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par Eric Bouliere

Nombre de doses par flacon : rien ne va plus!

Quand un médecin ne joue pas le jeu de la com'...

L'actualité du dernier week-end était double et majeure : Meghan et Harry à Los Angeles ou bien Olivier et Gérald à Boulogne-sur-Mer. Entre ces deux infos capitales, les déclarations du Dr Hamon pouvaient sembler insignifiantes. Et pourtant…

Une réalité de terrain qui amène à s'interroger... - Capture d'écran

A peine le problème venait-il d'être évoqué au Sénat (voir ici) que la question du nombre de doses de vaccin à récupérer dans un seul flacon éclatait dans plusieurs centres de vaccination. Notamment dans celui de Clamart (92), là où justement exerce le président de la fédération des médecins de France. N'ayant que faire des assemblées feutrées, c'est avec son habituelle liberté de ton que le Dr Hamon est venu livrer sa colère sur le plateau de la chaîne LCI: « j'ai envie d'aller dézinguer le ministère ! Qui sont ces gens incapables de s'adapter et de prendre des décisions responsables ! ». On comprend mieux sa colère quand il nous explique avoir dû se résoudre à « balancer 50 vaccins Pfizer » sur ordre de l'agence régionale de santé (ARS).

A Boulogne, les micros remplaçaient les seringues... - Capture écran
A Boulogne, les micros remplaçaient les seringues... - Capture écran

Rappelons que les vaccins anti-covid sont livrés en conditionnement multidoses par les fabricants. L'intervention d'un manipulateur s'impose donc avant qu'un médecin puisse procéder aux injections sur les patients. Pour chaque flacon, le personnel infirmier s'emploie ainsi à remplir un nombre X de seringues après avoir soutiré un volume Y de solution vaccinale. L'ensemble de ces opérations est réglementé et soumis à une autorisation de mise sur le marché européenne (AMM). Toutefois en fonction du soin avec lequel la manipulation s’opère, mais surtout et avant tout du type de seringue utilisée, il s'avère possible d'obtenir davantage de doses de vaccin que prévu.

Pour l'heure, on en dénombre 7 au lieu de 6 chez Pfizer, 11 au lieu de 10 pour le Moderna et 12 avec l'Aztrazeneca contre10 doses officiellement déclarées.

Marre des effets de com'…

S'agaçant des opérations de communication gouvernementales en cours dans le Pas-de-Calais, le Dr Hamon s'est exaspéré d'avoir à détruire des doses supplémentaires si soigneusement collectées par ses équipes. Car ces vaccins, aussi précieux soient-ils, furent en effet déclarés illicites par les autorités de santé. Un peu comme si ces 50 seringues qualifiées de "en plus" par un médecin de guerre apparaissaient comme autant de vaccins "en trop" aux yeux d'une administration de réserve.

Plutôt que de se satisfaire de cette minute télévisuelle musclée, nous avons choisi de recontacter Jean-Paul Hamon pour évoquer plus sereinement le sujet de cette très controversée 7ème dose (du vaccin Pfizer). Une fois la colère apaisée, le discours n'en demeure pas moins tout aussi formel: livrer les bonnes seringues aux praticiens et autoriser officiellement l'emploi des doses supplémentaires serait un excellent moyen d'accélérer la vaccination sur tout le territoire. Fort de son expérience de terrain il confirme que seules des aiguilles à faible volume mort et aiguilles serties offrent l'avantage de prélever une quantité de liquide supérieure aux normes établies.

A gauche une perte mini de liquide, à droite un volume perdu - Capture écran
A gauche une perte mini de liquide, à droite un volume perdu - Capture écran

L'interview Anti-Com'vid de Reflets

Reflets : Une directive en date du 18/02/2021 et signée du directeur général de la santé Jérôme Salomon préconisait l'utilisation d'une 6ème dose de vaccin Pfizer. Qu'en est-il aujourd'hui?

JP Hamon : Nous, on ne sort pas 6 mais 7 doses avec des aiguilles serties, qui malheureusement sont fabriquées en Chine, mais incontestablement on peut faire 7 doses.

Oui, mais ça, c'était avant...
Oui, mais ça, c'était avant...

Le matériel fourni aux professionnels de la santé est-il adapté à la situation du moment ?

