Réforme des retraites : Olivier Véran promet les plaies d'Égypte
Mais visiblement, il n'a pas fait le bilan des quinquennats Macron...
Après les faits alternatifs de Bruno Le Maire, voici la liste des abominations qui s'abattront sur le peuple de France s'il n'accepte pas la réforme des retraites concoctée par Emmanuel Macron. Ce que ne dit pas Olivier Véran, c'est que ces plaies se sont déjà manifestées en dépit du déploiement des fantastiques politiques économiques d'Emmanuel Macron évoquées par Bruno Le Maire...

Bruno Le Maire nous vendait il y a quelques jours Emmanuel Macron comme un gourou économique capable d'envisager des « politiques économiques » dignes d'un magicien. Bien mal lui en prenait car les chiffres démontraient l'inanité de ses propos. Alors qu'il vantait l'intérêt des investisseurs étrangers pour la France, l'Insee relève que les investissements ont nettement baissé sous Macron. Aujourd'hui, c'est au tour d'Olivier Véran, porte-parole de la secte du gouvernement de nous vanter les mérites du gourou d'Emmanuel Macron dans le domaine financier. Sans lui et sa réforme des retraites, ce sont les dix plaies d'Égypte qui vont s'abattre sur les Français : « Déficit record, hausse des impôts, baisse des pensions de nos retraités : pour éviter les scénarios catastrophes dans 10 ans, nous devons agir maintenant pour préserver notre système de retraite »... Dans ce cas, que dire des résultats économiques d'Emmanuel Macron dans ce domaine ? Raffraichissons la mémoire d'Olivier Véran...

tout d'abord, le déficit public. Où en est cet indicateur économique avant la réforme magique qui va nous sauver ?
En points de PIB, le déficit public français décroit constamment de 1993 à 2001. Il passe de -6,4 à -1,4. Il reste ensuite à peu près stable jusqu'en 2009, année post crise économique (-7,2) puis décroit à nouveau jusqu'en 2017. L'année suivante il commence à progresser avant d'exploser à -8,9 point, puis à -6,4 points en 2021. C'est dire si les fantastiques politiques économiques d'Emmanuel Macron ont porté leurs fruits et nous ont évité les fameux « déficits records » que nous prédit Olivier Véran si l'on n'applique pas la réforme des retraites... Ils sont déjà là. Mais passons...

Qu'en est-il des impôts qui vont s'envoler si nous n'acceptons pas la réforme des retraites ? Le poids des prélèvements obligatoires n'a baissé en France que pendant la période Jospin qui les laisse plus bas que lorsqu'il est arrivé aux affaires. Pour l'instant, ils ont baissé sous Macron mais le quinquennat n'est pas fini. En outre, un chiffre de baisse des prélèvements obligatoires peut tout à fait masquer des disparités. Par exemple, un président (des riches) peut tout à fait insuffler une baisse des impôts pour les entreprises et les plus riches et ne pas baisser les impôts pour les plus faibles, laissant apparaître une baisse globale finalement peu utile à la majorité de la population...

Enfin, la baisse des pensions à venir dans le cas où la réforme poussée par l'exécutif serait abandonnée...
Dans l'ensemble, et c'est heureux, les pensions versées aux retraités augmentent régulièrement. Mais pas toujours énormément... Et surtout, il faut tenir compte de la hausse du coût de la vie. Sur un plan général et sur un plan particulier. Les histoires économiques ne sont jamais simples, noires ou blanches. Les retraités n'ont pas forcément le même panier de la ménagère que le reste de la population. Les biens et services compris dans leur panier sont-ils les mêmes ? Augmentent-ils plus ou moins vite ? Bref, il faudrait que quelques universitaires se penchent sur le sujet pour se faire une idée précise du pouvoir d'achat des retraités. Quoi qu'il en soit, les pensions sont en moyenne plutôt très faibles au pays de la corne d'abondance sociale... Et pendant la période Macron, elles ont plutôt très mal évolué.

