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par Rédaction

C9M : le vol noir des corbeaux

Les néonazis défilent dans Paris, 80 ans après la chute du IIIème Reich

Ils se présentent comme patriotes mais ont tous les atours des néonazis. Comme chaque année, ils ont paradé dans les rues de Paris

Comme en 2024, la préfecture a tenté (très mollement) d'interdire le défilé néonazi du « Comité du 9 mai », ou « C9M ». L'arrêté d'interdiction a été à nouveau contesté devant le tribunal administratif et à de nouveau été retoqué. Environ un millier de nostalgiques du fascisme ont donc battu le pavé du très chic VIème arrondissement en mémoire de l'un des leurs, tombé d'un toit en 1994. Cette année, des « porte-parole » portant un brassard blanc avaient été désignés et parlaient volontiers à la presse tout en tentant de la tenir à distance du défilé. On pouvait noter quelques changements rapport à notre reportage d'il y a deux ans. Il y avait beaucoup plus de visages découverts. Les néonazis assument leurs positions. Il y avait plus de policiers. Et plus de policiers racistes ou agressifs contre la presse. Quelque chose de très sombre se propage dans notre société.

Germaine Sablon, le chant des partisans, 1946

« Nous sommes là pour parler à la jeunesse  », lâche un jeune homme orginaire du Sud de la France et qui arbore un bandeau blanc au bras. Lorsqu'on lui demande ce qu'il veut leur dire, le discours se fait plus flou :« _ on veut leur faire passer nos idées nationalistes et patriotes ». Mais encore ? « On veut leur dire qu'ils ne sont pas seuls _».

L'un des porte-parole dans la manifestation - © Reflets
L'un des porte-parole dans la manifestation - © Reflets

Jean-Eudes Gannat, figure de l'extrême-droite la plus radicale et fondateur de l'Alvarium, s'interpose tout sourire. Il renvoie au site du C9M.

Justement... Sur ce site, le C9M accuse la police d'avoir défenestré Sébastien Deyzieu... « Oui, si c'est écrit sur le site c'est qu'on le pense. » Sur la base de faits concrets ? « Il n'y a pas eu d'enquête sérieuse, c'est un preuve ». On n'en saura pas plus.

Jean-Eudes Gannat dans le défilé du C9M - © Reflets
Jean-Eudes Gannat dans le défilé du C9M - © Reflets

La veille, le tribunal administratif avait statué sur l'interdiction par la préfecture de la manifestation du C9M, d'une manifestation antifasciste organisée sur le même parcours et sur un rassemblement antifasciste place du Panthéon.

Un préfet pas très efficace...

Pour la manifestation du C9M, le tribunal a estimé que « si le préfet soutient que lors de la manifestation du 11 mai 2024 de nombreux participants ont illicitement dissimulé leur visage rendant leur identification difficile, il résulte de l’instruction qu’aucun d’entre eux n’a été poursuivi à raison de l’infraction prévue par l’article 431-9-1 du code pénal selon lequel "est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, au cours ou à l'issue de laquelle des troubles à l'ordre public sont commis ou risquent d'être commis, de dissimuler volontairement tout ou partie de son visage sans motif légitime"  ».

En d'autres termes, le juge explique à Laurent Nuñez que si les forces de police ne poursuivent pas les néonazis qui arborent des symboles nazis ou qui cachent leurs visages, c'est qu'il n'y a pas de trouble manifeste de l'ordre public... Faites mieux pour l'année prochaine... Le tribunal a par ailleurs estimé que le préfet pouvait mettre à disposition suffisamment de forces de police sur le pavé pour maintenir l'ordre contrairement à ce qu'il prétendait. Il faut dire qu'il y a deux ans, la préfecture avait jugé que quelques policiers à vélo suffisaient.

Pour la manifestation antifaciste organisée sur le même trajet, le tribunal a décidé de valider son interdiction. Il justifie sa décision en estimant qu'elle « aurait conduit à mêler les participants à chacune de ces manifestations dont les antagonismes idéologiques sont forts ». Bref, le tribunal a voulu éviter un risque d'affrontement. Il a curieusement également « tenu compte du fait que des membres des organisations ayant soutenu la manifestation avaient commis des actes de violence par le passé » alors qu'il n'en a pas été question pour les membres de groupuscules ultra violents d'extrême droite qui ont défilé avec le C9M. La liste des condamnations est pourtant longue, très longue... Vraiment longue.

