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par Rédaction

Détournement de fonds, prise illégale d'intérêt : le sénateur Grosdidier mis en examen

Une vieille affaire

Chez Reflets, on aime bien suivre nos dossiers. Et il se trouve que la Justice a elle aussi de la suite dans les idées, car elle vient de réveiller une vieille affaire dormant sous une pile "en instance" à la Cour d'Appel.

François Grosdidier - D.R.

Elle concerne le sénateur Les Républicains de Moselle, François Grosdidier. Vous savez, Grosdidier est membre de la commission parlementaire sur l'affaire Benalla, c'est l'homme qui s'indigne sur les plateaux télé en dénonçant les mensonges de l'ex-garde du corps de Macron.

Pour l'affaire Grosdidier, il s'agit d'une vilaine histoire de gros sous tirés de sa réserve parlementaire, qu'on vous racontait ici même en septembre 2017. L'actualité, c'est qu'après avoir échappé par quatre fois aux poursuites, le sénateur mosellan va être mis en examen et devra répondre des faits de prise illégale d'intérêt et détournement de fonds publics. Interrogé par nos confrères de l'Est Républicain, François Grosdidier s'est déclaré "d'une totale bonne foi".

Mais examinons de plus près ce qui lui est reproché. François Grosdidier, lorsqu'il était député, s'est servi de sa réserve parlementaire, en 2009 et 2011, pour financer l'association Valeur Écologie, présidée par un certain Grosdidier François. Montant total : 160.000 euros, mais la Justice ne retient que 60.000 euros, le reste étant prescrit. L'importance de la somme a beaucoup étonné les électeurs de Moselle et a poussé l'association Anticor à porter plainte.

L'association anticorruption n'en démord pas, un député ne peut pas faire verser l'argent de sa réserve parlementaire à une association qu'il préside. Elle suspectait que l'association Valeur Écologie n'avait qu'un seul rôle, servir la promotion personnelle de l'élu. Lors de ses campagnes pour les élections cantonales de mars 2011 et les sénatoriales de septembre 2011, cet argent aurait permis de rémunérer des collaborateurs qui l'assistaient dans son travail parlementaire. Oh, le vilain soupçon ! On ne touche pas comme ça à un baron local aux engagements politiques aussi fervents (Chiraco-Juppéiste à tendance Macrono-compatible). Alors pour savoir s'il convenait de poursuivre ou non M. Grosdidier, la Justice a tergiversé pendant 6 ans et demi.

Ce qui est intéressant dans cette histoire, c'est la stratégie de défense adoptée par François Grosdidier. Elle repose sur deux points :

1/ faire traîner la procédure,

2/ dire que tout ça était normal à l'époque, tout en présentant des pièces justificatives qui ont fait rire aux éclats ses opposants. Sur le point n°1, c'est vrai, l'élu a remporté pas mal de succès. Entre la première plainte, déposée en novembre 2012 par Philippe Mousnier, adversaire malheureux de Grosdidier aux élections cantonales de 2011 et l'arrêt de la Cour d'Appel de Nancy du 9 février 2019, cette affaire aura failli se perdre dans le dédale de la Justice :

  • le 21 juin 2013, ouverture d'une information judiciaire à Metz contre X,

  • le 18 mai 2016, une ordonnance de non-lieu est rendue par le juge d'instruction de Metz,

  • le 22 juin 2017, confirmation du non-lieu par la Cour d'Appel de Nancy,

  • le 27 juin 2018, la Cour de Cassation, à Paris, n'est pas d'accord et renvoie les parties devant la cour d'Appel de Nancy,

  • le 7 février 2019, la Cour d'Appel de Nancy demande de prononcer la mise en examen de François Grosdidier et renvoie la procédure devant un juge d'instruction.

Voilà qui ne devrait pas faire rire François Grosdidier, lui qui pourtant ne manquait pas d'humour en février 2013. Deux jours après le dépôt de plainte d'Anticor, il régularisait les statuts de Valeur Écologie en usant de facultés de clairvoyance exceptionnelles. Il produisait un procès-verbal d'assemblée générale, daté du 9 novembre 2010 dans lequel il prévoyait -avant même d'être élu- le transfert du siège de son association dans les locaux du Sénat. C'est normal de croire en son étoile quand on est candidat à une élection. Et tout aussi naturel de prévoir de loger son association dans les locaux de la Haute-Assemblée. Mais là, François Grosdidier est un véritable devin : un an avant son élection, il donnait déjà le numéro de son futur bureau au Sénat ! De quoi mettre la sincérité de ce document sérieusement en doute...

Petit détail piquant, pour mener des investigations complémentaires, la Cour d'Appel de Nancy a désigné une juge d'instruction du Tribunal de Grande Instance d'Épinal. La ville est située à 130 km de Metz, soit une bonne heure et demie de voiture. Un peu de distance permet d'avoir un regard plus clair sur le marigot local, ont sans doute estimé les juges parisiens. La réponse judiciaire promet d'être passionnante. A suivre donc !

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