Manifestation des gilets jaunes, le 16 mars à Paris
Reportage photo
Deux visages pour cette mobilisation du 16 mars : des dégradations très importantes ainsi que des affrontements violents autour des Champs-Elysées et des marches pacifiques vers Opéra et République

Le secteur des Champs-Élysées a été le théâtre de très vifs affrontements entre manifestants et forces de l'ordre. Comme une sorte de trophée à décrocher, des dizaines de personnes ont envoyés des pavés trouvés sur place sur les forces de l'ordre qui tenaient le monument. La journée s'est déroulée comme un jeu de chat et de la souris sans fin où les manifestants cassaient du mobilier urbain, brûlaient ce qui leur tombait sous la main, lançaient des pavés sur les forces de l'ordre. En retour, les pompiers tentaient d'éteindre les incendies et les forces de l'ordre envoyaient une pluie de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes sur ceux qui tentaient d'approcher de trop près l'Arc de Triomphe.
La place de l'Étoile, les Champs-Élysées et quelques rues connexes ont été transformés en véritable champ de bataille où s'amoncelaient pavés descellés, restes de grenades, et flaques d'eau des canons à eau. Dans leur lutte contre le capitalisme, les manifestants se sont attaqués à des boutiques, des restaurants, dont le Fouquet's et... à des kiosques à journaux de l'avenue des Champs. Les kiosquiers voient leur métier disparaître. Leurs revenus sont misérables et leurs conditions de travail exécrables. Brûler leur kiosques va sans doute faire avancer la cause...
Mais si les chaînes de télévision en continu ont immédiatement braqué leurs projecteurs sur ces violences, le plus souvent injustifiables, le gros des manifestants de la journée du 16 mars était ailleurs. Moins d'images pour ces cortèges qui se sont rendu à Opéra et à la République. Dans ces cortèges, on trouvait des écologistes mais aussi de très nombreux gilets jaunes. BFM ou France Info (Les informés du 17 mars) ont tenté de différencier les méchants gilets jaunes qui cassent tout ou laissent faire les casseurs et les écologistes qui ont manifesté calmement. Il n'en est rien.
Dès les premières heures de la journée, les commentateurs de BFMTV, qui n'ont jamais mis les pieds dans une manifestation de gilets jaunes depuis le début du mouvement, commentaient en mode monomaniaque les actes de ces "black blocks" souvent "venus de l'étranger" pour blesser ou tuer des forces de l'ordre, ces gens, "professionnels de la casse", "dont c'est le métier", qui vont "de ZAD en manifs partout en Europe".
Pendant que les affrontements se poursuivaient sur les Champs-Elysées, la Marche du siècle pour le climat se déroulait dans une ambiance bonne enfant.
Quelque 45.000 marcheurs convergent vers la place de la République (100.000 selon les organisateurs et 36.000 d'après la préfecture), selon un comptage indépendant du cabinet Occurrence au cri de "Et un, et deux, et trois degrés, c'est un crime contre l'Humanité !". Sur les pancartes on trouve des slogans comme "Les dinosaures aussi pensaient qu'ils avaient le temps", "Bientôt les bronzés ne feront plus de ski" ou "Moins de banquiers, plus de banquise"
"La sauvegarde du climat est un enjeu phénoménal, estime Jean-Jacques, instituteur spécialisé retraité, Il faudrait des mesures drastiques et tout le monde hésite à les prendre. Il faudra à l'avenir accepter moins de confort, de vivre plus simplement."
Laure, Chloé, Anaïd, Océane et Eve sont membre de l'équipe de promotion du [pacte mondial pour l'environnement des Nations Unies](www.globalpactenvironment.org). "On espère que ce projet qui est en cours d'examen en ce moment à l'ONU va faire bouger les choses."
Quand on demande à Laure ce qu'elle pense des Gilets Jaunes présents et de leur mouvement, elle dit : "Personnellement, je comprends leur mobilisation, mais je ne cautionne pas la violence. On changera le collectif par la négociation."
