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par Antoine Champagne - kitetoa

Jean-Jacques Urvoas : Qosmos et Amesys ne sont pas prestataires des services français

Il y a parfois des petits bijoux dans les vidéos de l'Assemblée Nationale. C'est le cas de cette retransmission de la "table ronde sur les libertés et les activités de renseignement" du 13 novembre 2014. Sont présents Jean-Jacques Urvoas et Jean-Michel Delarue. Le premier est président de la commission des lois et  président de la Délégation parlementaire du renseignement.

Il y a parfois des petits bijoux dans les vidéos de l'Assemblée Nationale. C'est le cas de cette retransmission de la "table ronde sur les libertés et les activités de renseignement" du 13 novembre 2014. Sont présents Jean-Jacques Urvoas et Jean-Michel Delarue. Le premier est président de la commission des lois et  président de la Délégation parlementaire du renseignement. A ce titre, il est bien placé pour connaître des activités de renseignement et a travaillé au sein de la commission des lois sur la Loi de programmation militaire et sur celle renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Le second est Jean-Marie Delarue, président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Une phrase ressort particulièrement du discours de Jean-Jacques Urvoas. Elle n'est pas passée inaperçue chez Reflets qui a déjà relayé les déclarations de Jean-Jacques Urvoas ici et notamment... Ce n'est pas une nouveauté pour nos lecteurs, Jean-Jacques Urvoas, est (suppositions) au choix, parfaitement au courant de l’étendue des écoutes opérées par la DGSE ou, pas du tout au courant car la DGSE n’informe pas les députés sur l’étendue de ses écoutes. Si la première supposition est la bonne, cela veut dire que Jean-Jacques Urvoas ment effrontément au cours de cette table ronde. Si la seconde supposition est juste, il devrait s'interroger sur son rôle de représentant du peuple et sur la manière dont il est traité par les services de renseignement. Cela donnerait également à réfléchir sur l'étonnant sens de l'impunité dont feraient preuve lesdits services en mentant à un député.

La question qui fait sourire Jean-Jacques Urvoas

Au cours de cette table ronde, Edwy Plenel, journaliste et président de Mediapart pose une question toute simple à Jean-Jacques Urvoas : "Que savez-vous des liens entre nos services et ces sociétés privées qui pour nous, pour le dire franchement, pour la société Qosmos, loin de ne pas être liée au monde du renseignement, sont des sous-traitants de nos services et permettent à nos services de faire, parfois, ce que officiellement ils ne font pas, à l'abri du statut privé de ces sociétés. Vous avez dit vous-même qu'elles allaient plus loin que ce que font nos services. Est-ce que vous pourriez ici, publiquement, nous dire que nos services n'ont aucun lien avec la société Qosmos ou avec la société Amesys ?".

Cette question semble beaucoup amuser Jean-Jacques Urvoas...

Et sa réponse est... Comment dire... Etonnante :

"Sur Qosmos, Amesys, heu... je..., je..., n'ai jamais rencontré depuis que je suis directeur, enfin président de la délégation parlementaire au renseignement, cette structure, je n'ai jamais entendu qu'elle soit un prestataire de qui que ce soit, en tout cas pas pour les organes qu'il m'arrive de fréquenter".

Bien entendu on peut s'interroger comme nous l'avons fait :

  • Jean-Jacques Urvoas est-il en train de mentir ?
  • Jean-Jacques Urvoas a-t-il été victime d'un mensonge par omission de la part des services, et dans ce cas, pourquoi n'a-t-il pas joué son rôle et posé les bonnes questions aux services ? Le scandale Amesys et celui de Qosmos sont connus depuis des années, s'étalent dans la presse, deux instructions sont en cours au pôle spécialisé dans les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et la torture du tribunal de Paris...

Mais au delà des interrogation,s il y a des faits qui permettent de mettre en doute l'affirmation du député.

La transparence de i2e, ancêtre d'Amesys

Pour Amesys, Mediapart et Jean-Marc Manach ont démontré l'implication de Ziad Takieddine qui ne faisait pas grand chose sans l'aval des gouvernements de droite, et notamment de celui de Nicolas Sarkozy (lire également ceci) dans le contrat Amesys avec la Libye. Mieux, i2e, l'ancêtre d'Amesys explique elle-même être le principal fournisseur du ministère français de la Défense en matière d'interceptions de communications et d'interceptions électroniques.

Quant à la vente à la Libye d'une infrastructure d'interception, i2e indique qu'elle ne se fera pas sans l'aval du ministère de la Défense...

Amesys se recommandait par ailleurs de Nicolas Sarkozy pour appuyer son offre à Kadhafi.

Il est donc difficile d'imaginer que les services français n'aient aucune relation avec Amesys.

Pour ce qui est de Qosmos, Le Monde a écrit sans être poursuivi, que Qosmos travaillait pour la DGSE. Une business unit a été créée pour ce projet : Kairos. Cette collaboration de Qosmos avec les services français n'est pas inconnue des plus anciens lecteurs de Reflets qui l'avaient découverte lors de la publication, le 16 mars 2012, d'un enregistrement d'Eric Horlait, l'un des fondateurs de Qosmos, venu répondre aux questions des chercheurs du LIP6, le labo de recherche où est née la technologie de deep packet inspection.

En outre, selon des documents auxquels Reflets a eu accès, il existe bien un projet Kairos au sein de Qosmos et les développeurs de l'entreprise y sont régulièrement affectés.

Comme le soulignait Edwy Plenel au cours de cette table ronde, la France est un pays un peu spécial où les autorités sont particulièrement silencieuses sur ces sujets. Quid de l'accord Lustre, par exemple, aux termes duquel la France livre des petaoctets de métadonnées à la NSA ? La question parlementaire sur ce sujet est restée sans réponse du gouvernement depuis le 26 novembre 2013.

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