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Édito
par Jacques Duplessy

CFDT soulève toi !

De renoncements en abandons, ainsi vogue le syndicat

La base suivra-t-elle Laurent Berger ? De renoncement en empapaoutages du gouvernement, le patron de la CFDT se coupe-t-il des salariés ?

CFDT

La CFDT a imprimé un tract : « La CFDT a obtenu le retrait de l’âge pivot. Victoire ! » Mais cette victoire est une humiliation. Le retrait de l’âge pivot est « provisoire » selon les mots mêmes du Premier ministre. Car le principe d’une réforme à but financier est acté. Une conférence sur le financement du système de retraite s’ouvrira fin janvier. Le Premier ministre a assorti sa « concession » d'une obligation de résultat pour les partenaires sociaux, faute de quoi l'âge pivot serait réintroduit et mis en place.

Dans sa lettre de mission, le Premier ministre indique que les moyens choisis ne pourront aboutir ni à une baisse des pensions, ni à une hausse du coût du travail. La CFDT devra donc aller à la négociation le couteau sous la gorge. La CFDT n’a rien obtenu. Il est écrit que la CFDT boira le calice jusqu'à la lie. Comme l’a écrit écrit une personne sur les réseaux sociaux jamais avares de méchanceté ou de lucidité, au choix, « Le jour où Macron réintroduira l’esclavage, Laurent Berger négociera le poids des chaînes  ». 

Dans une interview accordée à Reflets, Laurent Berger revendiquait pourtant une posture intéressante : « Nous avons toujours pensé que nous avions le droit d’intervenir sur d’autres sujets que ceux du travail, par exemple comme dans la tribune sur le Pacte du pouvoir vivre ou dans celle sur les migrants. » Le problème est que ce n’est qu’une posture.

Un cadre de la CFDT confiait en off il y a quelques jour : « La véritable question est : peut-on faire confiance à ce gouvernement ? » Elle reconnaissait que la CFDT s’était faite avoir sur la réforme de l’assurance chômage, très défavorable aux précaires. A Reflets, Laurent Berger parlait d’un « raté », d’un « mépris » des organisations syndicales. Il concluait par un fataliste : « On l’a dit » au gouvernement. On a envie de lui dire : « Mais Laurent, réveille-toi, le gouvernement s’en fout ! »

Même échec sur la pénibilité au travail. Le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), pour lequel la CFDT a longuement combattu, a été rayé d’un coup de plume par une ordonnance Macron. Quatre critères de pénibilité et le mot pénibilité lui-même, ce qui n’est pas anodin, ont été supprimés. Là encore, la CFDT a encaissé sans broncher. Pas mieux pour l’hôpital qui se meurt. Les plans successifs de la ministre de la Santé ne répondent pas à la situation dramatique. Et la CFDT grogne mais ne mord pas. Alors, aidons cette cadre de la CFDT à répondre à son -léger- tiraillement intérieur : « Peut-on encore faire confiance à ce gouvernement ? » La réponse est non.

Un autre constat interroge, c’est l’endogamie entre la CFDT et l’Elysée. Philippe Grangeon, ancien conseiller de Nicole Notat, est membre fondateur d’En Marche et aujourd’hui conseiller à l’Elysée. Marie Poissonnier, secrétaire confédérale en charge des discours et de la prospective auprès de Laurent Berger d’octobre 2014 à janvier 2017 est passée directement chez… En Marche, comme plume « chargée des discours de meeting et des interventions adressées aux publics spécialisés ». Deux experts économiques proches de Macron, Jean Pisani-Ferry et Philippe Aghion, vont conseiller l'organisation syndicale, selon une enquête du Monde. Tout ceci explique peut-être un peu les renoncements de la CFDT.

Jusqu’où ira le syndicat réformiste dans l’abandon des travailleurs qu’il est censé défendre ? La réponse viendra peut-être des militants. Car à la base, ça tangue et ça doute. CFDT soulève toi ! Le berger conduit le troupeau à l’abattoir.

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