Étonnamment, les mêmes personnes qui disaient au parents 10 minutes plus tôt que c'était impossible avant trois mois, trouvent une place », explique un pédiatre à Reflets.

C'est pratique...

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