Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Yovan Menkevick

Syrie des leaks : hoax et hack sont dans un bateau…

L'article sur le mail de l'entreprise Britam, déjà traité par Kitetoa il y a quelques temps, amène de nombreuses questions sur un sujet en particulier : la "guerre" de l'information. Disons plutôt , la lutte pour influencer l'information : les mails ne tuent personne, ni leur contenu en tant que tel, ceux qui tuent sont sur le terrain, avec des armes bien physiques. De celles que l'on peut tenir dans les mains ou enfiler dans un gros canon.

L'article sur le mail de l'entreprise Britam, déjà traité par Kitetoa il y a quelques temps, amène de nombreuses questions sur un sujet en particulier : la "guerre" de l'information. Disons plutôt , la lutte pour influencer l'information : les mails ne tuent personne, ni leur contenu en tant que tel, ceux qui tuent sont sur le terrain, avec des armes bien physiques. De celles que l'on peut tenir dans les mains ou enfiler dans un gros canon. Mais bien entendu, les intermédiaires pour permettre les massacres ont leur importance…sauf que connaître tous les acteurs est très difficile. Vérifier leur implication, quasi impossible. Mais alors, pourquoi accepter des leaks comme preuve, et pas d'autres ?

La Syrie : un terrain de jeu pour certains ?

Nous avons commencé à expliquer, tenté d'analyser les différents acteurs du conflit syrien dès le mois de mars 2012, un an après le début de la répression féroce de Bachar el-Assad à l'encontre des manifestants demandant son départ. La vision que nous avions de la situation ne correspondait pas à celle de la majorité des grands médias et de nombreux lecteurs, qui avaient "décidé" que la Syrie était une "révolution" similaire à celles des autres printemps arabes. Accuser les combattants rebelles d'être financés par l'Arabie saoudite, le Qatar, était considéré par bon nombre comme une forme de soutien au dictateur. Depuis, les grands média ont bien été obligés d'admettre que les différents groupes armés en guerre contre le pouvoir syrien étaient majoritairement constitué de djhiadistes : l'arc sunnite en pleine expansion pour l'écrasement de l'arc chiite. Les lecteurs l'ont admis, eux aussi.

Le problème majeur de cet échiquier, c'est que des millions de personnes y sont coincées. Les syriens, en l'occurrence. Avec une composante politique très embêtante pour les grandes puissances occidentales, France, Royaume-Uni et Etats unis en tête : les financeurs des djhiadistes sont des "dictatures amies". Le Qatar  et l'Arabie saoudite n'organisent pas d'élections. On y tue les femmes soupçonnées d'adultère par exemple. Bref, entre Bachar et les familles royales de la péninsule arabique, les différences sur le respect des droits de l'homme et autres broutilles de respect des libertés se jouent uniquement sur la forme. Pour le fond, c'est à peu près pareil. Alors, le grand "jeu" des wahhabites et autres salafis en Syrie, approuvé par Washington, Paris et Londres pose question : les pays qui soutiennent ces groupes armés intégristes terroristes rebelles, l'Arabie saoudite et le Qatar, sont les clients de ces capitales occidentales : Hollande vient de signer un contrat d'armement d'un milliard d'euros avec l'Arabie saoudite, ce mois-ci. Mais ces capitales occidentales déclarent lutter contre les rebelles terroristes du nord-Mali qui sont soutenus  alignés sur le dogme sunnite intégriste de l'Arabie saoudite et/ou du Qatar.

De l'information et de l'opinion

Il y a des leaks qui font l'unanimité, même quand ils touchent à des domaines très sensibles, mettent en cause des gouvernements. C'est le cas des warlogs irakiens et afghans, puis le cable gate de Wikileaks. Ne parlons pas des leaks sur PRISM de Snowden, qui ont secoué la conscience du plus grand nombre. Mais il y a des leaks qui ne le "font pas", qui dérangent un peu trop, parce qu'ils renvoient peut-être à des cas de conscience, une forme de remise en question de croyances sur la nature humaine ? Ou des convictions ? Le Climate Gateest l'un de ces leaks qui ne plaisent pas. Pourtant, tous les échanges de mail ont été accessibles, lus, étudiés, authentifiés. Mais rapidement, tout a été refermé, par le biais d'une enquête britannique qui a conclu en gros, que "non, il n'y avait pas tromperie de la part d'une bande de scientifiques qui s'amusait d'avoir réussi à lancer une théorie foireuse qui avait pris d'éminents scientifiques observateurs du changement climatique". Point final.

