Le retour des ligues fascistes ?
Des groupuscules tentent de prendre la rue avant de prendre le pouvoir ?
Les ligues d'extrême-droite ont fait leur apparition à la fin du XIXème siècle. L'une d'elles, l'Action française a survécu jusqu'à nos jours. Le 6 février 1934 marque le début de manifestations des ligues qui feront au total 19 morts et près de 1.500 blessés. Aujourd'hui, certains tentent de raviver le feu, dans la plus grande passivité des autorités et d'une partie de la presse qui leur ont indirectement redonné des ailes.
Un peu moins de 100 militants de l'extrême-droite la plus violente (sympathisants néo-nazis) ont défilé samedi 25 novembre aux alentours du quartier de la Monnaie à Romans sur Isère derrière une banderole « Justice pour Thomas, ni pardon, ni oubli » en scandant des slogans racistes. Certains, armés de barres de fer ou de battes de baseball, souhaitaient ainsi protester à leur manière contre le drame de Crépol, lorsque Thomas, un adolescent a été tué à coups de couteau en marge d'un bal de village.
Les membres de ces groupes sont souvent très jeunes, mais très déterminés. Leur idéologie mortifère les entraine vers des affrontements de plus en plus violents, Street Press a dressé leur portrait dans plusieurs enquêtes. Parmi ces groupes, on compte entre autres l'Alvarium, Des tours et des lys, Tenessoum, les Zouaves de Paris, Ouest Casual...
Ce sont aussi ceux qui défilaient le 6 mai dernier à Paris, sans que le ministère de l'Intérieur ne s'en émeuve (quelques policiers à vélo encadraient 300 néo-nazis), ni ne déclenche les foudres policières habituelles pour les défilés contestant l'ordre tel qu'imaginé par Emmanuel Macron.
A quelques dizaines de mètres du rassemblent de ces jeunes, se tenaient trois personnes. Deux hommes et une femme, bien plus âgés. Ils surveillaient de loin ce que la relève faisait. Ces groupes de jeunes ne sortent pas de nulle part, ils sont l'incarnation actuelle des membres du GUD des années 80-90, des jeunesses du front national. Une continuité, certes, mais avec un niveau de violence qui croît et des affinités très assumées avec le IIIème Reich. StreetPress vient d'ailleurs de publier le portrait des personnes interpellées lors de la descente dans le quartier de la Monnaie le 25 novembre, c'est édifiant.
Samedi soir, les groupuscules néo-nazis ont battu le rappel et se sont retrouvés aux abords du quartier de la monnaie d'où ils pensent que des personnes soupçonnées du meurtre de Thomas et récemment interpellées sont originaires.
« Guerre Raciale »
Mais Thomas n'est qu'un prétexte. Ces groupes vivent dans l'idée qu'une « guerre raciale » va éclater. Ils ne la redoutent pas, ils l'appellent de leurs voeux et ce sujet est au coeur de leurs discussions dans leurs groupes Telegram (vous pouvez relire ici notre article sur ces groupes Telegram).
Il y a quelques jours, les mêmes militants d'extrême-droite se félicitaient des dégradations commises par leurs homologues irlandais à la suite d'une attaque au couteau.
Déroulé :
Ces méthodes rappellent étrangement celles des ligues d'extrême-droite qui pensaient renverser la République en prenant la rue. Depuis des mois, les groupuscules d'extrême-droite, tendance néo-nazi, battent le pavé. Soit le soir avec des flambeaux, soit pour y tabasser des personnes qu'ils supposent être de gauche ou issus de l'immigration.
La dernière fois que l'État a laissé se développer ce type de ligues, cela a mal fini. Le gouvernement, si prompt à interdire les manifestations, ou à les réprimer avec une extrême violence lorsqu'elles parviennent à se former, fait preuve d'une intrigante tolérance pour ces groupes et ne semble pas enclin à réfléchir aux causes de leur soudain regain de vigueur. C'est pourtant une priorité : comprendre les ressorts qui poussent des jeunes à s'engager dans une telle voie pour lutter contre.
Dédiabolisation ?
Depuis des années, la classe politique pense qu'en s'appropriant les idées ou les propositions de l'extrême-droite, elle assèchera son électorat. C'est faux. Clairement, cela ne fait que banaliser et dédiaboliser cette mouvance politique qui devrait être mise au ban de la société. Ce qu'elle a apporté à l'humanité est en effet insupportable.
L'extrême-droite « vitrine officielle », comme le Rassemblement national devient même fréquentable en dépit de son passé, des SS et autres miliciens qui l'ont créé. Du coup, la presse se ent obligée d'inventer de nouveau termes pour les groupuscules en question : voici l'ultra-droite. Et demain ? L'ultra-giga droite ? Le terreau reste pourtant le même : un fascination pour Hitler et le IIIème Reich, l'antisémitisme et le racisme le plus crasse contre les étrangers, un terme fourre-tout dans lequel ils intègrent évidemment les personnes françaises mais dont les parents ou grands-parents ont immigré en France.
Le rôle de la presse
Par ailleurs, une partie de la presse participe à banaliser les idées d'extrême-droite depuis bien longtemps. CNews en est la partie la plus visible, mais la galaxie de médias déployant une communauté de pensée avec l’extrême-droite est vaste. Nous l'avions en partie abordée dans cet article.
On peut également trouver une forme de « banalisation » de ces mouvements et groupuscules sur des chaînes de télévision qui ne sont a priori pas de ce bord politique. Au delà du mimétisme des plateaux clivants, de la recherche du buzz, comme sur CNews, les chaînes d'info en continu utilisent des mots qui ne sont pas très précis pour décrire les groupes fascistes en question. Ainsi, BFMTV parle de manifestation là où la préfecture de la Drôme parle d'envahissement d'un quartier.
En juillet dernier, le patron de la DGSI, le service de renseignement intérieur français, mettait en garde dans un entretien au Monde la menace terroriste d'extrême-droite. Il décrivait ainsi la mutation de l'ultra-droite : « La banalisation du recours à la violence et la tentation de vouloir imposer ses idées par la crainte ou l’intimidation font courir un grave danger à nos démocraties, dont les deux fondements cardinaux sont la liberté d’expression et le respect des opinions d’autrui, ainsi que le recours au suffrage universel, qui, seul, peut conférer la légitimité à nos gouvernants. La mouvance d’ultradroite, forte d’environ 2 000 personnes, est l’une de celles qui fragilisent ces piliers fondamentaux. Le risque terroriste qu’elle engendre est allé croissant ces dernières années au sein des démocraties occidentales, en France en particulier. »
Visiblement, l'exécutif n'a pas l'air de lire Le Monde ou de prendre ce type d'avertissement au sérieux.