Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

Violents affrontements lors de la manifestation du 1er mai 2023 à Paris

Et si l'on allait au-delà de ce constat ?

Pluie de cailloux et autres projectiles sur les forces de l'ordre, pluie de lacrymogènes, de grenades et tirs de LBD sur les manifestants. La manifestation parisienne a été le théâtre de violents affrontements ce premier mai 2023. Mais peut-on se contenter de compter les points en chiffrant le nombre de blessés de part et d'autre ? Peut-on se contenter d'opposer deux « camps » ?

Ou pas... - © Reflets

Reflets.info à couvert à peu près toutes les manifestations des gilets jaunes et un constat s'impose : la tension monte. Pas toujours de la même manière, selon le côté de la barricade où l'on se place, d'ailleurs. Côté policiers, ce sont les violences à l'encontre de la presse et le fait de l'empêcher de faire son travail qui ressort dans ce mouvement contre les retraites. Les forces de l'ordre (FDO) ont également une tendance à davantage matraquer et utiliser des grenades lacrymogènes et de désencerclement. Mais l'usage du LBD reste moindre qu'aux pires moments des gilets jaunes. Côté manifestants, on voit se déployer de manière plus systématique des personnes qui n'hésitent pas à aller à l'affrontement. Jets de pierres ou tout autre projectile (sacs poubelles par exemple) semblent révéler une colère profonde, un sentiment d'injustice et celui de ne pas pouvoir faire bouger autrement les lignes politiques. Une fois ce constat dressé, que faire ? Peut-on se contenter, comme Gérald Darmanin d'afficher un nombre de blessés (qui n'a aucun sens), 250 côté forces de l'ordre à Paris hier et 31 côté manifestants. Ou de se vanter d'un nombre d'arrestations (qui ne veulent rien dire), quelque 540 dans tout le pays ?

Pour ce qui est du nombre de blessés, il est évident que l'on ne peut mettre sur le même plan une entorse et une plaie ouverte. A dresser des listes, il faut être exhaustif (compliqué car tous les manifestants ne se rendent pas à l'hôpital tandis que chaque FDO blessé, même légèrement, est comptabilisé).

Pour ce qui est des arrestations, les premières manifestations du mouvement contre les retraites ont montré qu'elles étaient souvent massives, indiscriminées et qu'elles ne résistaient pas à l'examen de la Justice. Selon les chiffres du ministère, entre le 16 et le 25 mars, quelque 1.346 personnes ont été placées en garde à vue mais seulement 26 % ont été poursuivies par la justice. Ce qui fait 74% d'arrestations arbitraires. Une paille.

Continuer de ne pas réfléchir à la situation permet aussi de stigmatiser et d'enkyster l'idée qu'il pourrait y avoir deux camps irréconciliables, deux belligérants. Dans un monde un tant soit peu cultivé, une telle situation s'appelle une guerre civile et nombreux sont les peuples (Espagne ou Liban au hasard) qui peuvent témoigner du peu d'intérêt d'un tel conflit...

C'était déjà le cas pendant les manifestations des gilets jaunes, comme le montre cette vidéo de l'ancien préfet Didier Lallement : le pouvoir considère les manifestants comme un camp opposé. Gérald Darmanin ne fait pas mieux en tenant à assimiler Jean-Luc Mélenchon aux manifestants les plus violents, l'accusant - et à sa suite toute une série de politiques de son mouvement - de s'en prendre aux institutions par ses discours. Le ministre qui se voit déjà premier ministre puis président, tout à son agenda politique, qui trouvait par ailleurs Marine Le Pen « un peu molle », a estimé que « depuis plusieurs années on a une montée des violences, due à l'ultra-gauche qui veut mettre à bas la République et l'absence de condamnation de certains politiques. Où est la condamnation de monsieur Mélenchon contre l'attaque de ce policier? Le silence assourdissant de Jean-Luc Mélenchon le rend complice. Monsieur Mélenchon, faites un petit effort ».

« L'ultra gauche » devient un grand Satan, dans la lignée des méthodes politiques les plus ringardes d'un autre siècle, pour permettre à l'exécutif d'exister en tant qu'alternative angélique. Rien ne dit que les manifestants les plus violents sont « d'ultra gauche » plutôt qu'anarchistes, d'extrême-droite, ou tout simplement, pas politisés du tout. Une chose est certaine, Gérald Darmanin n'est pas allé leur poser la question.

Il serait sans doute temps, avant l'avènement de l'extrême-droite au pouvoir en France, et avant un divorce définitif entre les deux « camps » désignés par l'exécutif, d'essayer de comprendre pourquoi on en arrive là.

