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par shaman

Macron et les quarante casseurs

Petit coup dans le tibia de la politique répressive gouvernementale et interview du "leader des casseurs" des Gilets Jaunes montpellierains

23 mars 2019, Montpellier. Le mouvement des Gilets Jaunes est encore vigoureux. La semaine précédente, durant l'acte 18, les Gilets Jaunes ont challengé l'idée qu'ils sont anti-écologie en rejoignant les marcheurs pour le climat partout en France. Le nombre jaune, le compteur mis en place par les Gilets Jaunes a pu recenser 269.000 MANUfestants, trois fois plus que le week-end précédent.

Affrontements tardifs durant l'acte 10 des gilets jaunes à Montpellier. - Reflets

La convergence ne s'est pas faite sans cahots. À Montpellier, les deux cortèges prendront deux directions différentes avant de se retrouver face à face, au niveau du boulevard du Jeu de Paume. Ils échangeront quelques mots, avant de continuer une partie de leur route ensemble. À Paris, trois marches (solidarité, climat et gilets jaunes) doivent converger. Mais très vite, des affrontements éclatent rendant la rencontre difficile. Des agences bancaires sont prises à partie et la police gaze le cortège pour le climat.

Le porte-parole de ANV COP 21 déclare alors : « Les manifestants ont dû faire marche arrière, ils sont stupéfaits, sous le choc », en dénonçant « une réaction complètement disproportionnée des forces de l’ordre ». « Quarante-cinq minutes après le départ, les forces de l’ordre ont lancé sans sommation plusieurs grenades de désencerclement dans le cortège »

Greenpeace, de son côté, tweete : « Ne prenez aucun risque et quittez la “marche pour le climat"» dénonçant « l’envoi de lacrymogènes sur des manifestants non violents et des familles »

Une semaine passe et un nouveau samedi de mobilisation se présente. Les Gilets Jaunes se préparent pour l'acte 19 et Montpellier devrait y prendre toute sa place. Cette ville de taille moyenne a vu une mobilisation constante et bruyante depuis le début du mouvement, au point de rentrer dans le top cinq des villes les plus actives. Et pour cet Acte 19, un appel régional a été déclaré. Du grabuge à prévoir même si le maire de Montpellier le reconnait lui-même :

Pour le moment, Montpellier a été, je dirais, assez épargnée par le mouvement des Gilets Jaunes. Même si des équipements publics ont été fracassés, les vitrines des commerçants et les habitats ont été très peu dégradés. Si les manifestations se poursuivent tous les samedis, c’est qu’une partie du peuple français ne s’est pas, malgré la casse, opposé aux Gilets Jaunes et aux manifestations. Je considère que ceux qui portent la responsabilité de cet état de fait, c’est avant tout le gouvernement et l’Assemblée nationale.

La manifestation ne part jamais avant 14h, l'heure montpelliéraine. Le temps est radieux. Et s'amasse, sur la place de la Comédie, une foule bigarrée, des banderoles à l'identité des différents groupes locaux et des Gilets Jaunes par milliers. La préfecture annonce 4.500 manifestants, le nombre jaune 10 000. Une des plus fortes mobilisations à Montpellier.

La manifestation part rapidement et commence par un tour de ville. Le média "La mule du pape" témoigne de l'atmosphère bienveillante et la fierté des manifestants face à cette belle mobilisation. Le retour vers la place de la Comédie se fait à travers les ruelles du centre-ville dans lesquelles résonnent, plus forts, les chants Gilets Jaunes devenus traditionnels. Mais à peine revenus sur la place de la Comédie, voilà que le mur de CRS se dresse. Les esprits s'échauffent. À peine 1h15 après le départ, les premières grenades de désencerclement et lacrymogènes fusent vers le gros du cortège. Les personnes sensibles n'ont pas eu le temps de s'extraire. Le signal du chaos a été donné. Le cortège est scindé en trois manifestations sauvages qui sillonnent la ville, la place de la Comédie devenant le point de ralliement. On déplore de nombreux blessés, 19 arrestations, de la casse d'équipements publics et des voitures incendiées par des grenades lancées par la police. Au même moment, à Paris, c'est le Fouquet's qui brule pour les mêmes raisons.