JP Hamon : Vous savez depuis le début de la pandémie, on s'adapte à la pénurie, on avait des seringues qui nous permettaient de faire 6 doses, maintenant on a des seringues qui nous permettent d'en faire 7 ; mais nous sommes freinés par l'ARS qui est faite d'un personnel administratif qui hésite à prendre des décisions courageuses, nous on est habitués à faire avec… dans nos cabinets quand on vaccine avec de l'AstraZeneca on fait 12 doses, on ne le dit à personne. On fait les 12 doses, on sait quelles sont bonnes, on doit injecter 0,5 ml, alors on le fait.

Le volume net de solution vaccinale peut-il varier d'un flacon à l'autre ?

JP Hamon : Bien sûr que non, tous les flacons sont calibrés, c'est une fabrication industrielle. L'industrie pharmaceutique est habituée à respecter des normes, il y a des contrôles qualité, là-dessus on est tranquilles. Tous les flacons ont la même quantité, il faut arrêter de déconner, et quand les infirmières injectent 1,8 ml de sérum physiologique, ce n'est pas 1,7, ce n'est pas 1,9 ! J'ai même entendu l'ARS dire que si l'on faisait 7 doses c'est que l'on diluait, on ne joue pas à ça, on applique strictement le protocole, et on retire 7 doses de 0,3 ml comme indiqué dans le protocole. Et quand on ne perd pas une goutte et que l'on travaille avec du matériel qui permet de ne pas perdre une goutte, eh bien on fait 7 doses, voilà tout. Et la dernière est identique à la première !

D'abord 5 puis 6, enfin 7 doses : les fabricants de vaccins doivent-ils revoir la contenance des flacons ?

JP Hamon : Le problème n'est pas là, le fabricant pourra mettre ce qu'il a toujours mis dans les flacons, ça ne le contraint absolument pas. Pour nous ce qui est important pour faire la 7e dose c'est d'avoir des seringues particulières. Ces seringues-là sont d'ailleurs rares, j'ai fait une photo que j'ai transmise à Messieurs Castex et Veran (voir ci-dessous).

Le type de seringue souhaité par le Dr Hamon
Le type de seringue souhaité par le Dr Hamon

Ce modèle spécifique n'est pas produit en Europe ?

JP Hamon: Honnêtement, je ne sais pas, les seringues à aiguilles serties que nous avons utilisées venaient de Chine. Mais je ne suis pas au courant de tout ce qui se trouve sur le marché en terme de matériel, je dois vous avouer que j'ai autre chose à f...

Comment avez-vous obtenu ce lot de seringues à aiguilles serties et faible volume mort ?

JP Hamon : C'est un lot qui avait été fourni par l'ARS. Les mairies avaient pris quelques précautions, et il y a beaucoup de centres de vaccination qui ont fait des commandes parallèles de seringues parce que rien ne nous garantissait de les obtenir. D'entrée de jeu, les centres de vaccination, notamment ceux organisés par les municipalités, et forts de l'expérience que nous avons acquise depuis maintenant 15 mois, savent qu'on peut manquer soit de masques, soit de tests, soit de gel hydro, et donc tout le monde prend ses précautions.

L'ARS ne vous aurait pas autorisé l'usage de cette 7e dose : avez-vous reçu une directive écrite ?

JP Hamon : Eh bien non, ça aurait été trop beau, tout ça se passe au téléphone… vous ne vous rendez pas compte... surtout ne pas laisser de traces...

Avez-vous ressenti de l'inquiétude chez ces infirmières laissées seules face au dilemme de réaliser, ou non, une dose supplémentaire ?

JP Hamon : Non, vous savez en médecine avec les infirmières, nous sommes habitués à nous adapter, et là, lorsqu'on constate qu'avec le bon matériel, on fait 7 doses en garantissant le protocole de remplissage des seringues, on n'a pas d'état d'âme, on se dit on peut faire 7 doses, et il n'y a pas de différence entre la 1ère ou la 7éme.

Changer.... le Dr Hamon à un avis tranché sur la question. - Capture écran
Changer.... le Dr Hamon à un avis tranché sur la question. - Capture écran

Que faudrait-il changer en urgence pour clore ce problème de nombre de doses ?

JP Hamon : Changer les mentalités de l'administration ! C'est essentiel. Changer les mentalités d'une administration qui se dit : est-ce que la décision que je vais prendre aujourd'hui pourra un jour se retourner contre moi ? C'est une question que les médecins ne se posent pas, que les infirmières ne se posent pas, quand on peut faire 7 doses on le fait, quand on peut faire 12 doses avec l'Astrazeneca, on les fait... Point ! On ne demande rien à personne.

Voilà comment les petites histoires moches de princesses et autres beaux grands effets de com' paraissent soudainement si parfaitement ridicules !

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