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par Antoine Champagne - kitetoa

Alcatel intéresse la NSA : décryptage d'un article du Monde

Le Monde nous apprend que la NSA s'est intéressée aux communications téléphoniques des Français et surtout, qu'elle a observé de très près ce qui se disait chez les détenteurs d'emails @wanadoo.fr et @alcatel-lucent.com. Ah ? Etonnant non ? Non. Pour le deuxième nom de domaine tout au moins. Les lecteurs de Reflets connaissent bien Alcatel. Car cette entreprise française possède une filiale essentielle pour la surveillance du XXIème siècle.

Le Monde nous apprend que la NSA s'est intéressée aux communications téléphoniques des Français et surtout, qu'elle a observé de très près ce qui se disait chez les détenteurs d'emails @wanadoo.fr et @alcatel-lucent.com. Ah ? Etonnant non ? Non. Pour le deuxième nom de domaine tout au moins. Les lecteurs de Reflets connaissent bien Alcatel. Car cette entreprise française possède une filiale essentielle pour la surveillance du XXIème siècle. Elle pose les câbles sous-marins qui composent la colonne vertébrale d'Internet. Depuis le début du scandale Amesys, Reflets soutient une thèse abracadabrantesque qui consiste à dire que, si ça se trouve, la France fait, à son niveau,... exactement ce que fait la NSA. C'est à dire écouter le trafic qui circule dans ces câbles. Oh, bien entendu, si cela est le cas, ce serait un volume de communications moins important que celui intercepté par la NSA. Mais la technologie est exactement la même. Du Deep packet inspection, comme savent le faire Amesys, Qosmos, EADS et quelques autres. Celui-ci étant couplé à une infrastructure, celle déployée par la filiale de pose de câbles d'Alcatel et les routeurs de service qui vont avec. Partout où Amesys a installé un Eagle, passe un câble posé par Alcatel. Coïncidence sans doute.

Le fait qu'Alcatel est lui même, un fournisseur de solutions d'interception que les FAI doivent déployer en coeur de réseau aux USA (en 2010 ils étaient très fan de la gamme de routeurs de services Alcatel 7500), et auxquelles la CIA et la NSA elles mêmes ont accès, est sans doute un autre détail qui pourra peut-être éveiller notre attention.

L'article du Monde reprend une déclaration de Fleur Pellerin insérée dans un article de Paris Match, dans Reflets et chez Jean-Marc Manach :

N'y a-t-il pas des actifs stratégiques à sécuriser pour l'Etat français, comme les câbles sous-marins ?

_Le savoir-faire d'Alcatel Submarine Networks (ASN) est en effet unique ; il couvre la production, l'installation et la maintenance des câbles sous-marins. C'est une activité stratégique pour connecter l'Outre-Mer et tout le continent africain en haut débit. Il y a aussi un enjeu lié à la cybersurveillance et la sécurité du territoire. Nous sommes favorables à une solution qui maintienne l'intégrité d'ASN et son ancrage national. Je rappelle que d'éventuelles prises de participation seraient de toute façon soumises à une revue du Trésor au titre du décret sur l'investissement étranger en France. _

Et le Monde de citer une de ses sources militaires :

Une source de haut niveau, au ministère de la défense, a indiqué, pour sa part, que les "propos de Mme Pellerin, reconnaissant publiquement que les câbles sous-marins et les stations d'atterrissage de ces câbles au contact des continents étaient des nids d'espionnage, relevaient d'une grave maladresse".

Mince, encore une pierre à l'édifice de la théorie abracadabrantesque de Reflets... Une autre théorie non moins abracadabrantesque serait que Bercy lit Reflets !

L'Etat français s'est visiblement refusé à émettre un commentaire sur cette histoire d'écoutes américaines. Il n'avait non plus réagi de manière très vigoureuse lorsque le scandale "PRISM" avait éclaté. Laurent Fabius, qui avait pris la peine de répéter les déclarations de Gérard Longuet et d'Alain Juppé, alors ministre de la Défense pour défendre Amesys ou Qosmos, a convoqué l'ambassadeur américain à Paris. L'ambassadeur doit trembler...

D'une part, la France fait exactement la même chose que les Etats-Unis (mais avec un plus petit zizi), d'autre part, il n'est pas impossible que les documents Snowden fassent apparaître, à terme, des choses ennuyeuses pour Paris. Qui sait ?

Rien ne dit, c'est une supposition, que la France n'a pas aidé les Américains dans leur délire d'écoute globale, en leur vendant un ou deux 0day, ou quelques sondes "de mesure d'audience". On partage quotidiennement des informations liées au "terrorisme" (la définition de ce qui relève du terrorisme est très large aujourd'hui). Pourquoi pas des ressources techniques ou des métadonnées en forme d'échange de bons procédés... du genre "si tu me donnes les SMS de DSK, je te file les 06 d'un ou deux barbus d'AQMI") ?

 

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