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par drapher

Individualisme, solidarité, société de consommation et loi El Khomri

Et oui, et oui… Ceci est la ministre du travail en pleine action. Pour écrire à la ministre, c'est ici : http://travail-emploi.gouv.fr/ministere/article/ecrire-a-la-ministre   L’unanimité, à gauche — et peut être au delà — contre le projet de réforme du code du travail est symptomatique d’un mal français : le clivage. Ce trouble psychiatrique permet à un individu de vivre avec deux personnalités bien distinctes qui ne se rencontrent pas, et qui souvent sont parfaitement antinomiques.

ministre-travail-myriam-el-khomri-saint-ouen-5-novembre-2015
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Et oui, et oui… Ceci est la ministre du travail en pleine action. Pour écrire à la ministre, c'est ici : http://travail-emploi.gouv.fr/ministere/article/ecrire-a-la-ministre

 

L’unanimité, à gauche — et peut être au delà — contre le projet de réforme du code du travail est symptomatique d’un mal français : le clivage. Ce trouble psychiatrique permet à un individu de vivre avec deux personnalités bien distinctes qui ne se rencontrent pas, et qui souvent sont parfaitement antinomiques. Que se passe-t-il quand une population dans son ensemble est atteinte de ce mal ?

30 ans d’individualisme forcené

Observer le projet de la ministre du travail en prenant un peu de recul historique avec la société française, offre une perspective différente que celle qui prévaut, basée sur une indignation de l'instant face à un recul des droits du travail. Réalité : depuis trois décennies, le projet français, partagé par le plus grand nombre, adopté dans les modes de vies et l’éducation des enfants est celui de l’individualisme. Réussite individuelle, sacralisation de l’individu-roi, liberté par l’individualisme, conquêtes et avancées par les individus seuls, consommation individuelle en croissance perpétuelle, etc…

Le modèle social que la France a voulu, désiré, activé et plébiscité est celui du capitalisme libéral et de l’émancipation des individus par la réussite socio-économique individuelle matérialiste basée sur la compétition et la productivité personnelle. La ruée vers les centres commerciaux, la consommation massive de produits de loisirs et de distractions, l’aspiration générale à une élévation du confort matériel personnel sont les principales valeurs communes qui relient les habitants de l’hexagone. Ce modèle de société, calqué sur celui des Etats-Unis a été promu par les élites et fortement appelé de leurs vœux par les individus, tout en refusant de lâcher les anciennes valeurs accolée à l’ancien système, bien plus collectif, voire collectiviste. Le beurre et l’argent du beurre, pourraient dire certains, qui militent depuis longtemps pour que le choix de l’individualisme soit plein et entier et mène à l’abandon des fondamentaux français de protections sociales par une répartition des richesses plus ou moins bien orchestrée.

Le clivage

Une grande partie de la population française estime que la protection sociale ne doit pas être touchée, que les fondamentaux issus du C.N.R (Conseil national de la résistance : sécurité sociale, retraite, rétablissement de la semaine de 40 heures, etc…) ne doivent pas être abolis. Dans le même temps, tous ces Français n’ont absolument aucun désir de partager quoi que ce soit collectivement ou de modifier leur fonctionnement de type individualiste. De façon synthétique, cette mentalité pourrait être résumée par « Laissez-moi tranquille, laissez-moi agir en parfait égoïste, sans me préoccuper des autres, mais conservez-moi tous les avantages que le partage collectif offre. Donnez-moi de la solidarité, tout en me permettant de vivre en parfait égoïste… »

Ne pas vouloir être engagé collectivement toute en voulant bénéficier du collectif. Surconsommer tout en se plaignant du manque de moyens financiers personnels. Plébisciter les structures économiques les plus oppressives et se plaindre de l’oppression qu’elles exercent. Hurler sur les prélèvements étatiques tout en hurlant sur la baisse des services de l’Etat. Vouloir de la qualité tout en payant de moins en moins cher…

