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par Antoine Champagne - kitetoa

Un quinquennat marqué par une franche réussite économique

Allez, qu'on se le dise, tout ça, c'est la faute aux crises. Pas à la crise, aux crises. Elles ont été terribles. Et dans la tourmente indicible, Nicolas Sarkozy a sauvé ce pays qui s'en sort mieux que ses voisins. Comprendre la Grèce, l'Espagne, le Portugal ou l'Italie. C'est du moins ce que répète en boucle Nicolas Sarkozy à la veille de l'élection présidentielle. Oublié le temps où, tout fier, le président annonçait urbi et orbi qu'il avait sauvé l'Europe. Et pas qu'une fois.

Allez, qu'on se le dise, tout ça, c'est la faute aux crises. Pas à la crise, aux crises. Elles ont été terribles. Et dans la tourmente indicible, Nicolas Sarkozy a sauvé ce pays qui s'en sort mieux que ses voisins. Comprendre la Grèce, l'Espagne, le Portugal ou l'Italie. C'est du moins ce que répète en boucle Nicolas Sarkozy à la veille de l'élection présidentielle. Oublié le temps où, tout fier, le président annonçait urbi et orbi qu'il avait sauvé l'Europe. Et pas qu'une fois.

Ce qui serait assez fort puisque sur la macro-économie, il avait eu cette déclaration ébouriffante :

« inutile de réinventer le fil à couper le beurre. Toutes ces théories économiques… moi-même, parfois je suis un peu perdu. Ce que je veux c’est que les choses marchent ».

A bien y regarder, le président du pouvoir d'achat s'est complètement planté sur ce sujet. Paradoxalement, la droite a toujours merdouillé sur le plan macro-économique alors que la gauche a plutôt réussi (alors qu'on l'attendait plutôt sur le social).

Ça avait commencé fort. Le président et son collaborateur, François Fillon nous avait annoncé un "choc de confiance".

C'était fin mai 2007 et Reuters rapportait les propos de François Fillon :

PARIS (Reuters) – Le Premier ministre, François Fillon, assure que le gouvernement se donnera les moyens de parvenir au plein emploi dans les cinq ans et de créer « un choc de confiance » et « un choc de croissance » pour mener à bien les réformes promises par Nicolas Sarkozy. « Nous visons, d’ici cinq ans, le plein emploi et nous sommes bien décidés à nous en donner les moyens. Nous l’avons dit et nous le ferons tout de suite : nous allons libérer les heures supplémentaires », a-t-il déclaré devant les parlementaires de la majorité présidentielle réunis à Matignon.

Deux ans plus tard, on franchissait la barre des 2 millions de choqués : deux millions de chômeurs.

Mais sur le plan macro-économique, mieux vaut une petite infographie, de préférence réalisée par un journal que l'on ne peut soupçonner de gauchisme primaire, qu'un long discours.

Revenons à la crise financière que vit l'Europe. Celle-ci ne peut pas être expliquée par une infographie car elle est le résultat de si nombreuses variables qu'il est impossible de toutes les détailler. Reflets avait tenté une petite explication ici il y a bien longtemps.

Nicolas Sarkozy a beau jeu de dire qu'il a sauvé l'Europe et que la France s'en sort mieux que ses voisins. L'Europe n'est pas sauvée, loin de là. Toutes les décisions prises jusqu'ici ont consisté à injecter des liquidités et à tenter de retarder l'échéance. L'échéance étant l'implosion de la zone euro, la sortie d'un ou plusieurs pays de la zone. L'injection de liquidités est un pansement qui ne guérit pas. L'hémorragie est juste retardée. En attendant, la plaie se gangrène. Les financiers profitent de ces injections pour spéculer un peu plus. On l'a vécu après la crise des subprimes aux Etats-Unis. La Fed prête à (quasiment) 0%, les banques prêtent à leur tour à environ 4%. De l'argent gratuit en quelque sorte, qui tombe du ciel. Et que font les financiers avec ces trombes de brouzoufs ? Ils spéculent. Le High Frequency Trading se porte bien, merci pour lui. Ces martingales informatiques passent des ordres en lieu et place des traders, mais à la vitesse de la lumière. Du coup, on peut observer jusqu'à 10.000 cotations en une seule seconde. Quelqu'un dans la salle pour démontrer en quoi cela "finance l'économie réelle" ? Non ?... Normal...

