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Édito
par Antoine Champagne - kitetoa

Les choix de vote, ce devrait être comme les préférences sexuelles

Devons-nous nous entre-déchirer pour des bulletins de papier ?

Bien entendu, il est sain de se « battre » intellectuellement pour ses idées politiques et l'on peut aisément convenir que certaines d'entre elles sont une abomination. Mais le choix de voter, pour X, Y, blanc, ou de ne pas voter du tout ne devrait pas déclencher de flame wars.

Isoloirs - Frédérique Voisin-Demery - CC

Les réseaux sociaux sont truffés d'anathèmes. Comment osent-ils voter blanc ? S'abstenir c'est voter Marine Le Pen... La bataille fait rage à l'approche du deuxième tour. Revoici les flame wars des débuts du Net.

Lutter pour des idées politiques rejoint souvent une lutte philosophique. On se bat pour faire triompher plus d'humanisme, plus de partage, plus d'empathie, de libertés individuelles. D'autres se battent pour plus de « liberté d'entreprendre », et moins d'État dans la vie de la nation...

Et puis il y a les combats pour des idées rances. Des combats pour faire triompher la haine et la violence, le rejet des « autres » êtres humains. Ces idées sont une abomination. Elles ont partout, tout au long des siècles, retiré aux êtres humains ce qui fait leur humanité. Ceux qui se fourvoient dans les pas des politiques faisant la promotion de ces idées s'enfoncent dans la haine. Nous avions publié les mails adressés au Front National pendant l'entre-deux tours en 2002. C'était très clair. Un peuple qui a de telles idées peut rapidement verser dans l'horreur. L'Histoire devrait être un outil pour nous améliorer, pas nous pousser à revivre l'abomination.

Lutter contre un vote ou un autre devrait cependant pouvoir se faire par l'échange apaisé. C'est dans le débat que l'on peut convaincre, pas dans l'anathème. Les réseaux sociaux sont actuellement le théâtre d'échanges très violents sur les choix des uns et des autres. Dans l'absolu, chacun devrait pourtant, en démocratie, respecter les choix des autres. Un peu comme les préférences sexuelles. Chacun fait ce qu'il veut de son corps dans sa chambre à coucher et chacun fait ce qu'il veut de son bulletin dans l'isoloir...

Si vraiment vous avez un problème avec le choix d'un pro-macron, d'un pro-Le Pen, d'un abstentionniste, d'un pro-vote blanc, essayez la voie de la pédagogie et du dialogue, de l'argumentation plutôt que celle de la violence verbale, de la mise au pilori, sinon, vous ne faites que renforcer leurs choix et vous participez à la polarisation de la société.

A ce sujet, il faudra sans doute un jour que les experts se penchent sérieusement sur le rôle des réseaux sociaux dans cette polarisation de multiples groupes des sociétés humaines.

Avant qu'il ne soit trop tard.

Il faudra que les médias mainstream rendent compte largement de leurs travaux. Il faudra que la population soit en capacité d'entendre et de comprendre ces travaux. Sans quoi le pire triomphera et un siècle d'amélioration de l'espèce humaine sera balayé. Retournez sur la case départ et ne touchez pas 20.000...

Les internautes ont tendance à oublier que les réseaux sociaux sont tout sauf « sociaux » et qu'ils ne sont pas un reflet de la réalité. Être social, c'est avoir des relations humaines en face à face. Aller dîner chez des amis, s'engueuler au bar du bistrot du coin avant de reprendre des cacahouètes ensemble, discuter, échanger, construire. A l'inverse, s'isoler face à un écran pour lutter A BASE DE GRANDES PHRASES EN CAPITALES contre @GérardDu92 et @LuluDeRodez et @NationalisteEclairé que l'on ne connaît pas, c'est produire du vide pour ajouter à du vide et cela ne modifie la réalité que sur un point. On ne convainc pas, on clive, on radicalise, on polarise, bref, on contribue à exploser la société en une myriade de groupes irréconciliables.

Cette brisure ne se fait pas seule. Les algorithmes des réseaux sociaux poussent les humains dans cette direction. En fournissant des contenus qui vont exacerber les émotions négatives des utilisateurs, qui polarisent, qui poussent au clash et aux anathèmes. Cela permet de créer le « buzz » et donc de créer une discussion sans fin (ou presque) dans laquelle on pourra insérer des publicités. Ou qui permettra de mieux construire l'identité calculée de chacun, celle-ci étant ensuite revendue au plus offrant.

L'éthique et la morale des algorithmes sont proche de zéro. Ils n'hésiteront pas à transformer en fait de société un non événement (comme la télévision mais dans des proportions bien pires car ils touchent beaucoup plus de monde désormais) en affaire du siècle. Ils pousseront les médias traditionnels à créer du buzz et donc des contenus clivants ou éloignant les citoyens du raisonnement. Les algorithmes détestent la nuance et nous poussent à rejeter la voie du milieu. Celle du dialogue, de la diplomatie, de la convergence de vues pour co-créer. Pour eux, il est nécessaire que nous nous affrontions tout le temps afin que le fil de discussion ne s'arrête jamais sur un terrain d'entente, ce que la politique visait, il y a très longtemps, lorsque les affaires de la cité se réglaient dans l'agora et que la démocratie était un idéal, un but à atteindre. Nous somme trop persuadés que nous sommes dans un régime démocratique et que cela ne peut pas changer. Les machines travaillent pourtant à nous amener vers autre chose, au delà de l'oligarchie actuelle, avec la complicité de quelques politiques aux egos surdimensionnés.

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