Dans l'hypermarché hexagonal, personne ne vous entend crier

Cette réforme du code du travail a une vertu. Celle de mettre une grande partie des Français devant un fait accompli. Celui d’une parfaite ambivalence et d’une forme de duplicité collective qu’il va bien falloir « assumer ». La mémoire d’un peuple est souvent courte. Ont-ils oublié qu’ils avaient élu Jacques Chirac en 1995, puis réélu le même en 2002 ? Milité, en grande majorité, pour une mondialisation où chacun était censé profiter des bienfaits de la libéralisation des marchés, avec le boursicotage pour tous ? Ont-ils oublié qu’ils ont élu Sarkozy en 2007 ? Le slogan le plus populaire aujourd’hui ne serait-il pas, au fond « un Iphone et un Ipad pour tous ? ». La vie quotidienne des habitants de ce pays est totalement asservie aux marchés financier, par la collaboration active des premiers dans le financement actif de ces derniers.

La jeunesse pourrait…?

La France est le pays de l’OCDE qui a le taux de syndicalisation le plus bas : 5%. Les dirigeants des PME n’ont aucunes forces syndicales et se laissent mener par le MEDEF, une structure dirigée par des patrons de très grandes entreprises, entièrement vouée à la défense des multinationales. Dans ce contexte, la lutte sociale est proche du néant, et la ministre du travail joue sur du velours, puisque malgré les quelques signes d’un mouvements intersyndical, la fronde contre son projet de réforme du code du travail n’a pas beaucoup de chances de devenir un véritable mouvement social. A moins que…

Les 18-30 ans seraient-ils en train de se réveiller ? Sur les réseaux sociaux, il semble que oui. Le hashtag #OnVautMieuxQueCa devient « viral », et la vidéo éponyme, très sympathique dans la forme, et sérieuse dans le fond, pourrait devenir une sorte d’étendard unificateur. Certes. Une remarque quand même : le terme de "valoir mieux" renvoie-t-il à une demande économique de la jeunesse avant toute chose ? Le problème de fond serait-il juste de donner plus de valeur financière aux salariés ?

Dans tous les cas, si toute cette contestation reste confortablement au chaud devant un écran au fond d’un salon, elle ne risque pas de gêner particulièrement le gouvernement. Myriam El Khomri a déjà répondu à une autre action en ligne,la pétition contre son projet de réforme, et la communication des « pros » et « anti » tourne à fond.  Une autre pétition tourne, favorable à la loi El Khormi, d'ailleurs. Mais on ne fait pas plier un gouvernement avec de la communication. C’est dans la rue, et nulle part ailleurs que la contestation peut obtenir gain de cause et faire reculer un gouvernement.

Si la jeunesse, qui jusque là s’est contentée de compter les points tout en s’inquiétant de sa faculté à « s’insérer », se contente de manifester son mécontentement par et sur le net, elle obtiendra des garanties équivalentes à l’outil de contestation utilisé : virtuelles. Non pas parce que le net est déconnecté du réel, ou qu’il serait "à côté de la société", mais simplement parce qu’il est un outil de communication. Et que le risque physique, avec le net, est proche du néant, alors que dans la rue, il est réel. L’engagement physique ne peut qu’obliger les pouvoirs politiques à négocier, pas l’engagement numérique seul, qui les agace, mais pas beaucoup plus. Si la rue est envahie, l’espace conquis par classe dominante est envahi, leur pouvoir de contrôle est attaqué. Internet ne peut pas être envahi, les dominants n’y vivent pas et s’en moquent comme de leur premier mandat. Sans oublier que leurs soutiens les plus nombreux sont âgés, peu connectés, et insensibles aux luttes numériques.

En fait, il ne va peut-être rien se passer…

Le projet El Khomri est un projet de réforme sociale qui a pour objectif de faire basculer un peu plus la société du travail dans le monde de l’exploitation néo-libérale, déjà en œuvre dans une majorité de pays aujourd’hui. La plupart des Français ont cautionné ce système depuis son origine, ils ne feront rien contre, pour la plupart. Restent les résistants de la première heure et la jeunesse désabusée du pays pour contrer ce projet, et peut-être, proposer autre chose à la place : une économie sociale et solidaire ?

On peut toujours rêver…

En attendant, quelques politiques tentent de proposer des bribes de solutions ou alternatives au système en place. La réponse de la ministre du travail n'est pas, là encore, à la hauteur de l'enjeu. Qui en aurait douté ?

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