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par Antoine Champagne - kitetoa

Qui évaluera la pertinence des milliards des plans de relance ?

Spoiler : personne

Il y a une similarité entre la gestion des crises financières mondiales et celle du Covid-19 : personne ne tient le compte précis des milliards déployés pour éviter la catastrophe. Personne n'évalue la pertinence de leur attribution. Pas plus que leur efficacité.

Walibi Belgium - Loup Garou - Jérémy-Günther-Heinz Jähnick - Wikimedia Commons - CC-BY-SA 3.0

En matière de crise financière, on l'a vu avec les subprimes et la crise de la dette souveraine, lorsque le système menace de s'écrouler complètement, les États trouvent de l'argent magique. Alors que la veille, tous les dirigeants d'entreprises, tous les dirigeants de pays ne juraient que par "TINA" et l'austérité ou le chaos, les voilà qui, pour les uns réclamaient des milliards pour ne pas mourir, pour les autres, faisaient pleuvoir les milliards. Après la reproduction des pains, l'inattendue reproduction des dollars et des euros...

Ceux qui ne juraient que par le libéralisme et ses bienfaits, le libéralisme par opposition à l'interventionnisme de l'État dans l'économie, deviennent des chantres de l'injection massive d'argent public, bref, d'une nationalisation des marchés financiers, d'un rétablissement du communisme !

Les discours, la doxa économique et la réalité divergent désormais complètement. Les ultra-libéraux réclament une politique interventionniste de l'État. Il faut dire que sans les interventions massives des gouvernements et des banques centrales ces dernières années, le système aurait implosé depuis longtemps. L'économie mondiale n'a pas attendu le covid, elle est sous respirateur artificiel depuis 2008. Quelqu'un devra payer pour tout l'oxygène, mais c'est une autre histoire...

Avec la crise du covid, pour la première fois, une triple crise se présente : sanitaire, financière et économique. Une situation inédite qui va générer des injections massives d'argent magique. C'est à dire, de l'argent gratuit (ou presque). Imaginez que l'on vous prête 10 millions d'euros à 0,05% et que vous puissiez le placer à 2%. Dans cinq ans, vous aurez gagné un million d'euros, à quoi vous retranchez le coût du prêt, 25.000 euros, soit un gain net de 975.000 euros. Pratique et efficace non ?

C'est ce que fait le secteur financier depuis 2008.

Le résultat sur l'économie réelle est quant à lui tout à fait discutable.

A l'échelle mondiale tout d'abord. En 2007, la progression du PIB mondial était de 4,32%. En 2008, le PIB mondial chutait de 1,8% avant de reculer de 1,67% en 2009. La reprise arrivait en 2010 avec +4,03%. Mais la hausse se ralentissait jusqu'en 2012 avant une lente amélioration entre 2012 et 2015. Rien de spectaculaire. Le bon cru 2017 était effacé au cours des deux années suivantes. Le chiffre de 2020 devrait être une véritable tuerie.

Croissance du PIB mondial selon la Banque Mondiale - CC
Croissance du PIB mondial selon la Banque Mondiale - CC

Aux Etats-Unis, certains se sont amusés à tenir des comptes pour la crise de 2008 et son lot hallucinant d'injections massives d'argent gratuit. Ainsi, depuis 2008, quelque 37.000 milliards de dollars sont été injectés par la Réserve fédérale et le gouvernement. Dans le même temps, la croissance de l'économie a représenté 2.920 milliards de dollars. Chaque dollar de croissance a coûté 12,67 dollars en injection de la part des autorités. Un peu onéreux...

Qui va tenir le compte à l'échelle de la planète de de ce qui est injecté pour tenir le système à bout de bras alors qu'en raison du covid il menace à tout instant de s'écrouler ? Le FMI tente bien de tenir une liste des actions menées par les États pour lutter contre la pandémie. Mais est-elle seulement à jour ? Si oui, jusqu'à quand ? Statista a également produit un graphique, mais datant de novembre.

Et dans trois ans ? Dans dix ans, quelle trace restera-t-il de ce qui a été dépensé ? D'autant qu'au delà des injections officielles via des "plans de soutien" ou de "relance", il ya toutes les interventions sur des outils financiers baroques qui passent sous les radars. Ou les apports de banques publiques... Ainsi en France, si le gouvernement a annoncé un plan à 100 milliards, la Caisse des Dépôts et Consignations n'est pas en reste et a promis 300 milliards d'euros.

Qui enquêtera sur ce que ces montants ont produit et à quel coût ? L'économie étant une balance à plateaux multiples dont les mouvements sont imprévisibles, qui sait quelles seront les répercussions des décisions d'aujourd'hui. A tout miser (ou presque) sur les entreprises pour éviter des faillites en chaîne, puis des licenciements massifs, les gouvernants éludent deux plateaux de la balance. Le premier est celui de la création de richesse. Les ménages, grands oubliés des plans de soutien, comptent pour une forte partie de la croissance du PIB chaque année. En France, la consommation des ménages, c’est à peu près 55% du PIB. Aux États-Unis, c'est 70%. A qui vendront les entreprises zombies, sauvées alors qu'elles devraient faire faillite si l'on suivait une pure logique libérale, lorsque les ménages n'auront plus un sou ? Mystère.

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