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Dossier
par Antoine Champagne - kitetoa

Coronavirus : une crise en deux temps ?

Sanitaire, puis financière...

C'est logique, tous les regards sont actuellement tournés vers la crise sanitaire à laquelle le monde doit faire face. Mais lorsque celle-ci sera derrière nous, il faudra faire face aux effets de la crise financière qui s'annonce.

Le Dow Jones sur 5 jours. - Copie d'écran

Seule certitude à ce stade, les marchés financiers dans leur ensemble se sont écroulés. Pas un peu. Beaucoup. Vont-ils repartir à la hausse dès que le nombre de malades baissera ? Peut-être. Rattraperont-ils leurs pertes ? Qui sait ? L'incertitude est la seule certitude. Vous pouvez aligner toutes les intelligences artificielles, tous les réseaux de neurones, faire tourner tous les modèles que vous voulez, il va être très difficile, et sans doute impossible de prévoir la profondeur de la crise qui s'annonce. Bien malin qui pourrait savoir quelle sera la baisse de chiffre d'affaires des entreprises à l'échelle de la planète alors que les économies de plusieurs pays à fort PIB se mettent à l'arrêt un domino après l'autre. Combien d'entreprises passeront le cap ? Combien de particuliers seront encore plus précarisés ? Cesseront de consommer pour une période plus ou moins longue après la remise en route du système, par manque de ressources ? Bref, une récession est quasi certaine. De quelle ampleur ? Mystère.

Et tout ça à cause d'un virus ? Pas uniquement. Les marchés actions et obligataires sont surévalués depuis des années. En inondant le secteur de la finance d'argent gratuit pour le sauver d'une catastrophe qu'il avait lui-même produite, les banques centrales ont créé une nouvelle bulle. Et les bulles finissent toujours par exploser. Souvent parce qu'un acteur verbalise ce que tout le monde sait mais garde pour soi : "la hausse actuelle est artificielle et les arbres ne montent pas au ciel". Parfois en raison d'un élément extérieur, d'un petit agent du chaos. C'est le cas cette fois avec le Coronavirus. Les acteurs sur les marchés ont vite compris que ce virus allait paralyser l'activité économique. Le traitement de la crise en Chine l'a montré. Pour mettre un terme à la progression du virus, il faut tout arrêter, confiner tout le monde. Et ça, les marchés n'aiment pas. D'où la méta-chute lorsqu'il a été clair pour tout le monde que les frontières n'arrêtent pas les virus...

Vendredi la bourse américaine a repris 9,1% après les déclarations martiales de Donald Trump. Mais comment vont réagir les investisseurs lundi à la mise à l'arrêt de l'économie de pays comme la France, l'Espagne, Israël, on en passe ? Mal probablement.

Pour régler une crise, il faut des armes et cette fois, il n'y en a pas

Le niveau d'endettement des entreprises est particulièrement élevé. Les banques centrales n'ont plus de munitions ou presque. Les taux sont proches de zéro, parfois négatifs. Le quantitative easing (arrosage des marchés avec des liquidités quasi gratuites) est continu depuis 2008.

Dans ce genre de situations, la presse s'arrête souvent à l'écume. Elle titrera toute guillerette sur la reprise de 9% de vendredi. Mais passera sous silence l'échec cuisant de la tentative de la Fed de reprendre la main.

Le bazooka utilisé par la Fed la semaine dernière s'est révélé être un pistolet à bouchon. La banque centrale américaine a annoncé des facilités à hauteur de 1.500 milliard de dollars. Effet sur le marché des actions ? Cinq minutes de répit. Sur celui des obligations ? Environ deux heures.

Effet du pistolet à bouchon de la Fed - Phoenix Capital - Zerohedge
Effet du pistolet à bouchon de la Fed - Phoenix Capital - Zerohedge

Les investisseurs tablent sur des annonces fortes de la Fed la semaine prochaine (nouvelle baisse des taux, QE...). Cela suffira-t-il à contrer les effets des mises à l'arrêt complet de plusieurs pays européens ? Pas certain. La journée de demain sera décisive. D'autant qu'à un problème de volatilité, on assiste à un grave problème de liquidité sur les différents marchés.

Cette incapacité des banques centrales à calmer les marchés avec des annonces d'argent gratuit n'est pas nouvelle. Les volumes échangés, l'interconnexion des marchés, leur multiplicité ont modifié la donne depuis longtemps. Lors des deux dernières crises, on avait déjà pu observer des effets pistolet à bouchon.

Reste que, si actuellement tout le monde se couvre le visage de cendres, se flagelle et s'attend au pire, sur le long terme, les marchés financiers se portent bien, merci pour eux. Observez l'évolution des indices SP 500 et DJI depuis 1980 :

Évolution du SP 500 depuis 1980
Évolution du SP 500 depuis 1980

Évolution du DJI depuis 1980
Évolution du DJI depuis 1980

En dépit de leur incapacité à freiner les chutes massives, les banques centrales et les gouvernements ont de quoi exciter les investisseurs sur le long terme. A force d'annoncer des pluies infinies d'argent gratuit, les investisseurs retrouvent le sourire au fur et à mesure que les caisses se remplissent à nouveau. In fine, les annonces sur le mode "whatever it takes" entendues à Berlin, Whashington, Paris... auront l'effet voulu. Il faudra du temps pour que les marchés repartent dans un autre processus de bulle. Mais cela viendra.

En attendant, certains ne sont pas très optimistes, comme Albert Edwards de la Société Générale : "The toxic fallout from the coronavirus pandemic’s bursting of the Fed’s ‘everything bubble’ has collided with the grotesquely over-leveraged and vulnerable U.S. corporate sector -- this puts equity markets in an even more vulnerable position. With an anomalously low testing rate the U.S. will as a consequence suffer a high headline death rate, although the true death rate will be no worse than elsewhere. The big death rate headlines will likely hit consumer confidence very hard indeed and deepen an already likely deep recession and equity market collapse, potentially causing a significant backlash against the current U.S. administration. These are dangerous times indeed."

Des temps dangereux... Un euphémisme. Ça risque de secouer un peu dans les mois à venir.

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