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Dossier
par Jacques Duplessy, Antoine Champagne - kitetoa

Manifestation des gilets jaunes, le 16 mars à Paris

Reportage photo

Deux visages pour cette mobilisation du 16 mars : des dégradations très importantes ainsi que des affrontements violents autour des Champs-Elysées et des marches pacifiques vers Opéra et République

Sur la place de l'Étoile, entre deux affrontements - © Reflets

Le secteur des Champs-Élysées a été le théâtre de très vifs affrontements entre manifestants et forces de l'ordre. Comme une sorte de trophée à décrocher, des dizaines de personnes ont envoyés des pavés trouvés sur place sur les forces de l'ordre qui tenaient le monument. La journée s'est déroulée comme un jeu de chat et de la souris sans fin où les manifestants cassaient du mobilier urbain, brûlaient ce qui leur tombait sous la main, lançaient des pavés sur les forces de l'ordre. En retour, les pompiers tentaient d'éteindre les incendies et les forces de l'ordre envoyaient une pluie de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes sur ceux qui tentaient d'approcher de trop près l'Arc de Triomphe.

La place de l'Étoile, les Champs-Élysées et quelques rues connexes ont été transformés en véritable champ de bataille où s'amoncelaient pavés descellés, restes de grenades, et flaques d'eau des canons à eau. Dans leur lutte contre le capitalisme, les manifestants se sont attaqués à des boutiques, des restaurants, dont le Fouquet's et... à des kiosques à journaux de l'avenue des Champs. Les kiosquiers voient leur métier disparaître. Leurs revenus sont misérables et leurs conditions de travail exécrables. Brûler leur kiosques va sans doute faire avancer la cause...

Mais si les chaînes de télévision en continu ont immédiatement braqué leurs projecteurs sur ces violences, le plus souvent injustifiables, le gros des manifestants de la journée du 16 mars était ailleurs. Moins d'images pour ces cortèges qui se sont rendu à Opéra et à la République. Dans ces cortèges, on trouvait des écologistes mais aussi de très nombreux gilets jaunes. BFM ou France Info (Les informés du 17 mars) ont tenté de différencier les méchants gilets jaunes qui cassent tout ou laissent faire les casseurs et les écologistes qui ont manifesté calmement. Il n'en est rien.

Dès les premières heures de la journée, les commentateurs de BFMTV, qui n'ont jamais mis les pieds dans une manifestation de gilets jaunes depuis le début du mouvement, commentaient en mode monomaniaque les actes de ces "black blocks" souvent "venus de l'étranger" pour blesser ou tuer des forces de l'ordre, ces gens, "professionnels de la casse", "dont c'est le métier", qui vont "de ZAD en manifs partout en Europe".

Pendant que les affrontements se poursuivaient sur les Champs-Elysées, la Marche du siècle pour le climat se déroulait dans une ambiance bonne enfant.

Quelque 45.000 marcheurs convergent vers la place de la République (100.000 selon les organisateurs et 36.000 d'après la préfecture), selon un comptage indépendant du cabinet Occurrence au cri de "Et un, et deux, et trois degrés, c'est un crime contre l'Humanité !". Sur les pancartes on trouve des slogans comme "Les dinosaures aussi pensaient qu'ils avaient le temps", "Bientôt les bronzés ne feront plus de ski" ou "Moins de banquiers, plus de banquise"

"La sauvegarde du climat est un enjeu phénoménal, estime Jean-Jacques, instituteur spécialisé retraité, Il faudrait des mesures drastiques et tout le monde hésite à les prendre. Il faudra à l'avenir accepter moins de confort, de vivre plus simplement."

Laure, Chloé, Anaïd, Océane et Eve sont membre de l'équipe de promotion du [pacte mondial pour l'environnement des Nations Unies](www.globalpactenvironment.org). "On espère que ce projet qui est en cours d'examen en ce moment à l'ONU va faire bouger les choses."

Quand on demande à Laure ce qu'elle pense des Gilets Jaunes présents et de leur mouvement, elle dit : "Personnellement, je comprends leur mobilisation, mais je ne cautionne pas la violence. On changera le collectif par la négociation."

De nombreux Gilets Jaunes se sont joints à la marche : "Je défile depuis le 17 novembre, raconte Françoise. Ce sont les mêmes qui capturent les richesse et qui polluent. Il n'y a pas de solution pour le climat s'il n'y a pas de solution politique. Il faut taxer les pollueurs, plus de contrôle sur les biens publics. Par exemple la vente des autoroutes et bientôt celle d'Aéroports de Paris est un spoliation des biens de tous. Il faut aussi que les dirigeants respectent ce qu'ils disent quand ils parlent d’environnement. Il faut arriver à cette convergence des luttes. J’étais heureuse de voir que les jeunes qui défilaient vendredi étaient aussi conscient que le problème vient du capitalisme."

