Journal d'investigation en ligne
par Jacques Duplessy

L’armée russe ouvre un nouveau front dans la région de Kharkiv

Le manque de munitions est toujours problématique pour Kyiv

Les premiers effets des annonces d'aides pourraient être effectifs en juin. En attendant, Moscou multiplie les actions qui posent des problèmes logistiques et militaires aux Ukrainiens.

Photo d'un soldat ukrainien postée par le président Volodymyr Zelenskyy sur Twitter
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L’armée russe a ouvert un nouveau front dans la région de Kharkiv, profitant d’une fenêtre d’opportunité. Car l’armée ukrainienne manque cruellement d’obus d’artillerie, d’avions et de missiles de défense antiaérienne. L’armée russe a logiquement profité de cette fenêtre avant que l’aide américaine massive n’arrive sur le terrain et rééquilibre quelque peu les forces en présence.

L’objectif de cette offensive vers Kharkiv semble surtout de distraire des forces ukrainiennes du Donbass où l’offensive est maximale. Car le volume des forces russe pour ce nouveau front estimé à 50.000 hommes ne permettra pas de prendre la seconde ville du pays. Mais elle pose à l’état-major ukrainien des dilemmes en termes d’allocation de ressources.

Jusqu’à présent cette offensive a permis à la Russie de conquérir une bande de terre d’une profondeur de 5 à 9 km dans trois direction dans l’oblast de Kharkiv, soit un total de 154 km2. Les villages frontaliers étaient indéfendables, estiment les officiels ukrainiens.

« Environ 16000 civils ont été évacués de la zone des combats depuis le 10 mai, raconte Natalia Kabatsiy, la directrice de l’ONG Ukrainienne Comité d’aide médicale. De nombreux villages sont privés d’électricité. Nous sommes mobilisés pour apporter des générateurs et de l’aide d’urgence. La coordination entre les associations et la cellule de crise des autorités fonctionne bien. »

Des critiques ont émergé sur la lenteur de la construction de nouvelles lignes de défense dans la région de Kharkiv. Certaines entreprises n’auraient pas été payées… Mais un autre problème se fait jour : la lenteur de la mobilisation générale pour épargner les plus jeunes entraîne un manque d’effectif dans les brigades.

Selon une source du ministère de la Défense, l’Ukraine ne pourrait pas honorer l’intégralité du contingent de militaires envoyés en formation en Europe. Autre inquiétude : l’armée russe semble avoir fait des progrès en matière de guerre électronique. Elle aurait réussi au début de son attaque à aveugler l’armée ukrainienne et à couper ses moyens de communication qui repose en partie sur le système satellite Starlink.

Dimanche, l’état-major ukrainien affirmait que l’offensive russe était à l’arrêt : « L'ennemi n'a pas mené d'opérations actives dans la direction de Kharkiv. Les forces de défense déploient un maximum d'efforts pour renforcer leurs positions, reconstituer leurs réserves, effectuer des reconnaissances et garder les actions de l'ennemi sous contrôle. » Mais ces dernières heures, les nouveaux coups de boutoir russes semblent indiquer que le front n’est toujours pas stabilisé… Et le transfert d’unité vers Kharkiv pourrait déstabiliser d’autres segments du front dans le Donbass.

Obus : une course contre la montre

Malgré l’ouverture du front de Kharkiv, l’offensive dans le Donbass, région que la Russie cherche à occuper intégralement, semble en effet culminer.

L’armée russe piétine devant la ville de Chassiv Yar, un des donjons ukrainiens. Malgré quarante jours de bombardements intensifs, elle reste bloquée à la limite orientale de la ville et subit de lourdes pertes.

Après la percée initiale à Ocheretyne, ce sont de nombreuses unités qui sont venues combler la brèche, mais les russes continuent leur grignotage. Les espoirs russes de percée vers la ville de Pokrovsk et de conquête du Donbass semblent évanouis.

En sept mois, date du début de la nouvelle offensive russe, l’armée a conquis 722 km2. L’offensive ukrainienne de l’année dernière avait duré 4 mois et permis de libérer un peu plus de 400 km2. Mais une bonne partie des territoires libérés ont été repris.

La crise des munitions est toujours persistante. Le rapport des feux est toujours de 15 : 1 en faveur de la Russie. La course contre la montre est toujours en cours pour amener les obus vers le front. Le matériel américain ne devrait pas arriver massivement avant la fin juin.

Des questions persistent aussi sur l’envoi des obus de l’initiative tchèque. Le président Petr Pavel a lancé un fond pour l’achat d’un millions d’obus trouvé par ses émissaires dans plusieurs pays. Ils ne semblent visiblement toujours pas livrés…

Mais l’Ukraine continue aussi de frapper la Russie. Depuis plusieurs mois, elle a attaqué 17 raffineries russes avec des drones, parfois à plus de 1.000 km à l’intérieur du territoire russe. Ces attaques auraient entrainées une baisse de la production de carburant de 30% et une chute importante des exportations. En mer Noire, deux navires russes (un dragueur de mines et un navire lance-missile) auraient encore été touchés ces derniers jours. Des aéroports ont également été ciblés grâce à des missiles américains à longue portée entraînant la destruction d’avions russes.

Côté ressources humaines, la nouvelle loi sur la mobilisation commence tout juste à porter des fruits. Elle passe l’âge minimal de la mobilisation de 27 à 25 ans. Quatre brigades d’infanteries sont en cours de création. Mais la finalisation de leur opérationnalité est retardée par le manque de véhicules blindés.

Par ailleurs, le renseignement montre que la Russie amasse des troupes près de l’oblast frontalier de Sumy. L’armée russe pourrait y lancer une nouvelle attaque dans les jours ou semaines qui viennent.

Celles-ci seront toujours difficiles pour l’armée ukrainienne et les populations civiles bombardées quotidiennement. Il est urgent que l’armée ukrainienne reçoive l’aide promise pour reprendre l’initiative sur le terrain.

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