La violence est un cercle. On reçoit toujours en fonction de ce que l'on a donné. Qui a commencé ? Peu importe. Ce qui compte, c'est de trouver dans l'un des deux « camps », celui qui sera plus « civilisé » que l'autre et qui saura amorcer la « désescalade ». Cela passe par le dialogue. Or, Emmanuel Macron et tous ses zélateurs n'ont montré depuis 2017 qu'un mépris systématique et violent pour toute opinion divergente. La démocratie est pourtant le résultat d'un compromis permanent, d'où l'intérêt des corps intermédiaires, systématiquement ignorés et vilipendés par le président. Dans ce « combat » entre manifestants et forces de l'ordre, on attend que ce soit le « camp » disposant de la force de frappe la plus importante qui fasse le premier pas vers une désescalade. Il n'en est rien.

Les forces de l'ordre matraquent et visent délibérément avec leurs grenades les journalistes, c'est dire s'ils sont enclins à la désescalade... En ce premier mai, plusieurs journalistes ont été matraqués. Remy Buisine (Brut) a reçu une grenade désencerclante dans les pieds, nous avons filmé (voir ci-dessous) un journaliste recevant des coups de matraque. Moi-même, j'ai été tamponné à coup de bouclier lors d'une charge, ce qui m'a fait m'étaler au sol avec tout mon matériel, en étant matraqué au passage.

Les munitions utilisées sont variées : gaz lacrymogène dans des proportions qui noient la rue dans un brouillard impénétrable et masque jusqu'à la lumière du soleil pour qui se retrouve dans le nuage. Mais aussi grenades assourdissantes et désencerclantes. Souvent dans des situations qui ne nécessitent pas une telle force. Comme pendant la période des gilets jaunes, il convient de se demander si la présence visible des forces de l'ordre, leurs actions, ont une part de responsabilité dans la montée de la violence au sein des manifestations. Les nasses, les actions destinées à fragmenter les cortèges (comme ce premier mai particulièrement, boulevard Voltaire), les charges injustifiées et erratiques, au point que les FDO arrivent à se noyer elles mêmes dans un nuage de lacrymogènes ou se jeter sur elles-mêmes des grenades assourdissantes, sont autant de mouvements qui ne peuvent concourir qu'à l'énervement général.

Alors qu'un jeune manifestant (17 ans) venait d'être traîné sur une vingtaine de mètres après un « saute dessus », une discussion s'est engagée avec un CRS. Il s'agissait manifestement d'un mineur (ce qui s'est confirmé par la suite) et il filmait au moment de son interpellation (il ne pouvait donc pas participer aux violences). Après une opposition un peu systématique sur cette arrestation qui semblait tout à fait arbitraire, le CRS s'est détendu et s'est livré. Instructif. « Vous croyez que j'ai envie d'être là, de me prendre tout ce qu'on s'est pris sur la tête tout à l'heure en chargeant ? Franchement, la violence que l'on déploie, elle vient aussi des chefs. Avant, les grenades, on lançait jamais ça. Quand vous découvrez qu'il n'y a plus rien en stock et qu'un commissaire vous dit "balancez des grenades GLIF4" parce qu'il n'y a rien d'autre... Après, c'est le gars qui a lancé qui se retrouve au tribunal. Moi je fais ce qu'on me dit de faire. Emmanuel Macron a été élu de manière démocratique. Ils étaient où les gens qui gueulent aujourd'hui quand il fallait glisser un bulletin dans l'urne ? Les bourgeois, eux, ils étaient là dès le matin pour voter. Et non, je ne vote pas Marine Le Pen. Mais je n'ai pas voté Macron non plus ! ».

Retrouvé via les réseaux sociaux, Alain (le prénom a été changé) est entré en contact avec @reflets ce 2 mai. Il est blessé à l'épaule après plusieurs coups de matraque. « J'étais à côté de la presse parce que filmais les événements et je pensais que c'était l'endroit le plus sûr pour faire ça. J'étais en live au moment où il y a eu une charge et où les policiers se sont rués sur moi. Je n'avais absolument rien fait. Ils m'ont gardé deux heures et m'ont relâché », témoigne-t-il.

