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Édito
par Antoine Champagne - kitetoa

Bienvenue dans un avenir sombre

Photo MartinMarazek Tu t'es vu quand tu as voté ? Ce pourrait être le prochain slogan à la mode. Les Français ont voté dimanche pour le premier tour de l'élection présidentielle. A priori et sauf grosse surprise, Emmanuel Macron sera opposé au second tour à Marine Le Pen. Les commentateurs sont en boucle : c'est un bouleversement dans la Vème république, les "dégagistes" ont gagné, les deux partis traditionnels ne sont pas représentés... Ce n'est pas faux.

Photo MartinMarazek

Tu t'es vu quand tu as voté ? Ce pourrait être le prochain slogan à la mode. Les Français ont voté dimanche pour le premier tour de l'élection présidentielle. A priori et sauf grosse surprise, Emmanuel Macron sera opposé au second tour à Marine Le Pen. Les commentateurs sont en boucle : c'est un bouleversement dans la Vème république, les "dégagistes" ont gagné, les deux partis traditionnels ne sont pas représentés...

Ce n'est pas faux. La droite (LR) n'est pas au second tour. La gauche (PS) non plus. Les électeurs ont donc cessé de porter au pouvoir des gens qui sont, pour les premiers, empêtrés dans ce que les mêmes commentateurs appellent pudiquement "les affaires" et pour les seconds, des gens qui ont trahi leurs promesses de 2012. François Hollande a plombé le PS avec une efficacité redoutable. L'homme pour qui la finance était l'ennemi (au lendemain de la plus gave crise financière que la planète ait connu) a choisi à peine élu comme secrétaire général adjoint de la présidence un banquier d'affaires, puis comme ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique... le même banquier d'affaires... Un certain Emmanuel Macron.

François Hollande, portait tous les espoirs des gens de gauche qui avaient été essorés par Nicolas Sarkozy et ses troupes. Cinq ans de délire total, ponctué par la guerre illégale en Libye, l'infâme débat puant sur l'identité nationale, la libération de la parole raciste, on en passe. Il pouvait tout. Un peu comme Barack Obama qui sortait George Bush aux Etats-Unis.

Il a fait le choix très vite d'un premier ministre copie conforme de Nicolas Sarkozy, petit, excité, adepte de l'ordre imposé à coups de matraques et de 49,3. Il a choisi de poursuivre sur la ligne de son prédécesseur en matière de mise sur écoute de la population avec la Loi sur le renseignement et la Loi de programmation militaire. Des "boites noires" pour les écouter tous...

Bref, il a profondément déçu son électorat qui le lui rend bien en ne donnant à Benoît Hamon, représentant du PS dans cette élection, qu'un peu plus de 6% des voix.

Incohérence

Mais il faut également s'interroger sur les électeurs qui placent au second tour Emmanuel Macron... Qui sont-ils, d'où viennent-ils ? Quels sont leurs réseaux ? Car tout de même, s'il s'agissait de sortir François Hollande, honni, pourquoi voter Emmanuel Macron ? Etait-ce celui qui faisait le moins peur (pas de sortie de l'euro, par exemple) ? En tout état de cause, il a été le ministre de l'Economie et de l'Industrie de François Hollande, l'artisan des lois les plus contestées dans la rue, la Loi Travail et la Loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (dite Loi Macron). Ce qui est contesté dans la rue ne le serait pas dans les urnes ? On vouerait aux gémonies François Hollande, pour porter au second tour celui qui lui a insufflé sa politique économique ?

Pour les électeurs : la peste ou le choléra

L'avenir est sombre... Il va falloir, pour ceux qui veulent toujours participer au grand jeu des élections, choisir entre un ultra-libéral qui ne satisfait pas les gens de gauche ni les gens de droite (qui le prennent pour le fils spirituel de François Hollande et donc un odieux gauchiste) et une néo-fasciste. Elle ne satisfait pas la tranche de gauche, ni une bonne partie de la droite LR, mais peut récolter quelques suffrages des déçus de tout. Et il y en a.

Si les Français étaient assez dingues pour choisir Marine Le Pen comme présidente, il n'y a aucun doute, le pays sombrerait plus vite qu'il ne le faut à un membre du Front National pour évoquer Führer et ses bienfaits supposés.

Si les Français se décidaient pour Emmanuel Macron... Là, ce serait un peu plus lent, mais le pire est à craindre également. Voilà un homme dont on nous dit qu'il veut faire de la France une "start-up nation"... Que ceux qui ont déjà travaillé dans une start-up se lèvent et viennent parler à la TéVé, s'il vous plaît. Une start-up, c'est avant tout des gens qui font du marketing, pour vendre une idée, qui n'ont pas d'argent, qui en cherchent, qui séduisent des investisseurs et qui une fois qu'ils ont 5 millions de users ou de visiteurs, dont 3 millions de bots et 1,5 million de comptes inactifs, revendent leur belle idée une fortune. Avant, si possible, d'aller placer le fruit de leur dur labeur dans un paradis fiscal. En voilà un beau projet : transformer la France en start-up. Avec 90% des employés qui sont des stagiaires ?

Ce soir, l'avenir ni rose, ni bleu. Il est sombre.

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