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Dossier
par Jacques Duplessy

Une nouvelle étude du Pr Raoult semble confirmer l’efficacité de la chloroquine

Le Dr Jean-Louis Thomas analyse cet essai clinique

Nouvel épisode du feuilleton de l'hydroxychloroquine. L'équipe de l'IHU - Méditerranée infection a rendu public vendredi 27 mars un nouvel essai clinique sur 80 patients. Elle confirmerait l'efficacité de l’association hydroxychloroquine - Azithomycine. Mais des doutes subsistent, sur l'efficacité du traitement et sur le fait qu'elle empêcherait l'aggravation de la maladie.

Le Plaquénil - Copie d'écran

Quelle est votre analyse du nouvel essai clinique du Pr Raoult ?

C’est un essai mené dans l’urgence sur 80 patients entre le 3 et le 21 mars. Cette fois, le protocole comprend l’association hydroxychloroquine - Azithomycine (un antibiotique). Certains patients atteints de pneumonie ont aussi reçu un second antibiotique, le Ceftriaxone. En fait il y a 74 nouveaux patients ajoutés aux 6 malades de l’étude précédente qui recevaient déjà cette association thérapeutique. La durée du traitement a été allongée par rapport à l’étude précédente et a été portée à 10 jours.

La tranche d’âge est large : de 18 à 88 ans. L’âge moyen est de 52 ans. 57,5 % avaient des facteurs de fragilité, c’est-à-dire au moins une maladie chronique. Mais quand on regarde le score NEWS utilisé pour estimer le degré de fragilité des patients, on s’aperçoit qu’il est faible dans 92 % des cas et élevé chez 8 % des patients. Donc on a 8 % de grands fragiles.

Il a pris les précautions standards pour éviter les accidents cardiaques. Avant d’entrer dans l’étude, chaque malade subit un électrocardiogramme (ECG), puis un second ECG est fait 48h après. Seul un patient est sorti de l’étude à J4 en raison d’une potentielle interaction avec une autre molécule.

Le point faible de l’étude est qu’il n’y a pas de groupe témoin, ce n’est pas une étude en double aveugle où un groupe reçoit un placebo. Mais cel se comprend dans le contexte d’urgence.

Je vois un autre biais qui n’est pas très problématique : on sait que des faux négatifs existent lorsqu’on recherche le virus chez le malade. Le Pr Raoult, du fait probablement du manque de lits, fait sortir ses patients après un test négatif et état clinique correct. Dans l’étude précédente, il faisait sortir les personnes de l’étude après deux tests négatifs consécutifs.

Venons en aux résultats...

Cette étude conforte les premiers résultats. Elle montre qu’à partir du 6ème jour, plus de 80 % des patients sont négatifs au test par PCR. C’est à dire que le virus est indétectable.

Il y a aussi une nouveauté par rapport à l’étude précédente. L’équipe du Pr Raoult a fait une culture cellulaire chez certains patients (malheureusement, on ne sait pas le nombre…). A J5, on s’aperçoit que même si le virus est encore présent, il n’est plus toxique et capable d’infecter de nouvelles cellule dans 97,5 % des cas. C’est intéressant, mais on ne sait pas ce que recouvre vraiment ce chiffre...

Au niveau clinique, 81 % (65 patients) ont eu une issue favorable rapide. 15 %, soit 12 patients ont eu besoin d’oxygénothérapie. Au sein de ce groupe, un malade âgé de 86 ans atteint d’une forme avancée du Covid19 est décédé. Trois patient soit 4 % sont passés en unité de soins intensif (USI). Deux en sont sortis rapidement. Un malade de 74 ans est toujours en USI au moment de la sortie de cette étude.

On note aussi que 13 malades sont toujours hospitalisés en maladies infectieuses.

Qu’est-ce que cette étude dit de l’utilisation potentielle de l’hydroxychloroquine ?

C'est compliqué. Le Pr Raoult écrit qu’on limite l’aggravation de la maladie avec cette association hydroxychloroquine – Azithomycine. Mais il ne le prouve pas… Le décret du gouvernement limite l’utilisation aux cas grave en milieu hospitalier. Mais la vraie question est, ce traitement ne limite-t-il pas plutôt l’aggravation de la maladie ? Donc en réservant le traitement au cas grave, y a-t-il une perte de chance pour des malades qui risquent de s’aggraver ? Je n’ai pas scientifiquement la réponse.

D’autant qu’il y a des études contradictoires, que pouvez vous en dire ?

Du côté de ceux qui estiment qu’il y a un bénéfice avec ce traitement, il y a un essai clinique chinois qui revendique que la chloroquine empêche l’aggravation de la pneumonie. Mais malheureusement, seul un résumé d’une page sans description du protocole ni donnés chiffrées a été publié dans BioSience Trends. Il y a aussi ce médecin américain qui revendique avoir traité 500 patients atteints du Covid19. Il dit n’avoir constaté aucune aggravation ni aucun décès. Mais là encore, ce n’est pas une véritable étude scientifique. Et je me méfie de tous ceux qui revendiquent 100 % de résultat... De l’autre côté, il y a une étude chinoise reprise par le Journal International de Médecine qui dit montrer que la prise d’hydroxychloroquine n’a aucun bénéfice. Il y a un groupe témoin qui ne prend pas l’hydroxychloroquine. L’échantillon est de deux fois 15 personnes. C’est faible. Mais surtout il y a un biais énorme dans cette étude. Il est dit que les 30 patients prennent des nébulisations d’interferon alpha, un antiviral. Dans le groupe qui prend l’hydroxychloroquine, 12 sur 15 prennent de l’Abidol, un autre antiviral. Dans le groupe témoin, 10 sur 15 prennent aussi de l’Abidol et deux autres ont reçu l’association Lopinavir-Ritonavir, deux antiviraux. A la fin, l’étude dit que tout le monde va bien. Mais on veut prouver quoi ? Les malades ont reçu tellement de molécules que ça ne joue ni en faveur, ni en défaveur de l’hydroxychloroquine. Pour moi cette étude ne prouve rien, ni dans un sens, ni dans l’autre.

Alors quand sera-t-on fixé sur l’intérêt de l’hydroxychloroquine ?

L’étude européenne Discovery permettra d’y voir clair pour ce qui concerne des patients hospitalisés, donc dans un état assez sérieux. Elle ne permettra pas forcément de répondre à la prévention de l'aggravation chez des personnes moins atteintes. Actuellement, les scientifiques font entrer les patients dans l'étude. Ils vont publier des résultats préliminaires d’ici 15 jours. C’est aussi une étude ouverte qui n’est pas en double aveugle. L’idée est d’être pragmatique : dès qu’on sait qu’une molécule n’est pas efficace, que l’incertitude est levée, on la sort de l’essai et les patients qui la recevaient sont intégrés dans les groupes qui reçoivent des molécules potentiellement efficaces. Je pense qu’il faut 3 à 4 semaines pour savoir si on a un traitement efficace. La question difficile est : que fait-on en attendant ces résultats ?

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