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par shaman

#Egypte : Les militaires sont dans la place !

17 Décembre. En ce jour anniversaire du martyre de Mohammed Al-Bouazzizi, nous aurions aimé vous apporter de meilleures nouvelles. Ce jour aurait pu être un jour de recueillement et de mémoire. Un jour où nous aurions tourné nos pensées vers ceux, tombés pour un monde meilleur. Tombés pour interpeller le monde. Tombés sous les assauts d'une dictature qui cache de moins en moins son visage. Les dirigeants de l'Egypte, du monde, en ont décidés autrement.

17 Décembre.

En ce jour anniversaire du martyre de Mohammed Al-Bouazzizi, nous aurions aimé vous apporter de meilleures nouvelles.

Ce jour aurait pu être un jour de recueillement et de mémoire. Un jour où nous aurions tourné nos pensées vers ceux, tombés pour un monde meilleur. Tombés pour interpeller le monde. Tombés sous les assauts d'une dictature qui cache de moins en moins son visage.

Les dirigeants de l'Egypte, du monde, en ont décidés autrement. Peut-être, pour eux aussi, ce jour devait être symbolique ...

Aujourd'hui, en Égypte, 10 nouveaux martyrs sont tombés.

Le 25 novembre dernier, en réaction à la nomination de Kamal El Ganzouri comme premier ministre par le Conseil suprême des forces armées égyptiennes (SCAF), des manifestants de Tahrir décident de procéder à un sitting devant le parlement et les bureaux du premier ministre. Cette action est très vite nommée #OccupyCabinet. Encore un signe de la globalisation des résistances dans le monde.

Les manifestants ont leurs raisons.

Entre le 19 et le 25 novembre plus de quarante d'entre eux sont tombés sous la répression des forces de sécurités. L'ancien premier ministre Essam Sharaf, fervent supporter de la révolution de #Janv25, avait démissionné pour s'élever contre les violences. Les manifestants demandaient la mise en place d'un gouvernement de salut national, et voila que le SCAF leur colle Ganzouri, un ancien ministre de Moubarak.

De quoi les pousser à bout.

Jusqu'au 15 décembre, pas d'incidents majeurs. L'occupation se poursuit et les militaires semblent hésiter. Veulent-ils éviter tout débordement avant le second tour des élections ? Elles se dérouleront dans le calme. Mais à peine celles-ci terminées, les choses tournent différemment. Qu'est-ce qui a déclenché la répression ? Celle-ci a-t-elle été réellement planifiée ?

Dans son blog, "The Arabist" dénonce un vide de commandement. Des soldats laissés sans encadrement dont les méthodes deviennent vite proche des comportements des gangs de rues. Du haut des immeubles, ils jettent pierres, bâtons et plus tard, cocktails Molotov sur le campement.

 

 

 

Heures après heures, l'escalade se poursuit. Et le SCAF ne semble donner aucun ordre pour l'enrayer. L'occupation pacifique tourne très vite en émeute et en combat de rue. Protestataires contre police et militaires habillés parfois en civils.

Et les émeutes, ça, les militaires ça les connaît.

Les rues autour du parlement sont reprises, barricadées. Les tentes des occupants sont brûlées. Les manifestants rapportent de nombreux cas de tirs à balle réelles.

Le 17 au matin, la place Tahrir dont nous vous rapportions la réoccupation il y a à peine 3 semaines, est prise d'assaut et vidée de tous ses occupants. Cette fois les militaires semblent malheureusement décidés à faire sérieusement le ménage. Les deux hôpitaux de terrain de Tharir, hôpitaux crées et gérés par les révoltés égyptiens, sont attaqués, les docteurs molestés et dix d'entre eux arrêtés.

 

 

 

Des marches funèbres honorant les martyrs de la veille tournent en manifestations contre le SCAF et le maréchal Tantawi.

Les militaires veillent à maitriser l'information. Les manifestants témoignent de nombreux appareils photos détruits, de SD cards effacés.

 

La violence ne connait plus de limite.

La journaliste d'Aljazeera English, Rawya Rageh, présente sur le terrain, parle de  10 morts confirmés et plus de 432 blessés. Un blogueur rapporte avoir vu des corps jetés par la police militaire dans le Nil. L'information n'est pas confirmée pour le moment.

 

 

La police militaire est bien aux commandes de cette répression sanglante. Rawya Rageh le rapporte sur son compte twitter  @RawyaRageh.

 

Au milieu de ce beau merdier, que font les politiques ?

Le nouveau premier ministre, Kamal El Ganzouri, dont la démission est exigée par les manifestants, se dit atterré par l'attitude du peuple. Il a accusé les occupants de #OccupyCabinet d'êtres des "Contre-révolutionnaires".

La police a fait irruption dans les quartiers généraux du parti de la justice Al-Adl après que plusieurs de ses membres aient été repérés dans l'occupation du parlement. Ces derniers ont été arrêtés.

Le chef du parti Al-Wasat, membre du cabinet que le SCAF avait mis en place a démissionné en signe de protestation contre la répression. Deux autres membres du cabinet avaient quitté leur poste, le jour précédant.

Aujourd'hui les activistes accusent l'armée et le SCAF de tout avoir fait échouer. Ils craignent que l’Égypte ne se relève pas facilement de cette épreuve.

La télévision d’état, elle, clame haut et fort les derniers scores électoraux des frères musulmans. Et les accuse d’opportunisme, d'être trop concentrés sur l'élection.

 

Avec 40% des voies au sortir du deuxième tour des législatives, le grand parti islamiste égyptien va connaitre les affres de la Real-politik. Les salafistes de Al-Nour, tenants d'un islam plus rigoureux les talonnent de près. Et l'heure des choix est venue. Des alliances doivent se former, l’Égypte doit réécrire sa constitution.

Au vu de la réaction de l'armée, que craignent les activistes lorsqu'ils accusent les militaires de tout gâcher ? Pourquoi cette réponse violente leurs fait peur ? Avec cette montée en puissance des islamistes, confirmée par les urnes, presque prévisible vu le peu de temps laissé aux partis de gauche et à ceux issus de la révolution de #Janv25 pour s'organiser ... Les militaires vont-ils vraiment accepter de jouer le jeu ? L’Égypte est un pays clef dans la carte complexe du Moyen-Orient. Et un scénario un peu similaire, inquiétant, s'est déroulé pas li loin que ça, il y a pas si longtemps ...

L’Algérie, 1991.

Les militaires annulent les élections dés la publication des résultats du premier tour. Ils craignent l'arrivée au pouvoir du Front Islamiste du Salut (FIS). S'en suivra un guerre civile de plus de 10 ans et qui se soldera par plus de 100 000 morts. Toutes les ficelles de la guerre civile algérienne n'ont pas été révélées. De nombreux liens entre les militaires et les islamistes les plus radicaux ont étés dénoncés.

Cette guerre avait vu la décapitation méthodique d'une génération d'intellectuels, de journalistes, de penseurs.

 

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