Magalie, professeur en maternelle a enfilé son gilet jaune depuis décembre. "Je militais déjà pour le climat depuis plusieurs années. Gilets Jaunes, climat, ça va ensemble. J'essaie d'espérer que le grand débat national va changer quelque chose, mais je n'y crois pas trop... J'ai participé à la réunion dans ma ville, à Villeparisis (Seine-et-Marne). Mais bon... Je serai à la prochaine manifestation des Gilets Jaunes car je préfère y aller que de déprimer chez moi."

Dans la foule des marcheurs, des gens discutent : "On attend des vraies réponses concrètes pour le Climat, pas du bla bla, un effort partagé." "Oui, on ne veut pas être mené par les multinationales." Une autre renchérit : "Il faut arrêter avec les lobbies, de se lier les mains avec eux, de repousser sans cesse les décisions, comme pour le Glyphosate".

Marie est dans le commerce de poisson. Elle est venue de La Ciotat (Bouche du rhône). Elle arbore un gilet jaune. "Climat, revendications des Gilets Jaunes, tout est lié. Ce n'est pas une question de convergence des luttes mais de bon sens. On ne peut pas défendre l'un sans l'autre. On devrait tous lutter ensemble. Il n'y aura pas d'action efficace pour le climat sans justice politique et économique. Avec ces manifestations, on espère rééduquer nos politiques. Ils doivent réapprendre la citoyenneté, la justice, l'écoute, et le respect." Elle ne croit pas un instant à la sincérité du grand débat. "C'est pipé depuis le début. Macron a dit que nous étions des imbéciles et il veut nous dire ce qu'on doit penser. Mais il ne sait pas ce que c'est que la vie ! Il ne vit pas dans la même société que nous. On en a marre de ce mépris, d'être réduit à des Jojos alcooliques ou des extrémistes. Et je suis prête à continuer de manifester tant que Macron ne nous respectera pas."

Six jeune d'une trentaine d'année sont assis par terre sur la place de la République. L'un d'eux porte un Gilets Jaunes. "On souhaite une taxation des transports carbonés." "Quand on fait remarquer que le mouvement des Gilets Jaunes a démarré avec la hausse des taxes sur les carburants, celui qui le porte répond : "Je suis pour cette taxation, mais il faut compenser ailleurs pour que nous ne payons pas plus mais différemment. Le gouvernement doit développer les transports publics, au lieu de cela, il casse la SNCF." Quand on lui parle des violences en cours sur les Champs, il dit : "Le vandalisme ne me dissuadera pas de manifester. Je suis Gilet jaunes depuis l'acte III. C'est là qu'il y a eu la casse dans l'Arc de Triomphe. Casser la tête d'une statue en plâtre, ce n'est pas grave. La casse sociale, elle, casse des hommes."

Thierry, un enseignant de Dourdan, se réjouit de voir les jeunes manifester en grand nombre : "Les "écolos comme moi, on s'est longtemps sentit seuls. Quand Hulot disait : "J'ai personne derrière moi.", on le comprenait; c'était vrai. On se sentait entre nous écolos, on vieillissait ensemble. Que les jeunes s'emparent de la question, c'est assez neuf et j'espère que ça sera déterminant. J'ai aussi découvert que "fin du monde, fin de mois, même combat", c'était assez juste. J'ai douté au départ du mouvement des Gilets Jaunes, mais finalement, je les comprends. Et je vois que certains se mobilisent pour l'environnement. Après, il faut être déterminés, pas violents. La non violence, c'est une force, ce n'est pas la gentillesse."

Place de l'Étoile, départ de la Marche pour le Climat - © Reflets
Place de l'Étoile, départ de la Marche pour le Climat - © Reflets

Sur les Champs-Élysées, des tags éphémères écrits sur du plastic tendu entre deux arbres - © Reflets
Sur les Champs-Élysées, des tags éphémères écrits sur du plastic tendu entre deux arbres - © Reflets

Dans un paysage dévasté, ce slogan qui invite à l'action - © Reflets
Dans un paysage dévasté, ce slogan qui invite à l'action - © Reflets

Au regard des kiosques brûlés, c'est la guerre des pauvres contre les pauvres... - © Reflets
Au regard des kiosques brûlés, c'est la guerre des pauvres contre les pauvres... - © Reflets

Au milieu des Champs, un temps de répit. - © Reflets
Au milieu des Champs, un temps de répit. - © Reflets

Buvette improvisée au milieu des Champs. Le Fouquet's a été dévasté. Ce manifestant a dû ramasser une carte qui traînait. - © Reflets
Buvette improvisée au milieu des Champs. Le Fouquet's a été dévasté. Ce manifestant a dû ramasser une carte qui traînait. - © Reflets