Pour les femmes, sous Emmanuel Macron, le mage des « politiques économiques », les pensions ont même reculé.

Le gouvernement a un COR au pied
Comme son confrère Bruno Le Maire, Olivier Véran se laisse aller aux faits alternatifs. Il a ainsi estimé que « le Conseil d'orientation des retraites n'a jamais remis en cause le déficit à venir de notre système de retraites ». Et même, que « sur les 25 prochaines années, le système de retraite serait en moyenne déficitaire, quels que soient la convention et le scénario retenus ». « Sans notre projet, les déficits accumulés d'ici 10 ans atteindraient environ 150 milliards d'euros »

Faire des prévisions à 10 ans en matière économique, c'est endosser toute la panoplie du marabout. De fait, qui aurait pu prévoir la crise économique liée au covid ? Personne. En outre, comme l'a très justement fait remarquer Libération qui rendait compte d'une audition du président du COR, Pierre-Louis Bras devant les sénateurs, celui-ci s'est montré plutôt critique vis-à-vis des arguments de l'exécutif. Tout est dans l'interprétation de ses propos, mais on est loin des conclusions alternatives qu'en tire Olivier Véran :
« Les dépenses de retraites sont globalement stabilisées et même à très long terme, elles diminuent dans 3 hypothèses sur 4. Dans l’hypothèse la plus défavorable, elles augmentent sans augmenter de manière très, très importante [...]. Donc les dépenses de retraites ne dérapent pas, elles sont relativement maîtrisées. Dans la plupart des hypothèses, elles diminuent plutôt à terme et dans l’hypothèse retenue par le gouvernement, elles diminuent très, très peu mais un peu à terme. ». Il faut lire les déclarations du patron du COR entre les lignes. Ainsi, il explique que « les dépenses de retraites ne dérapent pas mais elles ne sont pas compatibles avec les objectifs de politique économique et de finances publiques du gouvernement ». En d'autres termes, si l'on veut à tout prix afficher des économies, y compris sur l'essentiel (comme le système des retraites des salariés), si l'on se refuse à augmenter les impôts (y compris ceux des plus riches...) et réduire le déficit alors que l'on en avait absolument rien à faire en période de crise sanitaire, on ne peut pas avoir une légère augmentation des dépenses de retraites qui « ne dérapent pas ».
Il n'est pas inutile de mettre en regard de ce déficit cumulé sur dix ans de 150 milliards annoncé par le gouvernement, le manque à gagner pour la France provoqué par l'évasion fiscale. Elle est généralement estimée entre 80 et 100 milliards d'euros par an. Soit, sur 10 ans, 1.000 milliards d'euros. Rien à voir avec les 150 milliards annoncés...
Selon Les Echos, « à lui seul, le dossier « Panama Papers » a rapporté 176 millions d'euros à la France. Cette affaire a été révélée en 2016 par le Consortium international de journalistes d'investigation, après qu'un lanceur d'alerte a transmis des fichiers du cabinet panaméen Mossack Fonseca , spécialisé dans les montages de sociétés écrans facilitant la dissimulation d'avoirs. Plus de 600 dossiers ont été examinés par Bercy. Parmi ceux-ci, 198 ont donné lieu à des régularisations ou à des redressements à la suite de contrôles ».
Notre récente enquête sur les DrahiLeaks nous a amené à interroger divers spécialistes de la question et tous sont unanimes : les services de l'État sont impuissant face aux milliardaires et à leurs multinationales qui usent et abusent de l'optimisation fiscale. Il serait peut-être temps d'investir pour l'avenir, comme tout bon entrepreneur ? Embaucher des spécialistes, avec des salaires décents et commencer à lutter efficacement contre l'évasion fiscale (qu'il s'agisse de fraude ou d'optimisation). On pourrait même imaginer un monde où l'on récupère 15 milliards d'euros par an sur 100 milliards et où le déficit des retraites annoncé par Emmanuel Macron et ses thuriféraires seraient comblés sans imposer aux plus faibles des années de travail en plus ?