Journal d'investigation en ligne
Édito
par Antoine Champagne - kitetoa

Citoyens, c’est la guerre !

Mais pas celle que vous croyez

Les princes qui nous gouvernent enchaînent les échecs économiques. Mais leur égo étant ce qu’il est, impossible pour eux de se remettre en question. Un ministre qui a plus de facilités à filer la métaphore sur les anus – le fameux renflement brun- qu’à mettre en œuvre des politiques macro-économiques a donc annoncé une guerre contre les plus faibles. C’est un choix de société qui devrait inquiéter tout le monde, y compris les classes les plus élevées de la population.

Le ministre de l'Économie n'est pas très au point en macro-économie
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Ceux parmi vous qui ont suivi nos enquêtes sur les DrahiLeaks le savent, « la fin de l’insouciance, la fin de l’abondance » annoncées par Emmanuel Macron en août 2022 c’est pour les autres. Pas question pour le président de se l’appliquer à lui-même ou mieux, de demander à ses amis milliardaires ou chefs d’entreprises de prendre en compte ce nouveau paradigme. De fait, un peu moins de deux ans plus tard, le président a validé l’idée que deux de ses costumes voyagent sur un siège dédié, en première classe, pour aller l’attendre au Brésil. Alors que ses costumes volaient à 10.000 mètres d’altitude dans un confort de première classe, son gouvernement officialisait une guerre initiée il y a plusieurs millénaires contre les plus démunis, contre les plus faibles. L’abondance, l’insouciance, ce ne peut pas être pour tout le monde. Pour que certains puissent continuer à en profiter, il faut que d’autres se serrent la ceinture. Les classes les plus privilégiées, le « système » (lire également ici) est en guerre contre les autres. Pour la mener, le « système » a un besoin impérieux des politiques, quel que soit leur bord. Démonstration par l’exemple…

Le monde dans lequel nous évoluons a brutalement changé au mitan des années 70. En privilégiant un certain nombre de postulats (comme le fait que les marchés financiers seraient efficients ou que l’économie devrait être « dérégulée », les pays développés ont lâché la bride et mis en place un environnement juridique permettant aux marchés financiers et à leurs acteurs de prendre la main sur l’économie réelle en la reléguant à un rôle de simple outil ou de paravent.

Aujourd’hui, sur les marchés des changes, c’est-à-dire ceux où s’échangent les monnaies, quelque 6.600 milliards de dollars changent de mains quotidiennement. Chaque année, si l’on ne compte que les jours ouvrés, ce sont 1.773.300.000.000 dollars qui s’échangent. En français : 1.773 milliards de dollars. Des chiffres qui ne parlent à personne. Impossible de se figurer à quoi cela ressemble.

Visualisation d'un milliard de dollars
Visualisation d'un milliard de dollars

Pour mesurer ce type de montant, il faut une échelle de comparaison. Par exemple, le Produit intérieur brut (PIB), c’est-à-dire la valeur créée par le pays chaque année est de 3.000 milliards en France. Et de 23,3 milliards pour les États-Unis. Par année ! Pas par jour.

On comprend alors instantanément où se situe le pouvoir. A quoi servent des missiles nucléaires quand un marché et ses acteurs peuvent vous prendre pour cible et vous détruire avec leurs armes bien plus puissantes ? Ils ne sont pas un peu plus riches que les États, ils sont beaucoup plus riches. Quel pouvoir reste-t-il aux politiques ? Celui de faire la loi.

Nous l’avions écrit ( ici et par exemple) après les crises des subprimes et de la dette souveraine (ou les marchés spéculaient sur la faillite de pays comme la Grèce, l’Italie ou le Portugal), il ne tient qu’aux responsables politiques des pays du G7 ou du G20 de s’assoir autour d’une table et de décider de désarmer les marchés financiers.

