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Dossier
par Unañ Yann, Antoine Champagne - kitetoa

Avisa Partners : pas en capacité de publier des articles de lobbying… ou presque

Elle nie auprès de Mediapart, mais ses dirigeants se vantent ailleurs de pouvoir le faire

Nous avons mis la main sur deux documents démontrant qu'Avisa Partners a bien les capacités nécessaires pour créer et publier des milliers d'articles de lobbying. Contrairement à ce qu'elle a répondu à Mediapart. Dans cette offre commerciale, l'entreprise détaille sa force de frappe de plusieurs centaines d'experts capables de produire plus de 1000 articles par mois dans des centaines de médias.

Extrait d'un powerpoint d'Avisa Partner pour son offre de service à un think tank - Copie d'écran

Questionnée par Mediapart sur leur opération d’« intox », Avisa Partners a tenté de minimiser cette activité. « Les activités d’influence digitale, qui sont l’objet de vos questions, représentent moins de 2 % de notre activité (5 salariés sur les 250 que compte le groupe) », promet Avisa Partners à Mediapart. Un équivalent de « on le fait, mais pas beaucoup » qui sent bon l’euphémisation.

Avisa Partners tente de faire croire à Mediapart que l’entreprise est au mieux un modeste joueur amateur mais se vante pourtant par ailleurs auprès de potentiels clients, de pouvoir publier des centaines, des milliers d’articles en quelques semaines et dans toutes les langues.

Dans un document confidentiel reçu par le think-tank « The Institute for Statecraft » et que Reflets.info a pu consulter, Avisa Partners écrit : « Rien que le mois dernier, nous avons publié plus de 1.000 articles, des mémoires ou des articles d'opinion en ligne ».

Ce document de prospection, pour obtenir un contrat, n’est pas directement signé par Avisa Partners mais on y retrouve quelques noms familiers dans « l’équipe ». Matthieu Creux, président d’Avisa Partners ; Arnaud Dassier, ; Samuel Dralet, président de Lexfo, la filiale en cybersécurité d’Avisa ; Jacques Lafitte, fondateur du bureau bruxellois de l’entreprise ; Antoine Violet-Surcouf, Directeur exécutif et associé d’Avisa ; François-Charles Timmerman, chef d’unité diplomatie d’affaires et associé... d’Avisa Partners.

Six, c’est déjà plus que les « cinq salariés sur 250 », comme annoncé à Mediapart. Tous sont directement liés à Avisa Partners. Ils précisent : « Au total, nous comptons 75 collaborateurs de 16 nationalités différentes qui parlent plus d'une dizaine de langues ». Ces 2 % vont finir par rappeler les fameux 10 d’Amesys.

Déjà-vu

Les partners et fondateurs d’Avisa, dans leur proposition de prestation décrivent une infrastructure qui ressemble quand même à s’y méprendre à celle racontée par Fakir et Mediapart : « Nous fonctionnons comme une salle de presse internationale. Rien que le mois dernier, nous avons publié plus de 1.000 articles, brèves ou textes d'opinion en ligne. Depuis 2011, nous avons construit un vaste réseau de centaines d'experts tiers et la capacité de publier sur plusieurs centaines de sites d'information, d'opinion et d'analyse indépendants de haute qualité, ce qui nous confère la capacité unique de faire entendre la voix de nos clients en anglais, en français et en espagnol. Nous avons le savoir-faire nécessaire pour ouvrir de nouvelles langues et de nouveaux pays, avec la capacité de fonctionner à plein régime en quelques mois selon le marché. Plus important encore, notre capacité à publier des articles dans des centaines de médias crédibles signifie que toute campagne que nous entreprenons aura beaucoup plus d'influence que le contenu publié uniquement sur les médias d'État RT et Sputnik, et leurs quelques alliés locaux ».

Avisa explique sans rire à Mediapart : « Avisa Partners ne dispose pas d’équipes de production éditoriale et ne s’occupe pas des publications en ligne […] Les “supérieurs” hiérarchiques de ce rédacteur ne peuvent donc pas être des collaborateurs d’Avisa Partners. Nous ne pouvons donc pas commenter ces éléments. [...] En tout état de cause, nous n’avons pas de blog sur le Club de Mediapart, et il n’est pas réaliste d’imaginer que 200 contributeurs du Club seraient pilotés par Avisa Partners. » Mais dans leur proposition de contre-influence contre la Russie, les partners d’Avisa annoncent fièrement que « nos consultants supervisent un vaste réseau de plusieurs centaines de rédacteurs spécialisés dans de nombreux secteurs (affaires, économie, affaires étrangères, politique publique, etc.), qui publient sur plusieurs centaines de sites de médias en ligne dans chacune de nos principales langues opérationnelles (anglais, français, espagnol et chinois). » Qui dit vrai ? Avisa qui parle à Mediapart ou Avisa qui fait une proposition commerciale ? On vous laisse deviner.

Extrait de la présentation d'Avisa Partners - Copie d'écran
Extrait de la présentation d'Avisa Partners - Copie d'écran

Toute cette infrastructure de production de papiers visant à «  générer des clics et des partages sur les réseaux sociaux » a un coût, mais elle est très réactive : « À partir du moment où nous sommes briefés, nous sommes en mesure de publier nos premiers articles dans un délai de 1 à 5 jours ouvrables, en fonction de la réactivité des médias ». Le budget mensuel par langue, payable en honoraires est fixé par les partners d’Avisa à 20.000 euros hors TVA pour une activité de « faible intensité » et de 40.000 pour une activité de « haute intensité ». De quoi fabriquer un petit 2 % de chiffre d'affaires. Ou plus. Si affinités.

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