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par Antoine Champagne - kitetoa

Castaner-Nuñez, les Pasqua-Pandraud d'Emmanuel Macron

Ce gouvernement ni de droite ni de gauche est en fait aussi à droite que Charles Pasqua

En matière de "maintien de l'ordre", le gouvernement actuel n'a rien à envier à Charles Pasqua et à son factotum Robert Pandraud. Il a même réactivé les voltigeurs, dissous après la mort de Malik Oussekine.

Plaque commémorative rue Monsieur-le-Prince - https://commons.wikimedia.org/wiki/User:LPLT - CC BY-SA 3.0

Pour les plus vieux d'entre nous, la situation actuelle fait remonter des souvenirs. Le 6 décembre 1986, Malik Oussekine, étudiant franco-algérien de l’École supérieure des professions immobilières, qui sort d'une boite de jazz est pris en chasse par les "voltigeurs". Ce corps de police est constitué d'équipes de deux policiers. L'un conduit, l'autre est armé d'un "bidule", une longue matraque. Malik Oussekine, qui n'a rien a voir avec les événements de l'époque (occupation des facs et manifs contre la loi Devaquet), se réfugie dans un hall d'immeuble. Un fonctionnaire des finances le laisse entrer. Mais les policiers le suivent et le tabassent. Malik Oussekine souffrait d'une insuffisance rénale. Ce qui fait dire à l'époque à Robert Pandraud : « La mort d'un jeune homme est toujours regrettable, mais je suis père de famille, et si j'avais un fils sous dialyse je l'empêcherais de faire le con dans la nuit. […] Ce n'était pas le héros des étudiants français qu'on a dit ». A la suite de cette bavure policière, le bataillon des voltigeurs est démantelé. Pourtant, à l'occasion des manifestations des gilets jaunes, le gouvernement en place a réintroduit des voltigeurs dans Paris. Cette fois, les policiers ne sont plus armés du fameux "bidule", mais de tireurs de balles de défense, les LBD 40.

Charles Pasqua et Robert Pandraud ont longtemps incarné ce que la droite de gouvernement pouvait générer de pire. Mêlé à de nombreuses affaires politico-financières, homme de réseaux et de l'ombre du RPR, ancien vice-président du Service d'action civique (SAC), Charles Pasqua avait la parole libre. On retiendra deux déclarations emblématiques : « le FN se réclame des mêmes préoccupations, des mêmes valeurs que la majorité » (NDLR : le RPR) et « la démocratie s'arrête là où commence l'intérêt de l'État ».

Castaner-Nunez : les conditions du chaos

La stratégie déployée par le tandem Castaner-Nuñez ressemble à s'y méprendre à celle de Charles Pasqua qui voulait par exemple « terroriser les terroristes ». L'idée est bien de terroriser les gilets jaunes. A tort ou à raison, le gouvernement déploie une force démesurée face aux gilets jaunes depuis le 1er décembre et n'hésite pas à faire de la surenchère dans le discours allant jusqu'à expliquer publiquement que des gens « viennent pour tuer » dans les manifestations.

Or, présent depuis le 8 décembre au cœur de toutes les manifestations, Reflets n'a pu constater qu'une chose : les tensions n'interviennent que lorsque les forces de l'ordre déploient des nasses. Et la réponse des forces de l'ordre est toujours disproportionnée.

L'usage des LBD a été massif alors que rien ne le justifiait. L'exécutif et une partie des forces de l'ordre indiquent que cette arme qualifiée d'intermédiaire (mais de « moins létale » par son fabricant) évite l'usage des armes de poing tirant des balles perforantes. C'est faux. Et si cela était vrai, on se demande bien comment faisaient les forces de l'ordre, avant d'être dotées de cet outil, pour maintenir l'ordre...

Prenons un exemple concret. Samedi 26 janvier, des heurts ont lieu sur la place de la Bastille. Quelques manifestants ont déclenché des troubles à l'angle de la rue Saint-Antoine. En quelques instants, à coups de canon à eau et de gaz lacrymogène, les fauteurs de trouble ont quitté leur position. Plus tard, alors qu'au moins un millier de manifestants se sont regroupés sur la place de la République, deux départs de feu interviennent. Quelques instants après, un nuage de gaz lacrymogène recouvre la place qui est instantanément vidée. Il est donc possible de disperser une foule de près de mille personnes en quelques minutes, sans tirer une seule balle de LBD. Il n'est pas question de nier les jets de projectiles sur les forces de l'ordre (souvent des bouteilles, parfois des cailloux, plus rarement des pavés), mais ces situations peuvent être aisément réglées avec des canons à eau ou des gaz lacrymogènes. Par ailleurs, lorsque la présence des forces de l'ordre est volontairement discrète, notamment sur les parcours des manifestations déclarées en préfectures, on ne constate quasiment aucun dérapage. Que se passerait-il si les forces de l'ordre ne nassaient pas systématiquement les fin de parcours ?

Depuis le 8 décembre, nous n'avons jamais pu constater une situation qui n'aurait pu être réglée sans tirs de LBD. Le choix de cette arme, réaffirmé sans relâche par l'exécutif et notamment le tandem Castaner-Nuñez, est un choix délibéré. Après 160 blessures à la tête, il aura fallu un tir dans l'oeil de l'une des figures du mouvement des gilets jaunes pour que l'exécutif semble s'intéresser à un blessé.

Enfin, il y a un point qui est rarement abordé. Si les manifestants et la presse mettent en cause les tireurs qui visent la tête avec leurs LBD munis de viseurs holographiques EOTech, les véritables responsables sont rarement mis en cause. Pour Paris, le préfet autorise son usage, et il tient cette autorisation du ministère. Ce sont les hommes qui "jouent au Risk" -selon les termes d'un policier croisé samedi 26 janvier - depuis la salle de contrôle qui sont à blâmer. Ils distribuent les ordres à des groupes de policiers qui n'ont aucune vision globale de l'ensemble.

Encore une fois, à une crise politique profonde, la réponse doit être politique. Une répression aveugle que n'aurait pas reniée Charles Pasqua n'arrangera rien, bien au contraire, la violence engendrant la violence. L'agitation du pouvoir après la blessure de Jérôme Rodrigues montre d'ailleurs qu'il craint soudain une radicalisation de la contestation. Un peu comme si les blessés précédents ne comptaient pas à ses yeux.

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