Une prodigieuse chute
Le coup de maître de Justine Triet
Dans son dernier film, Palme d'or 2023 au festival de Cannes, la réalisatrice confirme son absolue maîtrise de l'art du scénario et de la direction d'acteurs.
Au commencement était un cadavre. Il gît sur le sol neigeux auréolé de rouge. La victime a-t-elle chuté d'un des étages de son chalet ou bien a-t-elle été assassinée ? C'est la question posée tout au long de ce dernier opus de Justine Triet magistralement mené, « anatomie d’une chute ». La réalisatrice parvient en effet à maintenir le suspense sur l'issue d'une affaire qui dévoile peu à peu ses zones d'ombre dans un procès d'assise qui occupe les trois quarts du film.
Pour autant l'ennui ne guette pas le spectateur grâce au jeu subtil des acteurs tout en finesse et en ambiguïté, à commencer par une Sandra Hüller hiératique, dont on ne sait si on doit la plaindre ou l'accabler tant elle parvient à instiller le doute sur sa responsabilité dans ce drame. Doute que semble partager son conseil à la crinière poivre et sel : un formidable Swann Arlaud, dont la pugnacité dans la défense de son amie cliente n'est pas étrangère à cet amour mêlé de fascination qu'il lui porte.
Dans la catégorie des acteurs virtuoses, mention spéciale aussi à Antoine Reinartz dans le rôle d'un avocat général intraitable qui exécute son accusation telle une danse de la mort qui n'attend - sans mauvais jeu de mots - que son coup de grâce !
Enfin, le film ne serait pas ce qu'il est sans la prestation remarquable du fils, le jeune Milo Machado Graner, premier témoin de la scène initiale. Sa cécité partielle, cause d'une grande partie des tourments...