Les gilets jaunes sont toujours là - © Reflets
Les gilets jaunes sont toujours là - © Reflets

Avant le départ, la tendance est au "chill" - © Reflets
Avant le départ, la tendance est au "chill" - © Reflets

Des "alpinistes" vont rhabiller la statue. Un avion passe au loin, indifférent. - © Reflets
Des "alpinistes" vont rhabiller la statue. Un avion passe au loin, indifférent. - © Reflets

Sur la Place de la République qui se remplit doucement, tout est calme. - © Reflets
Sur la Place de la République qui se remplit doucement, tout est calme. - © Reflets

Emmanuel Macron est au centre de toutes les critiques. - © Reflets
Emmanuel Macron est au centre de toutes les critiques. - © Reflets

No future ? - © Reflets
No future ? - © Reflets

Très vite, les vitrines tombent. - © Reflets
Très vite, les vitrines tombent. - © Reflets

Et soudain, au milieu des lacrymos... - © Reflets
Et soudain, au milieu des lacrymos... - © Reflets

Instant détente. - © Reflets
Instant détente. - © Reflets

Parfois, on ne voit plus à 3 mètres. Le "Fog" parisien pique un peu les yeux. - © Reflets
Parfois, on ne voit plus à 3 mètres. Le "Fog" parisien pique un peu les yeux. - © Reflets

Banques, assurances, magasins, tout devient une cible pour certains manifestants - © Reflets
Banques, assurances, magasins, tout devient une cible pour certains manifestants - © Reflets

La pub des manifestants a souvent des messages plus sympa que celle des marques. - © Reflets
La pub des manifestants a souvent des messages plus sympa que celle des marques. - © Reflets

Black bloc de printemps - © Reflets
Black bloc de printemps - © Reflets

Ça fait des étincelles... - © Reflets
Ça fait des étincelles... - © Reflets

Quand soudain... - © Reflets
Quand soudain... - © Reflets

Chef, on a perdu nos lunettes ! - © Reflets
Chef, on a perdu nos lunettes ! - © Reflets

Une rue bien protégée. (Non). Les FDO se positionnent dans les rues perpendiculaires au Bd. Voltaire et coupent régulièrement le cortège par des charges. - © Reflets
Une rue bien protégée. (Non). Les FDO se positionnent dans les rues perpendiculaires au Bd. Voltaire et coupent régulièrement le cortège par des charges. - © Reflets

La litanie des vitrines brisées et des magasins saccagés. - © Reflets
La litanie des vitrines brisées et des magasins saccagés. - © Reflets

Le message a le mérite de la simplicité et de la clarté. Le lieu est évidement symbolique (8 février 1962). - © Reflets
Le message a le mérite de la simplicité et de la clarté. Le lieu est évidement symbolique (8 février 1962). - © Reflets

Peut-on maitriser une personne à 15 sans lui ravager le bras ? Vous avez 1 minute. Répondez en un mot. - © Reflets
Peut-on maitriser une personne à 15 sans lui ravager le bras ? Vous avez 1 minute. Répondez en un mot. - © Reflets

Qu'avait donc bien pu faire ce vieil homme assis par terre pour mériter d'avoir deux policiers appuyés sur son dos et sa tête (voir vidéo plus bas) ? Mystère. - © Reflets
Qu'avait donc bien pu faire ce vieil homme assis par terre pour mériter d'avoir deux policiers appuyés sur son dos et sa tête (voir vidéo plus bas) ? Mystère. - © Reflets

Quand les grenades n'explosent pas, les manifestants les marquent en posant un panier dessus. Surréaliste. - © Reflets
Quand les grenades n'explosent pas, les manifestants les marquent en posant un panier dessus. Surréaliste. - © Reflets

Repeindre, toujours, pour que tout soit bien joli pour les JO. - © Reflets
Repeindre, toujours, pour que tout soit bien joli pour les JO. - © Reflets

Les retraits des FDO se font souvent dans un nuage. - © Reflets
Les retraits des FDO se font souvent dans un nuage. - © Reflets

Le rose, ça pique moins. - © Reflets
Le rose, ça pique moins. - © Reflets

Ce char à roulettes sera plus tard "saisi" par les FDO sur la place de la Nation. Une sacrée prise de guerre. - © Reflets
Ce char à roulettes sera plus tard "saisi" par les FDO sur la place de la Nation. Une sacrée prise de guerre. - © Reflets

Franchement...? Ne nous demandez pas une légende pour cette photo. C'est juste n'importe quoi.  - © Reflets
Franchement...? Ne nous demandez pas une légende pour cette photo. C'est juste n'importe quoi. - © Reflets