Discussion politique improvisée. - © Reflets
Discussion politique improvisée. - © Reflets

Brûler les kiosques, tout aussi bête que de brûler des livres. - © Reflets
Brûler les kiosques, tout aussi bête que de brûler des livres. - © Reflets

La puissance de la force de l'Etat, symbolisée par les blindés de la gendarmerie. - © Reflets
La puissance de la force de l'Etat, symbolisée par les blindés de la gendarmerie. - © Reflets

Dans ce magasin du quartier des Champs, on peut acheter le premier navigateur réalisé pour surfer sur le Web... - © Reflets
Dans ce magasin du quartier des Champs, on peut acheter le premier navigateur réalisé pour surfer sur le Web... - © Reflets

Juste après Saint-Augustin, la Marche pour le Climat se dirige vers Opéra - © Reflets
Juste après Saint-Augustin, la Marche pour le Climat se dirige vers Opéra - © Reflets

Dans la marche, une fanfare de tambours rythme le défilé. - © Reflets
Dans la marche, une fanfare de tambours rythme le défilé. - © Reflets

Opéra : un patchwork de couleurs joyeuses - © Reflets
Opéra : un patchwork de couleurs joyeuses - © Reflets

A l'Opéra, les défenseurs du climat sont très nombreux. - © Reflets
A l'Opéra, les défenseurs du climat sont très nombreux. - © Reflets
L'ambiance n'a rien à voir avec celle du quartier des Champs. Beaucoup de gens sont venus avec des enfants et tout se passe bien. - © Reflets
L'ambiance n'a rien à voir avec celle du quartier des Champs. Beaucoup de gens sont venus avec des enfants et tout se passe bien. - © Reflets

Sauvez les ours blancs... - © Reflets
Sauvez les ours blancs... - © Reflets

Help... - © Reflets
Help... - © Reflets

Noir c'est noir... - © Reflets
Noir c'est noir... - © Reflets

Les manifestants pacifiques à l'Opéra. - © Reflets
Les manifestants pacifiques à l'Opéra. - © Reflets

Les gens marchent pour le climat - © Reflets
Les gens marchent pour le climat - © Reflets

La vente d'Aéroports de Paris ne passe pas. - © Reflets
La vente d'Aéroports de Paris ne passe pas. - © Reflets

Convergence des luttes... - © Reflets
Convergence des luttes... - © Reflets

Il est temps d'agir... - © Reflets
Il est temps d'agir... - © Reflets

Lutte pour la planète... - © Reflets
Lutte pour la planète... - © Reflets

Place de la République, un message pour les banquiers... - © Reflets
Place de la République, un message pour les banquiers... - © Reflets

Meanwhile à l'Élysée... - © Reflets
Meanwhile à l'Élysée... - © Reflets

Des casseurs ont mis le feu à une agence bancaire en bas des Champs, avenue Roosevelt. « Deux personnes ont été sauvées des flammes. Une femme et son bébé étaient coincés », selon les pompiers.  Quand la bêtise frôle le drame... - © Reflets
Des casseurs ont mis le feu à une agence bancaire en bas des Champs, avenue Roosevelt. « Deux personnes ont été sauvées des flammes. Une femme et son bébé étaient coincés », selon les pompiers. Quand la bêtise frôle le drame... - © Reflets

Pendant ce temps, place de l'Étoile, les affrontements continuent. - © Reflets
Pendant ce temps, place de l'Étoile, les affrontements continuent. - © Reflets

Merci aux manifestants qui jetaient des pavés sur les journalistes, ma jambe lui est reconnaissante. - © Reflets
Merci aux manifestants qui jetaient des pavés sur les journalistes, ma jambe lui est reconnaissante. - © Reflets

Champ de bataille - © Reflets
Champ de bataille - © Reflets

Idem - © Reflets
Idem - © Reflets

Sur la place de l'Étoile, les tirs de lacymos et de grenades assourdissantes succèdent au jets de pavés. - © Reflets
Sur la place de l'Étoile, les tirs de lacymos et de grenades assourdissantes succèdent au jets de pavés. - © Reflets

Ironie ou véritable volonté d'apaisement ? Ce manifestant demande à être pris en photo dans cette position pour marquer la nécessité d'amour. - © Reflets
Ironie ou véritable volonté d'apaisement ? Ce manifestant demande à être pris en photo dans cette position pour marquer la nécessité d'amour. - © Reflets

Au dessus de l'Arc de Triomphe, la lune regarde avec désintérêt ce qui se passe tandis qu'un avion traverse le ciel sans avoir la moindre idée de ce qui se passe au sol. - © Reflets
Au dessus de l'Arc de Triomphe, la lune regarde avec désintérêt ce qui se passe tandis qu'un avion traverse le ciel sans avoir la moindre idée de ce qui se passe au sol. - © Reflets

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