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par Antoine Champagne - kitetoa

La vaste blague de la proposition de loi sur la surveillance internationale des communications

Incorrigibles naïfs ou optimistes que nous sommes, citoyens ayant encore une once de foi dans le système démocratique, nous commentons, nous proposons des modifications, nous espérons que nos représentants sauront voir le mur vers lequel ils nous précipitent avec la proposition de loi sur la surveillance internationale des communications, qui fait suite à la non moins  méprisable loi sur le renseignement.

Incorrigibles naïfs ou optimistes que nous sommes, citoyens ayant encore une once de foi dans le système démocratique, nous commentons, nous proposons des modifications, nous espérons que nos représentants sauront voir le mur vers lequel ils nous précipitent avec la proposition de loi sur la surveillance internationale des communications, qui fait suite à la non moins  méprisable loi sur le renseignement. Las, les débats montrent ce qui était une évidence : le gouvernement, comme les parlementaires ont une idée en tête et n'en démordront pas. Pas même un petit peu. Quel que soit le nombre d'articles enflammés (ou pas), quels que soient les arguments (même les meilleurs), quel que soit le volume de tweets, quelles que soient les déclarations avisées des associations, des avocats, des magistrats, des représentants des services de renseignement qui s'opposent à ces lois attentatoires aux libertés individuelles, les textes seront adoptés.

C'est assez classique, lorsqu'une personne moyennement équipée pour la réflexion - ou ayant un ego un peu trop important - se trompe, elle ne revient pas en arrière, quitte à foncer dans le mur en klaxonnant, le sourire aux lèvres. Dans le cas présent, on a bien entendu ce type de comportement qui se profile. Et dans la continuité. Car ce mouvement a été initié bien avant la présidence Hollande. Les lecteurs de Reflets le savent depuis 2011. Et notre théorie abracadabrantesque a été confirmée récemment dans cet article. Sous Nicolas Sarkozy, la France s'est dotée d'une infrastructure lui permettant d'écouter à peu près n'importe quoi et n'importe qui. Notre petite NSA à nous... Cette infrastructure est, selon nous, appuyée sur deux leviers principaux. Les câbles, qui sont souvent posés par Alcatel ou Orange, et ceux qui passent par la France. Mais aussi certains outils vendus avec la bénédiction de la France à toute une série de dictateurs ou d'Etats policiers. Des Eagle d'Amesys qui sont quasiment tous à un endroit ou atterrit un câble posé par Alcatel, par exemple. Il faudrait que les services de renseignement extérieurs soient franchement mauvais pour ne pas se ménager un accès distant à ces outils, afin - entre autres choses - de délocaliser les écoutes et sortir du cadre juridique français. Cette stratégie d'écoute massive a donné une nouvelle position à la France au sein de la grande bourse d'échange de données. A tel point que très étrangement, et sans que personne ne relève ce point intéressant, la Rand Corporation a récemment estimé que la France devrait être intégrée au sein des Five Eyes.

Finally, the time may have come to bring France into the exclusive intelligence-sharing club known as “the Five Eyes,” which includes long-standing U.S. allies Canada, the UK, Australia and New Zealand. The price of membership for France is high because Paris would be expected to give as well as to take. But in light of the strategic convergence between Paris and Washington, both Americans and the French would have much to gain.

Cette nouvelle position de la France qui doit ravir les présidents Sarkozy et Hollande ne devrait pas faire oublier sur quoi elle a été construite. Les Libyens et les Syriens qui sont venus à Paris témoigner des tortures auxquelles ils ont été soumis sur la base des écoutes pratiquées par des outils de surveillance "Made in France" (avec certitude pour Amesys et une présomption d'innocence pour Qosmos) peuvent en témoigner à nouveau. Si tant est que nos gouvernants sont devenus sourds.

En ce qui concerne les détails de notre nouvelle position face aux Américains, vous devriez relire cet article qui détaille l'importance de notre infrastructure pour la surveillance de l'Afrique aux yeux de Washington.

Et bien regarder cette cartographie:

Faire marche arrière est donc complexe. On continue, on accélère, même. On donne un vernis juridique à des pratiques très bien établies. Comment accepter l'idée que l'on fait fausse route après tant d'efforts, tant de compromissions ?

Ma cassette, ma cassette !

Il ne faudrait pas non plus sous-estimer le coût d'un frein à cette fuite en avant vers la catastrophe.

Cette infrastructure qui nous vaut les félicitations de la Rand Corporation a un coût. Bien entendu, moindre que celui de l'infrastructure américaine, mais tout de même. Si les Eagle et autres sondes variées ont été vendue(s) à des dictateurs ou des Etats policiers, un petit plus pour la balance du commerce extérieur, les infrastructures installées en France ne sont pas gratuites. L'idée même que tous ces investissements aient été faits en vain, parce que l'on se dirait, tout d'un coup, que oui, finalement, mettre en place ce genre de chose est attentatoire aux libertés individuelles des Français, à leur droit à la confidentialité de leurs communications, est probablement vécue comme une abomination par bon nombre de gens, de la DGSE aux cabinets ministériels, en passant par l'Elysée ou Matignon.

Mon gâteau, mon gâteau !

Au delà de ces aspects, il ne faudrait pas négliger la théorie du gâteau au chocolat. Si vous placez un bon et beau gâteau au chocolat dans une pièce où se trouve un gourmand qui aime le chocolat, que vous le laissez seul en lui demandant de ne pas y toucher, il y a de très fortes chances pour qu'il le goûte, pour peu qu'il y soit confronté suffisamment longtemps. Une fois ce pas franchi (l'interdit), il en mangera plus. Goûter au renseignement, c'est pire qu'un gâteau au chocolat, pire qu'un macaron de Laurent Chemla... C'est dire. C'est terriblement addictif. Si Pablo Escobar était encore vivant, il aurait fait commerce de métadonnées et autres payloads. Addictif, on vous dit. Improbable donc, que François Hollande mette un terme aux pratiques établies dans ce domaine.

Rien que des menteries !

Depuis 2011, nous martelons que la France fait dans l'écoute massive (pas dans le systématique) en France et à l'étranger (en même temps, le massif conduit au systématique, dans quatre ans la France pourra se payer un cloud privatif Amazon).

Depuis 2011, nous n'avons récolté que quelques quolibets de la part des politiques (nous serions des trolls). Mais aussi des #Spanous ou des "non la France ne fait pas cela". Nous avions proposé à Jean-Jacques Urvoas de discuter posément de tout cela, mais deux ans après notre proposition, nous sommes toujours sans nouvelles du député. Nos articles sur Amesys ou Qosmos ont, à notre sens, largement invalidé ses positions.

Toujours au registre du massif, de l'écoute, de la surveillance, le patron de l'ANSSI aurait indiqué aux Assises de la sécurité que "on" aurait demandé à son institution de devenir un service de renseignement, ce que l'agence aurait refusé.

<subliminal>Nous serions ravis de discuter de ce point avec Guillaume Poupard. Si quelqu'un nous lit à l'ANSSI : redaction@reflets.info.</subliminal>

 

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