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par Rédaction

Nouveau mensonge : après le Maroc, le Qatar nie toute relation avec Amesys/Nexa

Pour la deuxième fois, Reflets est contraint de publier des documents

Lorsque le Maroc avait menacé de poursuivre tous les journalistes locaux qui évoqueraient l’achat par le royaume d’un Eagle d’Amesys, nous avions publié des documents prouvant cette transaction. Le Qatar prend le même chemin.

Nouveau logo de Neaxa/Amesys - © Reflets

Dans la multitude de révélations par Mediapart du business d’Amesys/Nexa, un passage d’un des articles a retenu notre attention : « "Aucune entité liée au Qatar n’a eu de relation" avec le groupe Nexa, nous a répondu le gouvernement de l’émirat. "Ces documents ont été entièrement fabriqués et ces accusations n’ont aucun fondement", affirme le Qatar ». Le Qatar n’est pas le premier État à nier avoir commercé avec cette entreprise. En 2015, le Maroc avait menacé les journalistes et les ONG de poursuites s’ils évoquaient un achat par le royaume d’un Eagle, cette solution permettant d’intercepter toutes les communications circulant via Internet. Pour donner des moyens de défense aux journalistes et aux ONG, nous avions publié un certain nombre de documents.

En règle générale, nous demandons à nos lecteurs de nous croire sur parole et réservons nos preuves à la Justice. Mais nous avions fait une exception face à la profonde mauvaise foi du Maroc et à ses menaces. Aujourd’hui, c’est le Qatar qui tente de prendre le même chemin.

L’article de Mediapart relate également les dénégations du patron de Gama International, Louthean Nelson :

Notre enquête montre que Nexa a vendu Predator à trois régimes autoritaires, et qu’il l’a proposé à au moins sept autres pays, dont le Qatar.

C’est ce que montre un document saisi en perquisition. Il s’agit de la mouture non signée d’un « accord de courtage » daté du 6 janvier 2020 entre la société française Nexa Technologies et l’entreprise Gamma International Limited, représentée par Louthean Nelson et immatriculée sur l’île de Labuan (Malaisie), l’un des paradis fiscaux les plus opaques de la planète.

Cette discrète société est une filiale du groupe anglo-allemand Gamma International, dont Louthean Nelson est le patron. L'entreprise est connue pour avoir développé la gamme de logiciels de piratage Finfisher, qu'il a a revendue en 2013.

Dans le contrat de 2020 avec Nexa, Gamma s’engageait à fournir, moyennant finances, des « contacts » de haut niveau afin d’aider le groupe français à vendre toute sa gamme de produits au Qatar, y compris des « solutions d’intrusion wifi » et des « chevaux de Troie et solutions d’infection ». Ce qui correspond au logiciel Predator, commercialisé à l’époque par Nexa.

On ignore si cette vente a finalement été conclue. Interrogé par l’EIC, Louthean Nelson répond qu’il n’a « jamais été en contact ou en affaires avec Intellexa […], et jamais en affaires avec Nexa/Advanced Systems. » Les dirigeants de Nexa ont refusé de répondre. Le Qatar considère que nos informations sont « sans fondement ».

Là aussi, les faits sont têtus… Et le Qatar et Louthean Nelson racontent n’importe quoi.

Dans des documents internes d'Amesys que nous avions pu consulter en 2017, l'entreprise liste les projets en cours. La boite changeant de nom comme Arturo Brachetti change de vêtements, il s'agit dans un tableau Excel, de voir quel est le nom de l'entité qui a démarré le projet dans chaque pays.

un historique... - © Reflets
un historique... - © Reflets

Qadburry est le nom du projet au Qatar (Il y a ici une faute puisque c'est en fait Quatburry). Cette marque de gâteaux produit des « Finger » ou doigts, qui phonétiquement rappellent Doha, la capitale du pays. Les salariés d'Amesys s'amusent d'un rien.

Le projet Qatbury 70G, le dernier en date, commandé par le State Security Bureau (SSB), ce que nous expliquions déjà en 2011, c'est un machin qui coûte assez cher. Au fil du déploiement, Amesys/Nexa tient les comptes. Voici par exemple un document datant de 2014 créé par Renaud Roques, le salarié d'Amesys qui envisageait de poser un bombe chez le rédacteur en chef de Reflets.

Avancement du projet qui n'existait pas au Qatar - © Reflets
Avancement du projet qui n'existait pas au Qatar - © Reflets

Autre document du même type qui évoque le projet au Qatar - © Reflets
Autre document du même type qui évoque le projet au Qatar - © Reflets

Le nom du client, le State Security Bureau (SSB) est également présent dans l'offre qui est faite pour le passage d'un Eagle 10GB à un Eagle 70GB.

Détail de l'offre faite par Nexa/Amesys pour le Eagle 70GB du Qatar - © Reflets
Détail de l'offre faite par Nexa/Amesys pour le Eagle 70GB du Qatar - © Reflets

Le State Security Bureau (SSB) apparaît également dans la liste des clients de Neaxa/Amesys réalisée en décembre 2016. Nous avons ajouté une colonne contenant la liste des pays pour une meilleure lecture. On note la présence également de Gamma, entreprise pour laquelle Louthean Nelson nie toute relation avec Nexa dans l'article de Mediapart.

Liste des clients d'Amesys - © Reflets
Liste des clients d'Amesys - © Reflets

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