Le tribunal administratif a enfin autorisé le rassemblement place du Panthéon, à l’appel de l’Union syndicale Solidaires visant à « dénoncer la manifestation du Comité du 9 mai », estimant qu'il se situait loin de la manifestation du C9M et qu'il n'y avait pas de risques de heurts.

En 2023, nous avion noté la faible présence policière. Quelques hommes à vélo pour clôturer la marche.

Intrigants policiers

Cette fois, il y avait plus de monde. On est encore très loin des encadrement complets de manifestation constatés par exemple pour les gilets jaunes mais tout de même, Laurent Nuñez avait cette fois dépêché des voltigeurs. L'un des membres de la BRAV-M a d'ailleurs tenté un coup assez cocasse avec notre journaliste. Ce dernier prenait des photos de l'intervention de la BRAV-M pour empêcher des contre manifestants de s'approcher du cortège du C9M.

Le policier se positionne alors devant l'objectif, recule et donne un coup avec son casque dans l'objectif. Il se retourne et dit : « dites donc, on voit bien ce que vous faites hein, arrêtez tout de suite. Donner des coups comme ça avec votre objectif sur mon casque. Reculez ! ». Une petite tentative d'intimidation parfaitement ridicule, mais qui dit quelque chose de l'époque.

Le policier au casque facétieux   - © Reflets
Le policier au casque facétieux - © Reflets

D'autant qu'elle suit un dialogue entre trois policiers et un badaud. L'un d'entre eux expliquait doctement que dans les commissariats, on voyait bien qu'il y avait surtout des arabes et des noirs, « l'insécurité, même mes collègues reubeux la voient ». Un passant s'offusque. « Circulez ! ». Un autre demande à des policiers de lire : « vous êtes les complices de la bourgeoisie que vous protégez mais vous êtes des exploités, lisez un peu ».

De fait, quelques travaux sociologiques pourraient peut-être expliquer les raisons de la surreprésentation de personnes de couleur dans les commissariats. Les inégalités sociales, leur perpétuation institutionnalisée, le racisme, les violences policières, les abus de pouvoir... Tout cela y contribue sans doute un peu.

À gauche, Jean-Eudes Gannat fondateur de l'Alvarium, au milieu, Raphaël Ayma chef de file de Tenesoun. A droite, Alexandre Boumediene, du groupe Des tours et des Lys, interrogé par Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie - © Reflets
À gauche, Jean-Eudes Gannat fondateur de l'Alvarium, au milieu, Raphaël Ayma chef de file de Tenesoun. A droite, Alexandre Boumediene, du groupe Des tours et des Lys, interrogé par Ligne droite, la matinale de Radio Courtoisie - © Reflets

Saurez-vous reconnaître les tambours du C9M parmi ces tambours nazis ? - © Reflets
Saurez-vous reconnaître les tambours du C9M parmi ces tambours nazis ? - © Reflets

Un slogan qui n'est pas sans rappeler les délires du white djihad dont nous avions parlé dans un autre article - © Reflets
Un slogan qui n'est pas sans rappeler les délires du white djihad dont nous avions parlé dans un autre article - © Reflets

Encore et toujours les symboles. Ce manifestant cache son visage avec une tête de mort et un tatouage probablement compromettant. - © Reflets
Encore et toujours les symboles. Ce manifestant cache son visage avec une tête de mort et un tatouage probablement compromettant. - © Reflets

Religion, violence, comme un parfum de croisade... - © Reflets
Religion, violence, comme un parfum de croisade... - © Reflets

"Defend" tout et n'importe quoi, un symbole de l'extrême droite violente. Ici c'est Defend Besançon... - © Reflets
"Defend" tout et n'importe quoi, un symbole de l'extrême droite violente. Ici c'est Defend Besançon... - © Reflets

Ouest Cokins, groupe de musique néonazi - © Reflets
Ouest Cokins, groupe de musique néonazi - © Reflets

Le groupe allemand néonazi Der Dritte Weg - © Reflets
Le groupe allemand néonazi Der Dritte Weg - © Reflets

Les antifascistes empêchés de suivre le parcours du C9M par la police qui bloque aussi le passage des journalistes. "Vous n'aviez qu'à passer avant, avec les autres, vous n'aviez qu'à être meilleur" lance mystérieusement le gradé qui bloque le passage de notre journaliste. - © Reflets
Les antifascistes empêchés de suivre le parcours du C9M par la police qui bloque aussi le passage des journalistes. "Vous n'aviez qu'à passer avant, avec les autres, vous n'aviez qu'à être meilleur" lance mystérieusement le gradé qui bloque le passage de notre journaliste. - © Reflets

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