Le cortège des gilets jaunes de l'acte 19 arpente joyeusement les rues de Montpellier - Reflets
Le cortège des gilets jaunes de l'acte 19 arpente joyeusement les rues de Montpellier - Reflets

Revenu sur la place de la Comédie au bout de 1h15 de marche, le cortège se heurte à un mur de CRS. Et gaz. - Reflets
Revenu sur la place de la Comédie au bout de 1h15 de marche, le cortège se heurte à un mur de CRS. Et gaz. - Reflets

Les CRS à la poursuite d'une manif sauvage ont incendié une voiture avec un grenade de désencerclement
Les CRS à la poursuite d'une manif sauvage ont incendié une voiture avec un grenade de désencerclement

En fin d'après midi, ceux qui sont sur la place de la Comédie peuvent observer une scène étrange. Lors de l'avancée d'une ligne de CRS pour vider la place, un manifestant vêtu de noir se retrouve plaqué à terre par un groupe de gilets jaunes. Protégés par l'avancée des CRS, ceux-ci extraient le "black bloc" vers les lignes de la police. Farid vient de se faire arrêter. Il s'agit en fait, dit-on, de policiers déguisés en gilets jaunes. Ils étaient en filature.

Très vite la police va crier victoire au micro de France 3 :

"Depuis le début des gilets jaunes, une cellule spéciale a été mise en place au sein de la DDSP [...] une cellule spécifique gilets jaunes composés d'enquêteurs qui va travailler sur les données que nous pouvons récupérer notamment sur les réseaux sociaux [...] 5 / 6 personnes avec, je vous disais, une enquêteur en cybercriminalité". Nous sommes dans le cadre judiciaire et nous voulons interpeller des délinquants. Et bien sûr il faut pouvoir mettre en place une filature. [...] C'est ce qui s'est passé, des fonctionnaires de police ont suivi un certain nombre de personnes tout au long de la journée. 4h et demie de filature" "On s'est fait passer pour des petits nouveaux"

Puis plus loin :

" On l'avait identifié comme un leader des casseurs, on le suppose être l'auteur principal de nombreuses dégradations. Il a été décidé avec l'autorité judiciaire de mettre en place ce dispositif " explique Rémy Alonso, du syndicat Alliance. "_À plusieurs reprises, cet individu avait été repéré en train des dégrader et d'incendier du mobilier urbain et des vitrines, notamment le restaurant McDonald's de la place de la Comédie. _"

Enfin un gros coup ! Car jusqu'à présent, la police n'a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Les interpellés sont souvent des petits artisans, des plombiers père de famille. Des arrestations qui seront classées sans suite pour les deux tiers d'entre elles, n'ayant que pour but de décourager les manifestants de ressortir. Ainsi, au début du mois de Juillet 2019, Bastamg recensera "seulement" 400 condamnés à de la prison ferme sur plus de 10 000 arrestations. Mais cette fois, c'est différent. Le suspect fait l'objet d'une enquête depuis février. Ils connaissent son visage mais pas son nom, ni son adresse. Tiennent-ils enfin un de ces professionnels de la casse ?

Il faut dire que les autorités commencent à être à court d'arguments contre le mouvement. Après les "antisémites", les "racistes", les "faux gilets jaunes", les "anti-écologie", le soutien de l'opinion ne semble pas faiblir. Et la communication gouvernement semble s'enfermer dans la voie de la violence.

Dès début décembre, Christophe Castaner, alors ministre de l'Intérieur dénonce une "stratégie gérée par des professionnels du désordre, des professionnels de la casse".