Cela aurait un effet évident : mettre un terme aux bulles financières reposant sur des produits financiers complexes et donc, aux crises financières avant qu'elles n'éclatent. Mais surtout, cela éviterait les crises économiques qui s’en suivent car in fine, ce sont toujours les mêmes qui payent les délires du secteur financier : les contribuables. Les idées qui circulent actuellement, comme la plus grande taxation des milliardaires ou des super-profits ne s’attaquent pas à la cause du problème. Sans désarmement des marchés, l’évaporation de milliards qui devraient venir abonder les communs, perdurera.

Bruno et son « gros renflement brun » de la dette

Nous évoluons dans un monde financiarisé où les marchés sont rois, depuis la fin des années 70. Ce monde a été rendu possible parce que des politiques ont voté des lois un peu partout dans le monde permettant à des financiers de fabriquer des profits fous sur le dos du reste de la population.

Tous les impôts que les méga-entreprises et les multimilliardaires ne paient pas, par la magie de ce cadre législatif (l’optimisation notamment), c’est autant d’argent qui n’ira pas dans des routes, des hôpitaux, la Justice, on en passe. Peu à peu on détricote le vivre-ensemble, les communs, ce qui fait un projet de société. Cette guerre menée contre les peuples par les politiques au nom du « système » a toujours le même effet : un fractionnement, le clivage. Et c’est un autre projet de société qui se dessine. Mortifère et inégalitaire.

Là où nos politiques font preuve d’un véritable manque de « vista », c’est qu’en tapant toujours sur les mêmes, avec tant de mépris pour « les gens qui ne sont rien », ils finiront par créer les conditions d’une révolution qui les emportera et qui emportera le système capitaliste.

Dire cela, ce n’est pas être « anti-capitaliste ». C’est faire un constat. Qui aurait cru qu’en quelques courtes années, le système communiste qui présidait dans une large partie du monde allait purement et simplement disparaître ? Le système capitaliste sous sa forme actuelle serait-il immortel ? Rien n’est moins sûr. Comme l’écrivait Lao Tseu, tout est rond dans l'univers et ce qui monte, finit par redescendre.

Mais revenons à Bruno Le Maire. L’actuel ministre de l’économie, en poste depuis 2017, fait mine de découvrir en 2024 que l’État vit au-dessus de ses moyens. Ce n’est pas comme si la dette de la France avait explosé depuis 2007 lorsqu’elle elle représentait 64,5% du PIB pour atteindre 101% du PIB au moment de l’élection d’Emmanuel Macron et 110%, ou 3.101 milliards d’euros fin 2023. Depuis son arrivé à la tête du ministère de l’économie Bruno Le Maire et Emmanuel Macron ont augmenté la dette de l’État de 820,6 milliards d’euros. Pour un résultat très discutable, comme nous l'avions évoqué ici. L'homme qui refuse de voir l'inflation, n'a pas vu non plus la dette jusqu'il y a une grosse semaine. « Je ne crois pas que nous soyons entrés dans une spirale inflationniste où l’inflation deviendrait toujours plus forte, mois après mois, année après année_ » expliquait-il en mars 2022.

Inflation pendant les présidences d'Emmanuel Macron, sous le contrôle du ministre de l'économie Bruno Le Maire - INSEE
Inflation pendant les présidences d'Emmanuel Macron, sous le contrôle du ministre de l'économie Bruno Le Maire - INSEE

Dette française en pourcentage du PIB - INSEE
Dette française en pourcentage du PIB - INSEE

Il était temps de faire des économies.

Mais quelles économies ? Emmanuel Macron et son ministre allaient-ils se mettre en chasse des milliards que des milliardaires et des entreprises ont réussi à faire évaporer, tout en profitant à 200% de la société ? Ces acteurs économiques s’extraient, ils font sécession, de la société pour tout ce qui a trait aux communs et donc, aux impôts.

Pas du tout.

