La politique d’avant au secours du monde d’après

Lionel Jospin à Paris et à La Rochelle, partout et en même temps…

Si loin des yeux, mais tellement près des urnes, Monsieur Lionel Jospin est sorti de son long silence pour épauler deux de ses anciens camarades de parti. Pour un peu, ça nous réchaufferait notre petit cœur d’électeur toutes ces histoires de vieux potes…

Un texto bien senti pour la Capitale, et une interview rondement menée à La Rochelle : cela faisait bien longtemps que M. Jospin n’avait pas été aussi disponible pour exprimer ses sentiments personnels face caméra. Ces deux « cartes postales » teintées de franche cordialité furent envoyées simultanément, l’une à Paris à l’adresse de Madame Hidalgo, l’autre à La Rochelle à l’intention de M. Fountaine. Tous deux maires sortants de leur ville respective et également soumis au verdict des prochaines triangulaires.

C’est donc via son compte Twitter que Madame Hidalgo s’est chargée de faire publiquement connaitre les intentions de vote de M. Jospin. Le texte est langoureux dans la forme et sans équivoque sur le fond:

« Chère Anne, je serai absent de la capitale le dimanche 28 juin. J'ai naturellement donné procuration pour voter en faveur de la liste que tu présentes dans mon arrondissement. Tu as mon plein soutien pour cette élection municipale. Amicalement à toi, Lionel Jospin ».

Touchée par l’émotion, la chère Anne a aussitôt répondu au cher Lionel :

« Merci cher Lionel Jospin pour ton soutien fidèle et précieux que tu viens de m'adresser. C'est pour moi un grand honneur »

Alors bien sûr le soutien d’un parti, d’une tête de liste, ou d’un programme fait partie du jeu politique depuis la nuit des temps, mais ces deux bons amis ont-ils vraiment bien perçu l’impact que peuvent avoir les réseaux sociaux sur les mentalités ? Et en avouant aujourd’hui si publiquement les intentions de vote de Monsieur Jospin, Madame Hidalgo a t’elle conscience de le défaire d’un droit constitutionnel, celui de pouvoir et de devoir voter dans le plus grand secret ?

D’autres maires soucieux de faire au mieux pour leur commune ne pourraient-ils pas un jour venir s’exaspérer d’amitiés politiques si ouvertement déclarées. A bien y réfléchir, ce genre de soutien amical ne jouerait-il pas dangereusement avec la notion de conflit d’intérêt ? Un domaine que M. Jospin connait pourtant bien pour avoir lui-même présidé la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, surnommée commission Jospin.

Bref, cette accolade parisienne, là où Lionel Jospin possède sa résidence principale, n’est pourtant rien comparée à l’amicale claque dans le dos qu’il vient de réserver à ce –gaillard si impressionnant- qui n’est autre que le maire sortant de La Rochelle: « Nous sommes devenus amis, avec lui, avec Claire sa femme, une femme précieuse... »

Un en même temps, si dérangeant

Dans l’interview organisée et filmée par l’équipe de campagne de Jean-François Fountaine, M. Jospin ne se présente plus comme un votant, mais comme un voisin en goguette venu souligner les traits de caractère du maire sortant. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, il aura malgré tout tenu à bien préciser :

« J’ai une petite maison dans l’Ile de Ré…. Même si je ne me suis pas confiné dans l’Ile de Ré !!!!»

Il était donc apparemment utile de bien enfoncer ce clou-là, et de rappeler qu’il n’avait pas fait comme tous ces misérables propriétaires venus se réfugier en campagne, chez eux, pour mieux vivre le confinement. Non Monsieur, on ne fait pas ces choses-là chez nous ! Mais on n’hésite pas non plus à rappeler ses affinités avec l’élu local, tout en ponctuant son discours d’une expression devenue célèbre: le fameux "en même temps" breveté par Emmanuel Macron.

La martingale du paradoxe politique tombera deux fois sur le tapis en évoquant les nombreuses qualités du maire sortant:

« Il a une connaissance du monde économique, en même temps, c’est un homme précieux parce qu’il n’a pas les réflexes du patron, mais il a l’engagement du chef d’entreprise… »

« Il a lancé, à partir de rien, jeune ingénieur, une magnifique entreprise qui contribue à la prospérité de cette ville, et puis, en même temps, un homme de gauche… »

Cette inflexion si bien appuyée s’avère assez mal venue quand on sait que 12 des colistiers du maire de La Rochelle sont affiliés au parti présidentiel. Soucieux de se rapprocher de la Liste EELV pour faire une liste commune, M. Foutaine vient en effet tout juste de prendre des distances avec la REM, en réfutant le moindre soutien de ces faux amis qui lui veulent du bien.

Après nous avoir fait part de son vote parisien, M. Jospin s’empresse alors de dévoiler celui qui aurait été le sien, si sa belle adorée d’Ile de Ré, proche voisine du vieux port de La Rochelle, lui avait accordé l’asile municipal :

« Les Rochelais décideront par leur vote, mais je pense qu’ils ont un bon maire ils ont un homme intègre, ils ont un constructeur, ils ont un bâtisseur, ils ont un homme de conviction, je pense, que….ils n’ont pas intérêt à changer ! »

Si ça, ce n’est pas de l’amour…. mais est-ce encore de la politique ? A moins que M. Jospin profite des municipales pour faire la promotion de son prochain livre. Il se dit en effet qu’il conserverait sous le coude un brûlot contre la politique présidentielle. De deux pierres, trois coups, et... en même temps !