Quelques jours avant l'acte 19 il réitère : "aujourd’hui, il n'y a plus d'organisation, plus de déclarations, plus de revendications, au fond, et il y a seulement, et c'est ce que nous avons vu samedi, des gens qui viennent pour casser, pour atteindre la République…"

Aujourd'hui, le discours n'a pas changé. En décembre 2020, le garde des sceaux Eric Dupond-Moretti dénonce des individus qui se « glissent aux côtés des honnêtes gens » dans les cortèges pour, « eux aussi, séparer la République de ses valeurs _». Il insiste : « _Se solidarisent aujourd’hui derrière la tactique black-bloc des anarcho-autonomes, qui ne s’en prennent historiquement qu’aux symboles du capitalisme, tout un ensemble de gens, venus notamment des Gilets jaunes, sans doute très peu idéologisés, eux trouvent dans le passage à l’acte violent le moyen d’une vengeance [contre l’État]. »

Un discours martelé par le gouvernement justifiant une répression violente d'un mouvement social soutenu par une grande partie de l'opinion. Un discours justifiant la bascule dans une société de la surveillance symbolisée par la loi sécurité globale en 2020. Un discours qu'il est urgent de remettre en question.

Dans un long interview donné à Thinkerview et intitulé "La fin d'un monde en commun", le sociologue Eric Sadin revient sur la violence des manifestants (video 1:27:48) :

"Aristote le dit, la condition politique n'est exclusivement que deux choses [...] C'est une tension indissociable entre l'action et la parole. Entre la praxis et la Lexis. [...] Et ce que vivons nous aujourd'hui, c'est un des drames de notre temps. Nous vivons une dissymétrie, mais comme jamais dans l'histoire entre le discours et l'action. [...] Nous vivons le temps d'une extrême saturation. On n'en peut plus. [...] En 2010 il y a eu le temps des places. On parlait, on faisait des récits à la peine et en même temps on rêvait à d'autres modalités d'existence plus souhaitables. C'est terminé le temps des places maintenant on vit le temps des ronds points. Quand on vit la saturation, les consciences s'expriment et disent "trop c'est trop" [..] jusqu'à des moments de violence, dont il faudrait trouver un autre mot : [...] Une traduction par les affects d'une saturation légitime"

À l'inverse d'une communication gouvernementale affichant la "vengeance" de personnes "sans doutes très peu idéologisées", le sociologue met en avant le cirque politique qui menace notre "monde en commun". Le double constat d'échec de notre monde néolibéral et de notre impuissance à le faire évoluer. Des réactions non idéologisées mais hautement politiques.

Et quid des "professionnels du désordre" "qui viennent pour casser, pour atteindre la république", "séparer la république de ses valeurs". Ceux-là sont difficiles à débusquer. En juillet 2019, le magazine Bastamag n'avait recensé que huit peines de prison de plus de 2 ans (sursis compris).

Thomas P. a été qualifié de "super casseur" lors de son arrestation à Paris pendant l'acte 13. Il va lui aussi être suivi pendant des heures dans les rues de Paris et arrêté pour de nombreuses dégradations dont l'incendie d'une voiture de la force Sentinelle ou de la Porsche d'un cuisinier du gratin parisien. Dès son arrestation, ses avocats déposent une plainte pour "violation du secret de l'enquête" suite à la fuite massive d'informations confidentielles dans les journaux. Malgré l'opposition du parquet, il ne passera finalement que sept mois en prison et sera libéré et placé sous contrôle judiciaire fin septembre 2019.

Depuis sa prison et malgré les risques judiciaires qu'il encourrait encore à l'époque, il publie une lettre où il assume une grande part de ses actes et revendique un "usage juste de la violence" (en vidéo):

Bien sûr, comme tous ceux qui sont visés par la répression du mouvement des Gilets Jaunes, j’ai d’abord manifesté pacifiquement et au quotidien, je règle toujours les problèmes par la parole plutôt que par les poings. Mais je suis convaincu que dans certaines situations, le conflit est nécessaire. Car le débat aussi ’grand’ soit-il, peut parfois être truqué ou faussé.