De nombreux Gilets Jaunes se sont joints à la marche : "Je défile depuis le 17 novembre, raconte Françoise. Ce sont les mêmes qui capturent les richesse et qui polluent. Il n'y a pas de solution pour le climat s'il n'y a pas de solution politique. Il faut taxer les pollueurs, plus de contrôle sur les biens publics. Par exemple la vente des autoroutes et bientôt celle d'Aéroports de Paris est un spoliation des biens de tous. Il faut aussi que les dirigeants respectent ce qu'ils disent quand ils parlent d’environnement. Il faut arriver à cette convergence des luttes. J’étais heureuse de voir que les jeunes qui défilaient vendredi étaient aussi conscient que le problème vient du capitalisme."
Magalie, professeur en maternelle a enfilé son gilet jaune depuis décembre. "Je militais déjà pour le climat depuis plusieurs années. Gilets Jaunes, climat, ça va ensemble. J'essaie d'espérer que le grand débat national va changer quelque chose, mais je n'y crois pas trop... J'ai participé à la réunion dans ma ville, à Villeparisis (Seine-et-Marne). Mais bon... Je serai à la prochaine manifestation des Gilets Jaunes car je préfère y aller que de déprimer chez moi."
Dans la foule des marcheurs, des gens discutent : "On attend des vraies réponses concrètes pour le Climat, pas du bla bla, un effort partagé." "Oui, on ne veut pas être mené par les multinationales." Une autre renchérit : "Il faut arrêter avec les lobbies, de se lier les mains avec eux, de repousser sans cesse les décisions, comme pour le Glyphosate".
Marie est dans le commerce de poisson. Elle est venue de La Ciotat (Bouche du rhône). Elle arbore un gilet jaune. "Climat, revendications des Gilets Jaunes, tout est lié. Ce n'est pas une question de convergence des luttes mais de bon sens. On ne peut pas défendre l'un sans l'autre. On devrait tous lutter ensemble. Il n'y aura pas d'action efficace pour le climat sans justice politique et économique. Avec ces manifestations, on espère rééduquer nos politiques. Ils doivent réapprendre la citoyenneté, la justice, l'écoute, et le respect." Elle ne croit pas un instant à la sincérité du grand débat. "C'est pipé depuis le début. Macron a dit que nous étions des imbéciles et il veut nous dire ce qu'on doit penser. Mais il ne sait pas ce que c'est que la vie ! Il ne vit pas dans la même société que nous. On en a marre de ce mépris, d'être réduit à des Jojos alcooliques ou des extrémistes. Et je suis prête à continuer de manifester tant que Macron ne nous respectera pas."
Six jeune d'une trentaine d'année sont assis par terre sur la place de la République. L'un d'eux porte un Gilets Jaunes. "On souhaite une taxation des transports carbonés." "Quand on fait remarquer que le mouvement des Gilets Jaunes a démarré avec la hausse des taxes sur les carburants, celui qui le porte répond : "Je suis pour cette taxation, mais il faut compenser ailleurs pour que nous ne payons pas plus mais différemment. Le gouvernement doit développer les transports publics, au lieu de cela, il casse la SNCF." Quand on lui parle des violences en cours sur les Champs, il dit : "Le vandalisme ne me dissuadera pas de manifester. Je suis Gilet jaunes depuis l'acte III. C'est là qu'il y a eu la casse dans l'Arc de Triomphe. Casser la tête d'une statue en plâtre, ce n'est pas grave. La casse sociale, elle, casse des hommes."
Thierry, un enseignant de Dourdan, se réjouit de voir les jeunes manifester en grand nombre : "Les "écolos comme moi, on s'est longtemps sentit seuls. Quand Hulot disait : "J'ai personne derrière moi.", on le comprenait; c'était vrai. On se sentait entre nous écolos, on vieillissait ensemble. Que les jeunes s'emparent de la question, c'est assez neuf et j'espère que ça sera déterminant. J'ai aussi découvert que "fin du monde, fin de mois, même combat", c'était assez juste. J'ai douté au départ du mouvement des Gilets Jaunes, mais finalement, je les comprends. Et je vois que certains se mobilisent pour l'environnement. Après, il faut être déterminés, pas violents. La non violence, c'est une force, ce n'est pas la gentillesse."

































