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par Antoine Champagne - kitetoa

Journée mondiale contre la peine de mort

Le cas des djihadistes français condamnés en Irak

Alors que l'on célébrait jeudi 10 octobre la dix-septième journée mondiale contre la peine de mort, plusieurs organisations françaises planchaient sur les condamnations à mort de français par l'Irak.

Campagne de Ensemble contre la peine de mort - ecpm.org - Copie d'écran

Pour cette journée contre la peine de mort, Ensemble contre la peine de mort, le Conseil national des barreaux et le Barreau de Paris, ont décidé de mettre un coup de projecteur sur les onze ressortissants français condamnés à mort par l'Irak fin mai et début juin dernier après des procès expéditifs.

Une matinée de débats a donc porté principalement sur l'aspect inéquitable de ces procès et sur le transfert par les Américains de ces Français de Syrie où ils étaient détenus par les Kurdes, vers l'Irak, sans doute avec la bénédiction de la France.

Car bien entendu toute la question est là. La France a renié ses valeurs mais s'est aussi assise sur tous les textes qui proscrivent le transfert d'une personne vers un pays où elle risque la peine de mort.

Wilson Fashe, journaliste qui a enquêté sur le transfert de ces prisonniers a expliqué que l'on « ne peut pas affirmer avec certitude que la France est directement impliquée dans ces transferts », mais de nombreux indices laissent penser qu'elle n'a pas été tenue dans l'ignorance de ce qui se préparait. Pour Wilson Fashe les gouvernements occidentaux ont fait un pari à court terme qu'ils ont visiblement perdu. Pour eux, ces transferts étaient un moyen pour ne pas rapatrier des djihadistes souvent endurcis : éviter le retour des « revenants ». Et puis, la prison à vie ou la mort, c'est un moyen simple pour éviter des condamnations plus légères en Europe, avec à la clef, une remise en liberté après quelques années de prison. L'Irak est également un pis-aller, la Syrie étant particulièrement instable.

Belkis Wille, responsable de l'Irak a Human Rights Watch a assisté à plusieurs procès de membres supposés de Daech. Elle en retient leur aspect totalement inéquitable. La loi irakienne est vague et courte. La punition pour avoir participé à un groupe terroriste est la prison à vie ou la mort, précise Belkis Wille. Mais surtout, la torture est systémique dans le processus judiciaire en Irak. Ce qui explique sans doute en partie le fait que les procès aient duré entre 5 minutes et une heure pour les plus longs. Les prévenus avaient déjà avoué sous la torture... Belkis Wille, comme tous les observateurs sur place, a donc pu documenter l'aspect inéquitable de ces procès. Pas du tout, expliquait la France... « Je voudrais vous dire, contrairement à ce que j'entends ici et là : le procès est équitable », avait déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Driant à l'Assemblée Nationale.

Ils n'ont que ce qu'ils méritent...

En mai et juin dernier, lors de l'annonce de leur condamnation à mort, les utilisateurs des réseaux sociaux s'en étaient donné à coeur joie. « Les victimes ont toujours crié à mort sur le passage des personnes poursuivies », a indiqué Jean-Marie Delarue, président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). Des personnes qui désignaient la France comme leur ennemie, qui appelaient à de nouveaux attentats ? Ils n'ont que ce qu'ils méritent, laissaient entendre les plus posés.

Et pourtant. Justement pas. Agnès Callamard, rapporteure spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires expliquait pour sa part que ces condamnés étaient un véritable test. On peut se mobiliser sans problème lorsqu'un journaliste est condamné à mort pour avoir fait son travail. Cela peut être plus difficile pour une personne à qui l'on reproche des crimes contre l'humanité. Or, ce sont des principes, pour lesquels nous nous battons, a expliqué en substance Agnès Callamard. Si personne ne défend ces principes lorsqu'il s'agit de personnes difficiles à défendre, le combat est perdu.

De fait, accepter la torture, les procès inéquitables, les condamnations à mort, c'est faire siennes les méthodes employées, justement, par les membres de Daech. C'est dissoudre la Démocratie dans le poison du terrorisme.

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