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par Jacques Duplessy, Antoine Champagne - kitetoa

Tour Emblème à Nancy : le parquet a ouvert une enquête préliminaire

Le débat autour de ce projet prend également une tournure politique

L’association anticorruption Anticor vient de déposer un nouveau signalement. Elle soupçonne le promoteur d’avoir profité de l’argent public pour acheter une parcelle qui n’entre pas dans le projet immobilier. Elle pointe aussi une mauvaise gestion de l’argent de la ville de Nancy dans cette affaire.

Le projet d'immeuble Emblème - Copie d'écran

Les étranges affaires immobilières de la société City Zen et de la mairie de Nancy ont visiblement intéressé la justice. Lors de la publication de notre premier article en février dernier, Alexis Merlin, président de Nouvel Habitat, le groupe en charge du projet Emblème via l’entreprise City Zen, nous indiquait réfléchir à une plainte en diffamation. De son côté, le procureur a jugé qu'il y avait matière à enquêter sur le projet Emblème.

Le vice-procureur du Parquet de Nancy, Vincent Légaut, indique à Reflets avoir ouvert une enquête préliminaire après le premier signalement déposé par l'antenne départementale d'Anticor : « C'est un dossier complexe. Nous en sommes aux examens techniques. Nous avons sollicité un certain nombre d'avis juridiques auprès des différentes administrations compétentes par rapport aux différents volets du dossier. On a également signalé aux administrations de tutelle les éventuelles difficultés. »

Le groupe local Anticor vient de déposer un second signalement au Parquet de Nancy. « Nous avons voulu compléter notre premier signalement car nous estimons que les nouveaux éléments fournis par des lanceurs d’alerte à notre association pourraient démontrer des faits graves qui, s’ils sont avérés, constitueraient un détournement d’argent public au préjudice de la ville de Nancy et de son agglomération. », déclare Roland Gatti, co-référent d’Anticor 54.

L’association Anticor relève le non respect du protocole foncier signé entre la ville de Nancy, la métropole du Grand Nancy et Nouvel Habitat en 2016 aux termes duquel le promoteur, a ville et la métropole s'engagent à effectuer chacun une série d'actions pour finaliser le projet. Notamment, la ville s'engage à réduire le montant de son foncier, qu'elle doit in fine céder à City Zen, du montant des achats d'autres lots nécessaires au projet, par City Zen.

Protocole tripartite - Copie d'écran
Protocole tripartite - Copie d'écran

L'association pointe le possible détournement d'un lot au profit des promoteurs alors qu'il a été acquis sur fonds publics. Un document fait débat. Il s'agit d'une attestation réalisée par un notaire et adressée à la société City Zen, qui récapitule les ventes de lots concernés dans le projet immobilier. Ce document a été fourni par City Zen à la mairie de Nancy pour justifier la déduction du prix du foncier de la mairie à céder à City Zen. Or un des lots d'un montant de 76.713 euros n'a pas été vendu à City Zen mais à la SNC Saint-Antoine, qui elle, détient les murs d'un hôtel Mercure situé dans la tours Thiers, adjacente au futur projet.

SNC Saint-Antoine - Societe.com
SNC Saint-Antoine - Societe.com

Or, la société Saint-Antoine qui n'est pas concernée par le protocole d'accord avec la mairie est détenue par Habitat Promotion et Associés et Lithos Finances, deux sociétés détenues par Jean-Marie Petitpain et Alexis Merlin, tous deux gérants de City Zen.

Gérants de SNC Saint-Antoine - Societe.com
Gérants de SNC Saint-Antoine - Societe.com

Le document du notaire ne fait pas mention de l'acquéreur de ce lot. Si tel avait été le cas, il aurait été patent que le montant de l'achat de ce lot par la SNC Saint-Antoine ne pouvait venir en déduction du prix du foncier de la ville à céder à City Zen.

Attestation du notaire - Copie d'écran
Attestation du notaire - Copie d'écran

« Pourquoi la ville de Nancy accepte-t-elle de telles conditions de vente de sa parcelle, se demande Marcel Claude, référent du groupe local Anticor 54. Nous nous interrogeons d'une part sur l'estimation de la valeur de la parcelle. Le prix du mètre carré à construire est près de dix fois supérieur quand le promoteur achète des lots de la Tour Thiers que quand il achète le terrain de la ville ! Ensuite la mairie consent une déduction du prix de vente de son terrain de l'intégralité du prix d'achat des lots achetés au privé. C'est légal. Mais ce qui pose question, c'est le prix d'achat de ces lots qui n'est pas négocié par la mairie. Le promoteur a finalement une sorte de chèque en blanc pour acheter les lots à n'importe quel prix. Et on voit que le prix du mètre carré a parfois flambé. Or au final, c'est de l'argent public qui est en jeu, donc il doit y avoir une vraie transparence. D'où le signalement déposé au parquet de Nancy par Anticor 54.

« Ces nouveaux éléments sont également intéressants, car ils apportent des informations complémentaires, estime le procureur Vincent Legaut. Il pourrait y avoir des suites après les élections, mais je ne peux pas vous en dire plus puisque nous sommes en ce moment dans une période de réserve. »

Le débat a aussi pris une tournure politique. L'opposant au maire Laurent Hénart, Mathieu Klein, dit qu'il fera tout pour annuler ce projet s'il est élu maire de Nancy. « Je l’ai toujours dit, depuis le début, tout ce que je pourrai faire, moi, pour interrompre ce projet qui aujourd’hui est un étape supplémentaire dans la bétonisation de la ville sera fait. Il répond juste à des attentes de promoteurs immobiliers, pas aux intérêts des Nancéiens », explique le candidat de gauche à Lorraine Actu.

Alexis Merlin, à la tête de Nouvel Habitat, a refusé de répondre aux questions de Reflets et menace à nouveau d'un procès en diffamation. Mais il assure à Lorraine Actu « qu’il ira jusqu’au bout » de son projet. Et de tacler : « J’ai lu les propos de Mathieu Klein et ce n’est pas à la hauteur d’un candidat qui veut devenir premier magistrat, cela manque de maturité ». Le promoteur annonce aussi qu’il va porter plainte pour « diffamation » à l’encontre de Françoise Hervé, conseillère municipale et ex-candidate aux municipales. Alexis Merlin estime qu’il est accusé « à tort » de « favoritisme » concernant la vente du terrain où doit se construire Emblème. Contactés, le maire de Nancy et le notaire qui a réalisé l'attestation pour City Zen n'ont pas répondu à nos questions.

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