L'opinion a vacillé un temps, puis s'est remise à militer pour sauver la planète contre le réchauffement changement climatique causé par les rejets de Co2 et autres gaz à effet de serre. Le plateau actuel (arrêt du réchauffement depuis une décennie), largement documenté, reconnu (même par notre Jouzel national du GIEC…), n'y change rien : ce n'est pas la réalité qui intéresse, mais la cause via l'orientation finale qu'elle pourrait amener. En gros, les raisons réelles des changements du climat on s'en fout, ce qui est important c'est de stopper le développement des pays émergents dépendants du pétrole l'industrie pétrolière.

En Syrie, le parallèle est un peu similaire. L'utilisation des gaz toxiques est censée être le moyen d'amener l'ensemble des membres du conseil de sécurité à déclencher une opération militaire pour au moins affaiblir Assad, et rebattre les cartes dans la région. Mais il faut que ce soit Assad qui utilise les gaz. Et nous arrivons à l'hoax et au hack.

Comment établir des preuves ?

Le souci majeur des capitales occidentales, si elles veulent intervenir militairement en Syrie, est d'amener des preuves du franchissement de la "ligne rouge" obamanienne par les forces militaires loyalistes syriennes : l'utilisation d'armes chimiques le 21 août 2013. Les armes chimiques ont été utilisées, c'est une certitude, les experts de l'ONU le savent, vont amener les échantillons qui le démontrent. Mais il faut prouver que c'est le régime syrien qui les a utilisées. Sinon, imaginez de quoi auraient l'air les dirigeants occidentaux ? Ils auraient soutenu, entraîné (secret act d'Obama) des rebelles prêts à massacrer femmes et enfants avec des gaz toxiques ? Bon, une expertes de l'ONU qui a enquêté lors de la première utilisation de ces armes chimiques, en avril dernier, a bien conclu que c'étaient les rebelles qui à l'époque, avaient utlisés ces armes toxiques, mais on lui a vite fait savoir qu'il vaudrait mieux pour elle,  ne pas insister.

Voir la vidéo sur Wat.tv

Il semble donc très compliqué d'amener des preuves si elles ne vont pas dans le sens voulu. D'où le fait que n'importe quel document amenant un doute qui dérange la vision pré-établie par l'axe du bien  les défenseurs des droits de l'homme, doit être obligatoirement écarté. Le témoignage d'une experte de l'ONU compris.

Alors hoax ou produit d'un hack réel, le mail de Britam defence ? Si l'on reprend le contenu du mail, il faut quand même rétablir une information importante : l'employé de Britam ne propose pas d'aller chercher des gaz en Libye pour les livrer aux rebelles, il explique juste qu'il a été contacté par les Quataris à cette fin. Et en fin de mail, il stipule qu'il pense que ce n'est pas une bonne idée. Et précise juste que la somme offerte par les Quataris est énorme. Nous n'avons pas la suite de cette affaire. Rien n'accuse Britam d'avoir répondu positivement à cette demande. Et l'on peut imaginer, quand même, que Britam donnera une fin de non-recevoir à cette demande. D'où la question : si l'on fait un hoax, n'est-il pas plus intéressant d'avoir plusieurs échanges de mail, avec l'acceptation de Britam ? Ainsi, il est possible d'accuser Britam d'avoir coopéré, puis les rebelles d'avoir utilisés de façon certaine (ou presque) des armes chimiques. Il reste l'approbation de Washington, diront certains. Sauf que rien n'accuse directement Washington dans cette approbation : ce sont les Quataris qui affirment avoir l'approbation américaine et c'est seulement ce que l'employé restitue.

Toute cette affaire amène donc à se questionner sur des sujets périphériques à l'information brute donnée par ce mail : celle d'"un type qui dit que on lui propose de, et qui dit que ça craint, mais qui donne quand même l'information à son boss". Les sujets périphériques sont : comment prouver l'authenticité d'un mail ? Pourquoi certains leaks sont-ils considérés sans problèmes comme authentiques et d'autres non ? Pourquoi un journal qui publie un mail hacké tel que celui de Britam, revient ensuite s'excuser pour dire que le mail n'est pas authentique…sans apporter la preuve de sa falsification ?

Le mail de Britam n'est le seul document hacké sur les serveurs de cette entreprise. Il y a d'autres documents. Tout ça est certainement un hoax, bien entendu. Comment en pourrait-il être autrement ? Nous n'allons tout de même pas nous fier à des documents mis en ligne par des soi-disant hackers qui mettent en cause la plus grande démocratie de la planète, et faire ainsi le jeu d'un dictateur ?

Certainement pas. Dormez tranquilles. La réalité est simple et compréhensible. Chercher à creuser au delà de ce qui est donné à comprendre n'est que perte de temps et amène à soutenir des théories du complot. Ce qui est très mal.

Et nous ne mangeons pas de ce pain là à Reflets. Vive la France, vive le monde libre ! Mort aux dictateurs !

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