Quelques lignes plus tôt :

On n’est plus innocent quand on a vu la violence « légitime », la violence légale : celle de la police. J’ai vu la haine ou le vide dans leurs yeux et j’ai entendu leurs sommations glaçantes : « Dispersez-vous, rentrez chez vous ». J’ai vu les charges, les grenades et les tabassages en règle. J’ai vu les contrôles, les fouilles, les nasses, les arrestations et la prison. J’ai vu les gens tomber, en sang, j’ai vu les mutilés. Comme tous ceux qui manifestaient ce 9 février, j’ai appris qu’une nouvelle fois, un homme venait de se faire arracher la main par une grenade. Et puis je n’ai plus rien vu, à cause des gaz. Tous, nous suffoquions. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de ne plus être une victime et de me battre. J’en suis fier. Fier d’avoir relevé la tête, fier de ne pas avoir cédé à la peur.

Le sociologue Eric Sadin avait mis en avant la saturation face au cirque politico-médiatique et notre sentiment d'impuissance face aux changements qui s'imposent. Thomas P, lui, fait directement le lien entre la violence des manifestants et la politique répressive. La violence devenant libératrice, le moyen de relever la tête pour enfin dire non au cirque médiatique, au monde qui s'écroule, à la répression de gens revendiquant des causes légitimes. Ceux qui fréquentent les manifestations le savent, "une manifestation sans police est une manifestation pacifique".

Pour approfondir cette thématique des "professionnels du désordre", Reflets est allé rencontrer Farid, le Gilet Jaune arrêté suite à une infiltration de policiers venants d'une ville voisine, déguisés en "petits nouveaux". Le Gilet Jaune qualifié de "leader des casseurs" montpelliérain, un de ceux qui sera resté le plus longtemps en prison.

Farid a écopé de 3 ans avec maintien en détention "sa situation matérielle, familiale et sociale empêchant tout aménagement". Une peine qui sera ramenée à deux an et demi en appel. Une peine lourde au regard des dégradations uniquement matérielles qui lui sont reprochées. Discret à son procès, le rapport de personnalité décrit "un parcours précaire", ce à quoi l'accusé ajoute qu'il ne touche pas d'aides sociales et vit de "récup". La clémence demandée par l'avocat de la défense au vu de "la droiture du combat de Farid en faveur de la justice sociale" ne sera pas prise en compte. Durant le premier procès et face à son mutisme, le juge indiquait : "On aurait aimé comprendre mais il ne nous fera pas l’honneur de nous expliquer pourquoi il casse des biens qui ne lui appartiennent pas. Il n’a même pas le courage de nous expliquer pourquoi il fait ça. […] Il pollue les revendications des gilets jaunes_"

Farid, 43 ans, a purgé sa peine. Il est sorti de prison début 2021. Il a accepté de répondre à nos questions (interview réalisé le 18 Juillet 2021).

Bonjour Farid,

Comment s'est passée ton arrivée à la maison d'arrêt de Villeneuve les Maguelone. Quel accueil as-tu reçu de l’administration pénitencière et des autres prisonniers ?

L'entrée, c'était un peu chaud. Le déroulement, c'est : nom, prénom, prise d'empreintes et la fouille. La fouille, c'est complètement nu. Alors que ça, normalement ils n'ont plus le droit de le faire. Dans l'ensemble ça s'est plutôt bien passé. Ils m'ont mis en confiance en disant "ici il y a des cons et il y en a qui sont cool". Mais bon, ça reste que des surveillants. Quand ils sont gentils avec toi c'est qu'ils veulent savoir des choses.

Avec les autres détenus, au début c'était un peu chaud dans le sens qu'ils ne savent pas qui tu est. Comme ces personnes ne sont pas du tout politisées, elles ont un autre regard sur toi. Tu n'as pas fait les même choses donc pour eux tu est une grosse merde. Mais après, au fil du temps, on a appris à se parler. Moi aussi là-bas j'ai appris à parler avec eux différemment. En gros ce sont des personnes comme tout le monde, comme tous les autres. Ils ont un peu peur de nous, ils nous prennent pour des balances. Un peu pour de la merde en vrai.

Comment se sont déroulés tes deux ans là-bas.