Oh ! Manu ! Descend !  - © Reflets
Oh ! Manu ! Descend ! - © Reflets

Journaliste à l'affut. - © Reflets
Journaliste à l'affut. - © Reflets

Chef ! Chef ! Regardez, je vole ! - © Reflets
Chef ! Chef ! Regardez, je vole ! - © Reflets

Les pompiers sont dans la place (de la Nation). - © Reflets
Les pompiers sont dans la place (de la Nation). - © Reflets

Les BRAV de toutes les couleurs. - © Reflets
Les BRAV de toutes les couleurs. - © Reflets

Un tir de LBD sur un manifestant un peu excité. Force disproportionnée. Et le commentaire joyeux d'un des BRAV lorsque la "cible" est touchée. On replonge dans les pires errements de l'époque gilets jaunes. - © Reflets
Un tir de LBD sur un manifestant un peu excité. Force disproportionnée. Et le commentaire joyeux d'un des BRAV lorsque la "cible" est touchée. On replonge dans les pires errements de l'époque gilets jaunes. - © Reflets

Une des nombreuses arrestations après une charge qui comme souvent, vu de l'extérieur, ressemble à ... N'importe quoi. - © Reflets
Une des nombreuses arrestations après une charge qui comme souvent, vu de l'extérieur, ressemble à ... N'importe quoi. - © Reflets

L'entrée du Métro, fournisseur officiel de cailloux. - © Reflets
L'entrée du Métro, fournisseur officiel de cailloux. - © Reflets

Une autre arrestation. - © Reflets
Une autre arrestation. - © Reflets

Encore lui... - © Reflets
Encore lui... - © Reflets

Le jeune homme de 17 ans arrêté alors qu'il filmait, place de la Nation. Il est trainé par terre sur plusieurs dizaines de mètres. Pour quelle raison ? Mystère.  - © Reflets
Le jeune homme de 17 ans arrêté alors qu'il filmait, place de la Nation. Il est trainé par terre sur plusieurs dizaines de mètres. Pour quelle raison ? Mystère. - © Reflets

Autre vue. - © Reflets
Autre vue. - © Reflets

Bobo - © Reflets
Bobo - © Reflets

Travaux de peinture - © Reflets
Travaux de peinture - © Reflets

Interpelé qui a dû chuter dans sa fuite, ce qui explique le sang sur sa tête (Probablement pas). - © Reflets
Interpelé qui a dû chuter dans sa fuite, ce qui explique le sang sur sa tête (Probablement pas). - © Reflets

Quel temps de chien. - © Reflets
Quel temps de chien. - © Reflets

Petit palet qui roule, n'amasse pas mousse. - © Reflets
Petit palet qui roule, n'amasse pas mousse. - © Reflets

Une image vaut mille mots. - © Reflets
Une image vaut mille mots. - © Reflets

Deux images valent deux-mille mots. - © Reflets
Deux images valent deux-mille mots. - © Reflets

Un message pour le parti présidentiel. - © Reflets
Un message pour le parti présidentiel. - © Reflets

En manif, les murs ont la parole. - © Reflets
En manif, les murs ont la parole. - © Reflets

Du coup, après la manif, refaire le chemin inverse permet de lire les messages au calme. - © Reflets
Du coup, après la manif, refaire le chemin inverse permet de lire les messages au calme. - © Reflets

Et les affiches. - © Reflets
Et les affiches. - © Reflets

A peine la manif terminée, une armée de travailleurs nettoie le bordel. - © Reflets
A peine la manif terminée, une armée de travailleurs nettoie le bordel. - © Reflets

Manifestation spontanée au départ d'Opéra vers 21h. - © Reflets
Manifestation spontanée au départ d'Opéra vers 21h. - © Reflets

Strasbourg Saint-Denis. Lors d'une intervention de la BRAV, un homme est à terre, blessé à la tête. Visiblement un sans domicile fixe. Personne ne sait ce qui lui est arrivé. Un instant avant une grenade assourdissante avait explosé tout près. Il est ensuite évacué par les pompiers après avoir repris ses esprits. - © Reflets
Strasbourg Saint-Denis. Lors d'une intervention de la BRAV, un homme est à terre, blessé à la tête. Visiblement un sans domicile fixe. Personne ne sait ce qui lui est arrivé. Un instant avant une grenade assourdissante avait explosé tout près. Il est ensuite évacué par les pompiers après avoir repris ses esprits. - © Reflets

Manif spontanée dans le 10ème arrondissement. - © Reflets
Manif spontanée dans le 10ème arrondissement. - © Reflets

En vidéo :

2 Commentaires
Une info, un document ? Contactez-nous de façon sécurisée