Si c'est moi qu'ai l'job, c'est Armageddon

Le président de la république sous lequel la France a perdu son triple A n'a peur de rien. C'est la "droite décomplexée"...  A court d'arguments, sans doute, il a lancé la menace ultime. Et tous les perroquets qui l'entourent ont repris en coeur les "éléments de langage". L'idée étant : en 81, on a vu qu'il a fallu deux ans pour tout casser et engager une politique sévère de rigueur. Cette fois, il faudra deux jours pour tout détruire. C'est moi ou le chaos... Déjà vu mais tellement anxiogène. Et la peur leur va si bien aux électeurs potentiels... Bref, sans Nicolas Sarkozy, les marchés vont étriller la France. Ce ne sont plus les chars russes sur les Champs-Elysées qui sont évoqués, comme en 81, mais la menace invisible des marchés financiers.

Comment ? L'homme qui devait "refonder le capitalisme" n'aurait donc pas réussi à dompter les financiers ? Grosse déception...

Voici donc la tirade de Nicolas Sarkozy hier :

"Si on recommence à embaucher des fonctionnaires, on recommence à dépenser, on met en cause la réforme des retraites, ce n'est pas un risque que les taux d'intérêt vont remonter, c'est une certitude (...), on déclenchera immédiatement une crise de confiance massive", a mis en garde M. Sarkozy sur France Info. _"La France doit emprunter chaque année 42 milliards d'euros pour payer les intérêts de la dette. Aujourd'hui nous levons cet argent, nous empruntons cet argent à moins de 3%, ce qui est un taux historiquement bas. Si nous ne respectons pas la ligne de réduction de nos déficits et de notre endettement, à la minute, les taux d'intérêt vont monter", a-t-il ajouté."Si nous recommençons à dépenser sans compter, si nous remettons en cause la réforme des retraites, si nous défaisons le travail que nous avons fait patiemment avec François Fillon depuis cinq ans, pourquoi voulez-vous que ce qui se passe chez les autres ne se passe pas chez nous ?", a insisté le président sortant et candidat de l'UMP.Interrogé sur les déclarations de son rival centriste François Bayrou, qui a jugé que les programmes de MM. Sarkozy et Hollande risquaient de précipiter la France dans la situation de l'Espagne, le candidat de l'UMP a assuré qu'il n'y aurait "pas d'augmentation des impôts après les élections (...) parce que nous avons fait ce qu'il fallait avant"._"La crise financière j'espère que nous sommes en train d'en sortir. On voit bien que l'euro n'a pas explosé, que l'Europe n'a pas explosé. Il faut s'attaquer maintenant à la crise économique", a conclu M. Sarkozy. Il y a quelques semaines, le chef de l'Etat avait estimé que l'Europe était "en train de tourner la page de la crise financière".

A savourer... Si Mme Michu et Paulo du Bar des Amis peuvent être trompés par ce genre de discours, il n'y a aucune chance pour que le monde de la finance s'inquiète. Il doit tout (ou presque), en France, au Parti Socialiste. C'est sous la gauche en effet que la finance a pu prospérer. Création du Matif, privatisations, explosion des banques conseil, et l'on en passe. L'explosion de la dette française commence en 1981 pour ceux qui l'auraient oublié. Rendons à Nicolas Sarkozy ce qui est à Nicolas Sarkozy, la dette a atteint des sommets sous son quinquennat.

La décision d'Eurex de lancer un contrat à terme sur la dette française en pleine élection présidentielle tombe à point pour faire frémir Mme Michu à qui on a expliqué plus ou moins simplement que cet outil servirait à "attaquer" la France, comme la Grèce, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande, l'ont été.

Sauf que dans ce cas, on ne peut soupçonner le grand méchant Sauron d'être à l'origine de cette décision. Les marchés sont libres de se créer chaque jour s'ils le veulent des armes nucléaires. Et si l'une ou l'autre ne passait pas en France (véto hypothétique de l'AMF), il suffit de la créer à l'étranger. Les marchés n'ont pas de frontières.

Reste que Sauron dispose de l'outil législatif et de l'outil politique pour désarmer les marchés. N'a-t-il pas répété à loisir que la spéculation c'était fini ? Que les paradis fiscaux, c'était terminé ? Merci pour eux, tout cela ne s'est jamais aussi bien porté, la preuve par l'exemple Eurex. Le volontarisme légendaire (merci au storytelling et aux spin doctors) de Nicolas Sarkozy en prend un coup parce que s'il existe une certitude à propos de ce quinquennat, c'est que le monde de la finance n'a jamais été aussi bien armé et qu'il ne s'est jamais autant servi de ses armes.

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