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par Antoine Champagne - kitetoa

Justice et #DrahiLeaks, une victoire pour le journalisme d’investigation

Altice est déboutée de toutes ses demandes en appel

Tout ça pour ça... Les manoeuvres d'Altice et de son conseil Maître Ingrain pour nous censurer en référé ont échoué, se fracassant sur le mur du droit. Le jour où la cour d'appel rendait sa décision, nous déposions nos conclusions pour l'affaire portée cette fois au fond par Altice. D'autres rendez-vous judiciaires sont à prévoir.

cour d'appel de Versailles, façade Nord - Tiraden - Wikipedia - CC BY-SA 4.0

Ce jeudi 19 janvier, la cour d’appel de Versailles a rendu son arrêt dans l’affaire qui opposait Reflets à Altice. La cour a estimé qu'il n'y avait pas lieu à référé au titre du dommage imminent. Elle infirme par ailleurs l'ordonnance du tribunal de commerce rendue le 6 octobre 2022 ordonnant de ne pas publier sur le site Reflets.info de nouvelles informations concernant Altice. La cour a très longuement motivé sa décision.

En d'autres termes, Reflets remporte une victoire sur toute la ligne contre Altice et Patrick Drahi, mais aussi contre leur conseil Maître Ingrain et sa tentative de contourner le droit de la presse, comme il l'avait fait à l'encontre de Mediapart. Vous pouvez relire nos articles sur ce sujet précis ici, et encore ici.

Flash-back : le 6 octobre 2022, une ordonnance d’un juge du tribunal de commerce de Nanterre déboutait Altice de sa demande de retrait d’articles concernant Patrick Drahi et son groupe mais interdisait à Reflets d’en publier de nouveaux. Ce n’était pas une censure à posteriori, comme cela arrive parfois (très rarement), mais une censure à priori, comme cela… n’arrive plus depuis la loi sur la presse de 1881. Pour parvenir à ce résultat incongru, Altice avait poursuivi Reflets non pas pour des délits de presse classiques (diffamation, injure,…) mais pour violation du secret des affaires, devant un tribunal plus habitué à régler des problèmes entre clients et fournisseurs ou des liquidations judiciaires. Le secret des affaires ne devant pas s’appliquer aux journalistes, surtout dans un cas comme celui-ci où aucun secret de fabrication n’était dévoilé, l’affaire avait mobilisé toute la profession.

Reflets avait fait appel. Pour nous-mêmes, mais aussi pour toute la profession, afin d'éviter une jurisprudence terrible pour le journalisme. Le Syndicat national des journalistes (SNJ) était également entré dans l'affaire dans le même but. La décision du tribunal de Versailles remet les pendules à l’heure. Les procès-bâillon sous forme d’attaque sur la base du secret des affaires ne marcheront plus lorsqu'une enquête est menée selon les règles habituelles d'un journalisme responsable. C’est un bon signe envoyé par la Justice aux journalistes qui pratiquent l’investigation.

Il ne fait aucun doute au regard des trop nombreux procès-bâillons en cours (Mediapart, Reflets, Reporterre, NextInpact, Arrêt sur Images, Médiacités, ...) que certains préfèreraient voir la presse être cantonnée au rôle de caisse de résonance. Est-on attaqués lorsque l'on publie les communiqués de presse rédigés par les personnalités en vue, les politiques, les entreprises, les gouvernements ? Est-on attaqués lors que l'on tend complaisamment le micro à tous ceux qui veulent voir leur message être entendu du plus grand nombre, y compris lorsque celui-ci est un poison contre la démocratie ? En revanche, certains semblent vouloir faire taire les journalistes qui enquêtent et publient des informations non validées par les services de communication. La presse, comme nous l'avons déjà écrit, n'est pas un quatrième pouvoir vengeur. C'est un outil, un rouage nécessaire de la démocratie, qui permet aux citoyens de prendre des décisions éclairées au moment de jouer leur rôle démocratique. Tenter de la censurer, c'est porter un coup violent à la démocratie.

Les entreprises ou les personnes sur lesquelles nous enquêtons préféreraient sans doute que les documents sur lesquels nous basons nos articles ne puissent pas être publiés. C’est raté. Les journalistes pourront continuer à utiliser les « leaks ». Comme dans le cas des Panama Papers, des Football Leaks, des Lux Leaks, des Macron Leaks, comme tout ce qui a été publié au fil des années sur Wikileaks, comme les documents confiés à la presse par Edward Snowden, comme tout ce que des pirates publient sur Internet.

Nous allons donc continuer nos enquêtes basées sur les #DrahiLeaks et vous proposer de nouveaux articles.

Vous pouvez lire décision de la cour d'appel en cliquant sur ce lien.

Making of

Le groupe Altice, propriété de Patrick Drahi, a été victime d'un ransomware. Les pirates ont publié sur Internet des masses de données. Ces révélations mettent en lumière un groupe industriel complexe, basé dans des pays très souples en matière fiscale. Ils donnent incidemment à voir le train de vie faramineux d’une famille aussi discrète que milliardaire. Bien loin de la fin de l'abondance annoncée par Emmanuel Macron.

Reflets a initié une collaboration avec Blast et StreetPress. Les trois médias ont uni leurs efforts pour étudier le leak publié par le groupe de ransomware HIVE en août 2022.

Vous pouvez nous aider en vous abonnant à Reflets.info ou en participant aux deux cagnottes ouvertes dans le cadre de cette en enquête :

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