Dans « Oui-Oui fait de la macro-économie », le duo aux manettes depuis 2017 et qui a donc largement contribué à creuser les déficits, s’enflamme contre les plus précaires. Ce sont les plus malades, les plus faibles financièrement (les chômeurs notamment) qui vont devoir contribuer à combler les trous creusés par Bruno Le Maire. Ce sont sans doute ces plus démunis qui sont responsables des 820,6 milliards de dette supplémentaire, qui n’ont pas su financer les 200 milliards d’aide aux entreprises, les 50 milliards de baisse d’impôts…

Ces pauvres, les profiteurs d’un système que l’on ne châtie pas assez… Voilà un projet de société qui est inspirant. La trique pour les plus faibles...

Étrangement, ni Emmanuel Macron ni Bruno Le Maire ne s'interrogent sur les représentants du capital qui ont une vision très particulière du capitalisme. Il s’agit en effet pour nombre d'entre eux d’un système qui loin des théories du capitalisme ne laisse pas les entreprises faire faillite quand elles ne sont pas capables de se développer seules. C’est le capitalisme nouvelle sauce, où l’on privatise les bénéfices et où l’on socialise les pertes.

Ainsi, selon une étude de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) de mai 2022, « Si la période du Covid-19 a souligné avec une acuité spectaculaire le rôle des aides publiques pour maintenir sur pied les entreprises, il ne s’agit que d’une partie seulement d’un processus plus ample et plus ancien de développement de dispositifs de soutien à destination des entreprises par l’État depuis maintenant plusieurs décennies. Les mesures d’urgence pour pallier les effets de la pandémie sur l’activité ne sont en fait que le dernier chapitre en date d’une tendance plus structurelle de l’État à apporter un soutien financier aux entreprises ». Et de poursuivre : « En effectuant des recoupements sur la base de sources variées, on s’aperçoit que les aides publiques aux entreprises peuvent représenter l’un des plus importants postes budgétaires des administrations publiques sans pour autant être explicitement présentées ainsi. Il ressort également de ce travail d’enquête que les aides publiques aux entreprises n’ont cessé d’augmenter depuis le début des années 2000 : alors qu’elles oscillaient en moyenne autour de 30 mds € (courants) par an dans les années 1990, la montée en charge des aides publiques a été spectaculaire depuis 2001 pour atteindre un montant de plus de 100 mds € par an dès 2008 (157 mds pour l’année 2019) ».

Selon la Cour des comptes, un repaire de gauchistes wokes, « Le coût des soutiens de l’État aux entreprises de 2020 à 2022, sous des formes variées (activité partielle, fonds de solidarité, exonération de cotisations sociales, aides au paiement de facture d’énergie, aides sectorielles), peut être évalué à plus de 92 Md€ en prenant en compte les dépenses du plan d’urgence (82 Md€) et les estimations du coût des mesures du plan de résilience en 2022. En intégrant le montant de 143 Md€ de prêts garantis par l’État et celui des reports de paiement des cotisations sociales, le soutien aux entreprises représente 10 % du produit intérieur brut (PIB). » Les Sages s’interrogent sur le montant des aides apportées aux entreprises et leur coût pour l’État : « De 2020 à 2022, un soutien aux entreprises évalué à 260,5 Md€ représentant un coût pour l’État de plus de 92 Md€ ».

Au début de ses annonces théâtrales, Bruno Le Maire a annoncé la nécessité de faire 10 milliards d’économies. Serait-il incongru de demander une application stricte du capitalisme et de supprimer une partie des 92 milliards offerts aux entreprises ? Ou de leur demander de ne pas distribuer de dividende quand elles sont à ce point perfusées par de l’argent public ?

De deux choses l’une… Soit le Chief economist de la Startup Nation est complètement nul en macro-économie, ce qui n’est pas impossible comme nous l’avions évoqué dans cet article (mais dans ce cas, que fait-il à ce poste après toutes ces erreurs), soit il nous prend pour des imbéciles, ce qui n’est pas impossible non plus vu l’ego des membres du parti présidentiel. Dans les deux cas, les Français seraient bien inspirés de contester dans la rue les projets gouvernementaux qui rapprochent chaque jour la copropriété France du gouffre. Avant qu’il ne soit trop tard.

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