Une parité en hausse… sauf chez les dir’cab (décidément) (III)
Une progression mécanique ?
Est-ce plus facile d’être une femme en cabinet ministériel qu’en politique ? Pas sûr. Si leur proportion tend bien à monter, le plafond de verre semble persister dès lors qu’il s’agit d’atteindre la fonction suprême de directrice de cabinet.
Comme sous les précédentes mandatures, la progression se poursuit : 40,51 % des membres des cabinets ministériels sont des femmes. Elles n’étaient que 5 % sous Pompidou et Giscard, puis 25 % sous Mitterrand ; 27 % sous Chirac et Sarkozy, avant de progresser à nouveau sous Hollande, pour atteindre 35 %. La progression est donc notable.
Passer en cabinet ministériel est pour ces femmes souvent un moyen de contourner la nécessité de passer par la mobilité géographique pour faire évoluer leur carrière
Lecture des graphiques :
Le Gouvernement est constitué de ministères de plein exercice, sous lesquels se trouvent des ministères délégués et des secrétariats d’État. Retrouvez la liste des ministères à ce lien. Dans chaque graphique présenté vous repérerez les catégories suivantes : • Ministères de plein exercice en gras (blanc et bleu) • Ministères régaliens en bleu • MD = Ministère délégué • SE = Secrétariat d’État
Plus de femmes dans les grandes écoles = plus de femmes dans les cabinets
Rejoindre un cabinet, c’est travailler sur des plages horaires hyperlaxes, avoir de très fortes incertitudes sur son agenda et être corvéable à merci. Mais c’est un propulseur de carrière, et beaucoup de membres s’en servent ainsi. Delphine Dulong explique cette progression des femmes par une combinaison de facteurs : « aujourd’hui, plus de femmes passent par l’ENA, il y a donc mécaniquement plus de femmes dans les cabinets ministériels. Mais surtout, c’est un lieu presque incontournable si l’on veut faire une belle carrière dans la fonction publique, et qui évite pour certaines un écueil géographique. »
Autrement dit, passer en cabinet ministériel est pour ces femmes souvent un moyen de contourner la nécessité de passer par la mobilité géographique pour faire évoluer leur carrière. « Généralement, les femmes sont homogames voire hypergames : elles vivent avec des hommes qui ont le même niveau de diplôme qu’elles et ne sont donc pas très mobiles. À l’inverse, les hommes hauts fonctionnaires vivent souvent avec des femmes moins diplômées et sont donc plus facilement mobiles », complète Delphine Dulong.
"Dans les ministères régaliens, il est rare de trouver des femmes directrices de cabinet"
Dir'cab : où sont les femmes ?
Du côté des directeurs de cabinet, en revanche, rien ne va plus : on dénombre seulement 26,19 % de femmes. Pour le politologue Jean-Michel Eymeri-Douzans, « le portrait robot du dir’cab reste empreint de stéréotypes : il faut une personne taillable et corvéable à merci, toujours présente. D’ailleurs, dans les ministères régaliens, il est rare de trouver des femmes directrices de cabinet. » Il ne faut pas remonter loin pour trouver le premier ministre à avoir franchi le pas en nommant une femme à un tel poste dans un ministère régalien : il s’agissait de Manuel Valls, qui avait choisi Véronique Bédague-Hamilius en arrivant à Matignon en 2014. Une énarque, diplômée de Sciences-po et de l’Essec, spécialiste des affaires économiques.
« En revanche, note le politologue, beaucoup de femmes sont secrétaires générales de ministères. Elles forment un couple avec le directeur de cabinet. Elles sont chargées de l’organisation, du pilotage rigoureux de l’ensemble des questions RH et des finances. » En gros, elles s’occupent de l’intendance, pendant que les hommes dir’cab, qualifiés de « vice-ministres », décident.