Au début au niveau mental, c'était pas ça. Tu te dis que tu est là pour rien. Je ne suis pas tombé pour de la drogue, je ne suis pas tombé pour tout ça. Je suis vraiment tombé pour mes convictions. Donc là, je l'ai mal pris. Après, au fil du temps, on se dit : "je suis là, je suis là". J'ai réussi à m'y faire. J'ai travaillé pratiquement tout le long de ma peine. Et à partir de là, je me suis senti un peu mieux. Bouger toujours de ma cellule, jamais rester enfermé 24h / 24h. Vraiment à faire quelque chose, à se bouger les côtes.

Et ta sortie ?

La sortie de VLM (Villeneuve les Maquelones, NDLR), c'était quelque chose d'énorme, c'était l'euphorie dans ma tête. J'était impatient de sortir. j'en avait un peu trop marre, je pensait que j'avais fait suffisamment. Tout ça pour un Mac Do et quelques arrêts de tram !

Parlons de ces "dégradation matérielles" dont tu a été accusé : des abribus, la vitre d'un Mac Do, des panneaux publicitaires des arrêts de Tram. Tu as globalement reconnu les faits. Qu'elle est pour toi la signification des ces gestes ? Pourquoi la casse ?

Casser en fait, c’est un symbole. C'est casser le capitalisme, casser cette hiérarchie qu'il y a dans l'argent. En vrai, c’est casser le système. Je ne vais pas aller casser un petit magasin parce que le gars travaille. Ils essayent de survivre déjà, ils sont surtaxés. Par contre, JC Decaux qui touche des millions et des millions grâce à ses panneaux publicitaires, avec des pubs qui sont ultraviolentes, que ce soit pour la femme ou pour l'homme. Ces panneaux, c'est une grosse pollution visuelle, allumé 24h sur 24h. Casser le Mac Do, c'est casser le capitalisme de la malbouffe, ce système américain. Les arrêts de Tram, encore, c'est l'argent. Les transports, en vérité, ils doivent être gratuits parce que là, ils ont assez d'argent pour payer les salaires de leurs chauffeurs de tramway pendant 20 ou 30 ans. En fait c'est ça, la casse c'est casser ce système capitalisme, ce système monétaire, ce système patriarcal. En vrai, pour moi, l'argent devrait pas exister. Pour de l'argent on va piller des pays. On colonise des pays. Et à la décolonisation, ok, on vous laisse ça mais on vous prend ça, on vous invente votre propre monnaie, une petite monnaie de merde. Tout ça, c'est de la justice.

A l'époque, les médias décriaient la "cinquième colonne anarcho-libertaire" qui avait pris contrôle du mouvement en sous-main, dégoutant au passage les "vrais gilets jaunes". Étant une des personnes ayant pris une des peines les plus lourdes en France, tu devrais en savoir quelque chose ?

Moi ce que je pense, c'est que les Gilets Jaunes en vérité ils ont réussi quelque chose que nous, l'extrême-gauche on a pas su faire. Depuis Mai 68, on arrive plus à s'organiser sur plein de chose, ça c'est clair. Eux ils ont fait en deux ans ce que nous on a pas fait en 50 ans. C'est énorme. Et pourtant au départ, ils était là: "on veut plus d'argent", "on veut moins de taxes sur l'essence" et là, ça s'est transformé en quelque chose de plus radical. Et si on changeait la constitution ? Et si on passait par un référendum à chaque sortie de loi ? Ils ont réussi a faire vaciller le gouvernement en 1 mois et demi. Ça, nous, en fait, on l'a jamais fait. Voilà aussi pourquoi je me suis lancé dans le mouvement.

Dès ton arrestation, Midi Libre a écrit : "Son casier porte onze condamnations dont six fois pour dégradations mais aussi des vols aggravés." J'ai aussi pu aussi entendre, à cette époque que les gilets jaunes étaient un mouvement "de truands". Souhaites-tu nous parler de tes autres condamnations ?

