Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

FMI : les projections sont encore plus alarmantes

Il n'y a jamais eu une telle crise économique

Dans son rapport "Perspectives de l'économie mondiale", le Fonds monétaire international revoit ses prévisions d'avril et s'alarme un peu plus. La crise est terrible et ce sont les ménages les plus pauvres qui en souffriront le plus.

Prévisions économiques du FMI pour le monde (Juin 2020) - Copie d'écran

L'introduction du rapport publié le 24 juin par le Fonds est aussi clair que désespérant : « Selon les projections, le PIB mondial devrait se contracter de 4,9 % en 2020, c’est-à-dire de 1,9 points de pourcentage de plus que ce qui était prévu dans les Perspectives de l’économie mondiale (PEM) d’avril 2020. La pandémie de COVID-19 a eu un impact négatif plus important que prévu sur l’activité au cours du premier semestre 2020, et la reprise devrait être plus progressive que ce à quoi on s’attendait. En 2021, la croissance mondiale devrait atteindre 5,4 %. Globalement, le PIB de 2021 devrait donc se retrouver quelque 6½ points de pourcentage au-dessous du niveau envisagé par les projections établies en janvier 2020, avant la pandémie de COVID-19. L’impact négatif sur les ménages à bas revenus est particulièrement sévère, et pourrait compromettre les progrès considérables qui ont été accomplis en matière de réduction de l’extrême pauvreté dans le monde depuis les années 90 ».

Ce qui frappe dans le document de l'institution, c'est que, comme tous les discours politico-économiques liés à cette crise de la part des exécutifs, l'accent est mis sur les solutions budgétaires, sur l'argent magique injecté par les banques centrales. Le FMI rappelle que les pays ont globalement mis en place des aides budgétaires d'un montant de 11.000 milliards de dollars. Une paille. Les ménages font cependant office de grands oubliés. Pour eux, rien. Si. L'habituel ruissellement dont on sait qu'il est un leurre. Le FMI, comme les politiques insistent sur le fait qu'en sauvant les entreprises de la faillite, ils sauvent des emplois, et donc, par rebond, des ménages.

C'est probablement en partie vrai. Mais c'est méconnaître que l'économie est une balance à plateaux multiples. Lorsque l'on ajoute du poids sur un plateau, on ne sait pas très bien quels autres plateaux vont bouger. Par exemple, en sauvant des entreprises qui auraient dû faire faillite, on crée des entreprises zombies. Elles ne survivent que grâce à ces injections, aux taux d'intérêts très bas et risque d'exploser en vol à tout moment en cas de remontée des taux. L'économie de marché qui s'autorégule, les pommes pourries qui font faillite, en prennent un coup (de main invisible).

C'est aussi ne pas tenir compte d'un chiffre important. Comme nous l'écrivions le 20 avril dernier, les ménages comptent pour une forte partie de la croissance du PIB chaque année. En France, la consommation des ménages, c’est à peu près 55% du PIB. Aux États-Unis, 70%. Penser que l'on va sauver l'économie en ne faisant que soutenir les entreprises et les marchés financiers, c'est à la fois méconnaître les règles de macro-économie et préparer la prochaine crise.

Le FMI note d'ailleurs que « l’ampleur de la récente embellie sur les marchés financiers semble décorrélée de l’évolution des perspectives économiques, comme indiqué dans la Mise à jour du Rapport sur la stabilité financière dans le monde (GFSR) ; il est donc possible que les conditions de financement se durcissent davantage que ne l’a prévu le scénario de référence ». Traduisons-les : les taux pourraient remonter avec des effets catastrophiques.

Chute de la croissance

« Le PIB mondial devrait se contracter de 4,9 % en 2020, soit de 1,9 points de pourcentage de plus que prévu dans les PEM d’avril 2020 (tableau 1). Il est à noter que la croissance de la consommation a été révisée à la baisse dans la plupart des pays, en raison de perturbations plus graves que prévu de l’activité économique. La baisse prévue de la consommation privée résulte de la conjonction d’un choc de grande ampleur sur la demande globale, provoqué par la distanciation physique et les mesures de confinement, et d’une augmentation de l’épargne de précaution. Par ailleurs, l’investissement devrait être atone, car, en période de forte incertitude, les entreprises remettent à plus tard leurs dépenses en capital. Les mesures publiques de soutien à l’économie compensent partiellement la baisse de la demande intérieure privée. Dans le scénario de référence, l’activité mondiale devrait atteindre un creux au deuxième trimestre 2020, pour se redresser ensuite. En 2021, la croissance devrait se raffermir pour atteindre 5,4 %, soit 0,4 point de pourcentage de moins que prévu en avril. La consommation devrait augmenter progressivement l’année prochaine et l’investissement devrait également être en hausse, tout en restant à un niveau modéré. Le PIB mondial pour l’ensemble de l’année 2021 devrait à peine dépasser son niveau de 2019. ».

Aux États-Unis, la chute du PIB en 2020 devrait atteindre 8% contre 5,9% annoncée en avril. En zone euro, la baisse attendue est de 10,2% contre 7,5% annoncée en avril.

Tout cela aura des conséquences graves sur les populations. Le Fonds souligne l'étendue des pertes d'emploi :

« La chute brutale de l’activité économique a des effets désastreux sur le marché du travail au niveau mondial. Certains pays, notamment en Europe, ont limité les dégâts en mettant en place des dispositifs de chômage partiel. Il n’en reste pas moins que la baisse du nombre d’heures travaillées au niveau mondial entre le dernier trimestre 2019 et le premier trimestre 2020 équivaut à la disparition de 130 millions d’emplois à plein temps, d’après le Bureau international du travail. Il est probable que la baisse enregistrée au cours du deuxième trimestre 2020 représentera l’équivalent de plus de 300 millions d’emplois à plein temps. ».

L'institution rappelle que durent les crises économiques graves, ce sont les plus faibles qui sont le plus touchés :

« Ces projections font craindre que les conséquences économiques de la pandémie ne frappent de plein fouet les ménages les plus pauvres dans le monde entier, et ne participent à un sérieux creusement des inégalités. La proportion de la population mondiale vivant dans l’extrême pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1,90 dollar par jour, est passée sous la barre des 10 % au cours des dernières années (contre plus de 35 % en 1990). Ces progrès sont menacés par la crise de la COVID-19, à l’heure où plus de 90 % des pays émergents et en développement devraient voir leur revenu par habitant se contracter en 2020. Dans les pays où la part de l’emploi informel est élevée, les mesures de confinement ont soudainement privé d’emploi et de revenus de très nombreux travailleurs, souvent saisonniers, employés loin de chez eux et donc coupés de réseaux de soutien habituels. En outre, au vu des nombreuses fermetures d’écoles dans environ 150 pays à la fin mai, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture estime que près de 1,2 milliard d’écoliers (environ 70 % du total mondial) ont été touchés. Les élèves auront donc beaucoup moins appris que d’ordinaire, ce qui nuira de manière disproportionnée aux perspectives économiques des enfants des pays à faible revenu ».

Bienvenue dans le monde d'après...

1 Commentaire
Une info, un document ? Contactez-nous de façon sécurisée