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par Jacques Duplessy

Une journaliste de TF1 harcelée après un reportage en Azerbaïdjan

La reporter Liseron Boudoul est victime d'une cabale sur les réseaux sociaux

Difficile de couvrir le conflit du Haut-Karabagh entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Après deux reportages sur le front côté arménien, une reporter a été envoyée sur la ligne de front dans le camp azerbaïdjanais. Depuis la journaliste est harcelée et la chaîne a supprimé le reportage de son site Web.

Stepanakert, est la capitale de la république du Haut-Karabagh - Copie d'écran - Google

Liseron Boudoul, grand reporter à TF1, n'avait jamais vécu un tel déchaînement de violence sur les réseaux sociaux. "Je couvre les conflits depuis une dizaine d'années, je sais bien que c'est toujours sensible, mais là c'est une première, témoigne la journaliste. Je ne pensais jamais être traitée de "pute des génocidaires" ou d'agent de la Turquie. C'est d'ailleurs assez cocasse, car j'ai été interdite deux fois d'entrée sur le territoire turc à cause de mes reportages en Syrie et pour avoir raconté des liens entre la Turquie et Daesh." Un tweet de Valérie T. ose même : "Possible qu’avec quelques décapitations du personnel haut placé du personnel de TF1, ils penseront mieux et plus évident_" (sic).

Partie une semaine en Azerbaïdjan, son reportage a été diffusé jeudi 22 octobre au journal de 20 heures. "Dans les minutes qui ont suivi, j'ai eu une avalanche de tweets injurieux, raconte Liseron Boudoul. La communauté arménienne s'est mobilisée et TF1 a reçu de très nombreux courriels. Des personnes ont même réussi à obtenir mon téléphone et j'ai reçu des critiques par WhatsApp. Je n'ai pourtant fait que mon travail. La chaîne avait envoyé auparavant mon collègue Michel Scott côté arménien.

Le reportage de Liseron Boudoul est toujours visible sur Youtube... Mais pas depuis la France - Copie d'écran - Youtube
Le reportage de Liseron Boudoul est toujours visible sur Youtube... Mais pas depuis la France - Copie d'écran - Youtube

Nous avions diffusé deux reportages, également au 20 heures. Le traitement du conflit a été équilibré, sans aucune ambiguïté. Les Arméniens en France veulent passer pour les seules victimes. La réalité d'une guerre est qu'il y a des blessés, des morts, des souffrances des deux côtés. C'est l'honneur de la profession d'aller documenter ce qui se passe chez les deux parties. Ce reportage n'a pas été simple. J'ai mis la pression sur les autorités azerbaïdjanaises pour pouvoir aller sur la ligne de front pour me rendre compte par moi-même avec mon cameraman. J'ai exigé d'interviewer des personnes que je choisissais. Il ne faut pas de guerre sans image. Mon problème montre que la guerre médiatique est aussi importante que la guerre sur le terrain."

TF1 supprime le reportage

TF1 a supprimé le reportage en Azerbaïdjan du site web, une mesure exceptionnelle qui pose question sur la liberté d'informer. Et ce dimanche 25 octobre, la chaîne a fait un reportage sur la manifestation des Arméniens en France à Paris. Pour enterrer la hache de guerre ? Et gageons que ce reportage ne sera pas retiré du site, lui. Reporters Sans Frontières a appelé Liseron Boudoul pour lui manifester son soutien et lui a assuré vouloir se saisir de son dossier pour rappeler l'inconditionnalité de la liberté de la presse.

Manifestation arménienne devant le siège de TF1 pour protester contre la diffusion du reportage de Liseron Boudoul - D.R.
Manifestation arménienne devant le siège de TF1 pour protester contre la diffusion du reportage de Liseron Boudoul - D.R.

Mise à jour du 27 octobre 2020 à 19h50 : Un lecteur nous a signalé que le reportage était disponible à partir de 25:58 à cette adresse. Nous ne sommes pas en mesure de vérifier si le reportage à été remis en ligne ou si nous l'avions raté en le cherchant à un autre endroit. Par ailleurs, comme nous l'annoncions dans notre article, RSF a publié son communiqué ici.

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