_On peut en parler. Les actes qui ont abouti à mes condamnations passées, je les ai fait en connaissance de cause. _

_Le vol aggravé, je devais avoir 18 ans. Tu pars de chez toi, tu te dis "j'en ai marre de cette vie à prendre de leçon de morale tous les jours". J'étais à la fac, j'avais besoin d'argent. Je me suis mis à voler, à faire des cambriolages. Il y en a un qui a mal tourné, la personne s'est réveillée, j'ai pris un coup de bâton dans la tête et je me suis défendu. La personne a appelé la police et je me suis fait arrêter quelques mètres plus loin. _

Pour tout ce qui est casse, vite, j'ai pris conscience en faisant partie des jeunesses communistes, à 16 ans, qu’il y avait des trucs qui tournaient pas rond. A chaque manif on allait faire des actions. Mais des actions ciblées. On ciblait une banque, on voyait aussi là où allait l'argent. Car les banques financent par exemple les partis politiques ou l'Etat d'Israël que, personnellement, je ne reconnais pas. On a fait quelques actions, elles ont été signées par le groupe, on s'est tous fait arrêter et tout le monde a pris.

Et il y a aussi l'histoire du général de Gaulle. On décide de faire une action avec des potes, on voit une statue du général de Gaulle dans un commissariat et on décide d'aller la chopper. On monte un plan qui dure trois mois. Il y en a un qui décide d'aller poser une fausse plainte, moi je m'occupais de déboulonner la statue. Je vois qu'elle bouge, mon pote m'amène une corde, on l'accroche. Un coup de première et on se barre avec la statue qui est passée à travers la baie vitrée. On arrive au hangar, on l'enferme. Puis on décide de demander une rançon, on découpe des petits papiers, des lettres. On demande 50 000 francs et on l'envoie au commissariat. Et nous, comme des ânes, sur la route, il y avait des traces. Ils arrivent au hangar et nous on avait bariolé la statue en rouge et noir. On a fait 96 heures de garde à vue pour kidnapping. Avec un autre, j'avais 17 ans, on a pris 4 ans, on est rentré un peu mais ils nous ont vite relâché. Le plus âgé, à 18 ans, il a pris 5 ans ferme et est sorti trois ans après.

D'où viens-tu ? Peux-tu te présenter rapidement du point de vue personnel et politique ?

Je viens de l'ile et Vilaine, de Rennes. J'ai grandi en Bretagne. Politiquement, je me considère anarchiste à partir du moment ou je considère que l'Etat et les pouvoir ça devrais pas exister. Je ne me place pas non plus au-dessus d'une seule personne. On est tous égaux, une femme, un homme, un trans, un homosexuel, un juif, un arabe. Et je ne considère aucunes frontières, aucunes nations.

Quelle est ton appréciation du bilan des Gilets Jaunes et de l'état du mouvement social actuellement ? Comment vois-tu l'avenir ?

Franchement, les gilets jaunes, pour moi, c’était bénéfique pour tout le monde, c’était un truc extraordinaire. Le coup de pression, il était là. Le bilan, il est plus positif que négatif. Alors que c'est sûr que ce mouvement, au début, il était apolitique, il y avait pas mal de groupuscule d'extrême droite. Mais ils se sont fait jeter par les Gilets Jaunes, donc c'est positif.

Actuellement on est plutôt au ralenti. Ce mouvement social, là, contre le passe sanitaire, je n’ai pas du tout assumé. C'est pire qu'au début des Gilets Jaunes. Je me suis fait bannir de leurs réseaux. Ils étaient sur Télégram, ça parle un peu de Dieu et tout ça. Hé beh moi je donne mon point de vue, je dis "Jésus, c’est un hippie et Dieu, c’est quelque chose de lunaire". Ils m'ont dit comment ça "lunaire". Là je leur explique que je ne peux pas croire en quelque chose qui n'existe pas. Et là ils m'ont banni. C'est sur il y a de plus en plus de monde, mais le mouvement a pris dans le sens conspi. On est passé d'un mouvement apolitique à un autre mouvement qui radicalise les gens dans le complotisme. Même dans ce genre de manif, les gens sont endormis.

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