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par Antoine Champagne - kitetoa

La police a désormais peur de la presse

Mais pourquoi ?

Une digue a clairement sauté durant ce mouvement social. La répression de la contestation du mouvement opposé à la réforme des retraites voit naitre une forme de violence à l'encontre de la presse. Hurlements, bousculades, méthodes pour empêcher la captation d'image, une vraie panoplie se déploie.

Si seulement certains policiers violents savaient lire ce qui est écrit sur ce brassard et comprendre le sens et l'intérêt de ce mot... - © Reflets

Les violences policières ne sont pas une nouveauté. Les journalistes ne sont pas toujours passés au travers de la violence que peuvent déployer les forces de l'ordre sur le terrain. Lors des manifestations des Gilets Jaunes, nombreux ont été blessés par des tirs de LBD alors même qu'ils arborent des casques siglés « presse » ou des brassards très spécifiques. Pourtant, un cap est franchi ces derniers jours. Comme une sorte de « libération » d'une grande partie des policiers. Un dernier verrou qui saute ? On peut désormais traiter toute personne présente sur une manifestation comme un « ennemi » : manifestants, casseurs, journalistes, service d'ordre, syndicalistes... Tous dans le même panier : matraque pour tout le monde, hurlements, invectives, coups de bouclier... Mais surtout, les policiers font maintenant tout pour empêcher les journalistes de fixer des images de leurs dérapages.

Pour cela, ils vont tenter de tenir les journalistes à l'écart, élargir au maximum le « périmètre » de leur intervention. Ils forment par exemple un mur humain autour de la personne interpellée qui empêche de voir ce qui se passe. Et si ce n'est pas suffisant, des policiers vont repousser physiquement les journalistes en leur hurlant dessus. Les moins expérimentés sont alors découragés et reculent.

La nuit, des lampes surpuissantes sont utilisées pour aveugler les caméras. Elles succèdent aux lasers qui avaient été employés durant les manifestations des Gilets Jaunes pour éviter les photos.

Manifestation des Gilets Jaunes en janvier 2019 - © Reflets
Manifestation des Gilets Jaunes en janvier 2019 - © Reflets

Des leds ultra puissantes pour aveugler les caméras pendant la contestation de la réforme des retraites en mars 2023 - © Reflets
Des leds ultra puissantes pour aveugler les caméras pendant la contestation de la réforme des retraites en mars 2023 - © Reflets

Évidemment, des méthodes sont parfaitement condamnables. Les policiers le savent mais cela « leur en touche une sans faire bouger l'autre », comme disait Jacques Chirac. Le Conseil constitutionnel a rappelé à l'exécutif qui se laissait aller à la tentation de l'État policier, que les citoyens ont le droit de filmer les forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions. A fortiori, les journalistes aussi. D'autant plus qu'ils sont le seul contrepouvoir sur le terrain. Si quelques députés et magistrats s'aventurent parfois pour contrôler l'action des forces de l'ordre, les journalistes sont toujours là en masse durant les mouvements sociaux. Ils sont les seuls à pouvoir témoigner des dérapages des forces de l'ordre, comme des manifestants ou des casseurs.

Mais que craint la police ? Pourquoi s'ingénier à ce point à tenter de contrer le travail de la presse ? La peur d'être filmée en train de commettre des actes répréhensibles ? Le recours systématique à des unités comme la BAC ou les BRAV, dont les membres sont notoirement des policiers qui veulent en découdre avec les manifestants, apporte un lot continu d'emploi inapproprié de la « violence légitime ». Le seul contrepoids à cette violence est la présence de la presse comme le démontre cet article du Monde. Les policiers sont désormais systématiquement publiquement encouragés par l'exécutif à continuer dans ces dérives. Seules les images peuvent provoquer un sursaut citoyen, car comme nous l'écrivions en 2021, « si vous commencez à avoir peur lorsque vos enfants se rendent à un événement que l'État pourrait désapprouver pour des raisons qui lui sont propres (souvent politiques), comme une manifestation ou une free party, si vous craignez qu'ils ne reviennent avec un œil ou une main en moins, est-ce le signe que vous vivez désormais dans un État policier ? Et si oui, que faire ? ».

L'intimidation de la presse, les moyens déployés pour l'empêcher de faire son travail, sont un nouveau témoin d'une transformation de la Démocratie en État policier.

Déjà, il y a deux ans, le Syndicat de la magistrature s'interrogeait :

La concurrence est rude, pour obtenir le label de premier flic de France mais le nouvel horizon que dessinent nos ministres et élus en participant à cette manifestation et en s’associant ainsi aux revendications policières, est celui d’une société dans laquelle la police devient une puissance autonome au lieu d’être une force publique au service des citoyens, dictant à l’exécutif la définition de la politique pénale, au parlement le contenu des lois, et revendiquant une indispensable impunité pour elle-même - puisqu’elle est la seule à pouvoir sauver la collectivité de l’anarchie.

Quel est le nom d’un tel régime ?

Oui. Quel est le nom de ce régime ?

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