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par Gaël Dahnal

Terres de Gandhaäl (8) – Livre 1 : « Fondations »

La salle en forme de croix, aux imposantes dalles de pierres constellées de reflets gris-bleutés était une merveille d’architecture et de décoration. Des guirlandes de lierre chargées de fleurs aux pétales coniques d’un blanc virginal s’entrecroisaient au plafond, toile végétale arachnéenne surplombant la foule bavarde et joyeuse.

La salle en forme de croix, aux imposantes dalles de pierres constellées de reflets gris-bleutés était une merveille d’architecture et de décoration. Des guirlandes de lierre chargées de fleurs aux pétales coniques d’un blanc virginal s’entrecroisaient au plafond, toile végétale arachnéenne surplombant la foule bavarde et joyeuse. Appuyés contre les murs, ou bien aux détours d’une colonne de marbre bleu, des statues de quartz grandeur nature aux corps d’animaux forestiers et aux visages humains semblaient contempler les convives, un sourire malicieux aux coins des lèvres. Chaque branche de la croix que formait la pièce était occupée par des amuseurs aux costumes bariolés; jongleurs, mimes, équilibristes, acrobates et même un cracheur de feu, effectuant mille prouesses au rythme de la musique entraînante que jouaient une troupe de sept musiciens placée au centre de la salle.

Une centaine de personnes, hommes, femmes, enfants, dansaient, mangeaient, buvaient, riaient dans une joyeuse anarchie. De grandes tables de bois avaient été disposées un peu partout contre les murs, chargées de fruits, de carafes de vins aux couleurs chatoyantes, de mets aux senteurs épicées. Méliades et Sylphide s’empressaient de servir chaque convive qui en faisait la demande, glissant d’une table à une autre dans une danse légère et gracieuse. Les deux guerriers, à peine arrivés et pénétrés par l’ambiance festive du lieu furent immédiatement interpellés par les membres composant l’assemblée, chacun voulant savoir d’où ils venaient, ce qu’ils venaient faire à trois sources, ce qu’il se passait ailleurs… Doldiën paraissait amusé de la situation embarrassante dans laquelle se trouvait les deux hommes; il s’était écarté et parlait avec quelqu’un dont seule l’ombre était visible, dissimulé par un pilier ornemental. Mortesse couvrait par instants la musique de son rire imposant lorsqu’une question innocente ou naïve lui était adressée. Mais le navigateur tout en répondant et blaguant ne pouvait s’empêcher de suivre du regard la silhouette élancée de Méliades. Ses yeux étaient brillants, une flamme de désir incontrôlable embrasait son corps et son âme. La jeune femme lui avait souri alors qu’elle servait du vin au petit cercle de personnes les entourant, et le grand gaillard avait été troublé au point qu’il n’avait pu continuer de parler, bafouillant une réponse incompréhensible à l’auditoire pendu à ses lèvres.

Seghuenor, lui, paraissait songeur. Quelque chose d’imperceptible le déroutait, il y avait en lui des sensation diffuses qu’il ne pouvait chasser. Une impression d’irréel s’était inscrite dans son esprit et son regard n’était pas celui qu’il pouvait avoir en temps normal. La fête était pour lui comme un songe, une illusion dans laquelle il aurait été plongé et qui pourrait disparaître à tout moment. Bien que s’évertuant à faire l’effort de s’intéresser à la fête, le guerrier ne parvenait pas à se détacher de ce sentiment étrange et perturbant. Les vêtements des convives l’avaient surpris de prime abord par leurs couleurs vives, presque criardes. Les tissus n’étaient pas de ceux qu’il connaissait, les chevelures des femmes étaient brillantes et scintillaient sous les rayons colorés des cascades de lumière filtrées par la toile de lierre, et le seigneur de Shaleenmar se sentait peu à peu envahi par un malaise fait d’incompréhension et d’inquiétude. Il se décida à quitter le petit groupe avec lequel il conversait et chercha Jalïn Doldiën du regard. Le maître de trois sources conversait toujours avec l’ombre dissimulée derrière le pilier.

Seghuenor s’avança d’un pas décidé, contourna son hôte et resta pétrifié à la vue de son interlocuteur. Un chat ! Ce fut la dernière image qu'il garda de la scène. un chat se tenant comme l'aurait fait un homme, vêtu de pantalons, une fine épée à la ceinture et parlant nonchalamment au maître de trois sources. La fête se dissipait peu à peu comme un tableau dont la peinture se serait liquéfiée sous l'effet d'une main maniant l'éponge. Les clameurs s'estompèrent. Une brume grise envahit l'espace, et Seghuenor sentit tout son corps changer de consistance, puis la fatigue survint comme après un effort intense. Le seigneur de Shaleenmär perdit connaissance en quelques secondes, luttant en vain contre une force inconnue.

* * *

La voix était une litanie monocorde. Elle revenait avec une insistance péremptoire, secouait la conscience de Seghuenor et finit par l'amener à ouvrir les yeux, puis à reprendre totalement ses esprits.

— Tu te réveilles, tu es rentré chez toi, tu te réveilles, tu es rentré chez toi, doucement, tu te réveilles, tu es rentré chez toi... Ses yeux s'entrouvirent, ses narines frémirent, il se redressa, et dévisagea l'homme dont la voix l'avait sorti de l'inconscience. La peau noire, les cheveux ras et crépus, cette machoire large et ce sourire si familier : Dinän! Son ami d'enfance, grand voyageur, conseiller secret. Le sage Dinän, l'érudit le plus célèbre de la cité des mille marchés ! Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose : il était de retour à Shaleenmär !

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