Un pèlerinage et une lune de miel

De Chartres à Paris, l’extrême droite marche au pas

« Pèlerinages de Tradition »… Tout un programme pour cette association qui organise une marche de 6.000 personnes entre Chartres et Paris, ponctuée de messes, et qui réunit tout le gotha de l’extrême droite.

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Cette année encore, le week-end de la Pentecôte était l’occasion du chassé-croisé entre deux pèlerinages catholiques traditionalistes : le Paris-Chartres, de Notre-Dame de Chrétienté et le Chartres-Paris, organisé par « Pèlerinages de Tradition », une association rattachée à la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X (FSSPX). Les deux mouvements traditionalistes pratiquent la messe dite tridentine, en latin.

Bien que le second pèlerinage soit d’une moindre ampleur (entre cinq mille et six mille pèlerins contre près de vingt-mille pour le premier), on trouve dans les deux cortèges un florilège de membres de la fachosphère.

Pour pouvoir faire traverser les villes à ses milliers de pèlerins, l’association « Pèlerinages de Tradition » adresse un courrier aux maires. La procession coupe longuement les voies de circulation pour faire traverser les marcheurs, il lui faut donc obligatoirement déclarer la manifestation auprès des communes.

Reflets s’est procuré la lettre envoyée au maire de Saint-Cloud, Éric Berdoati. Curieusement, ce dernier ne se contente pas de prendre acte de la venue dans sa ville des pèlerins, il félicite l’association « pour l’action que vous menez ». La présence de néo-fascistes dans les rangs des pèlerins ne semble pas le gêner, au contraire…

Contacté, le maire n'a pas répondu à nos questions.

Fachos pas cachés

Au milieu de drapeaux mêlant emblèmes religieux, nationalistes et royalistes, on trouve parmi les pèlerins des membres de Renouveau Français, groupuscule néofasciste, de la Cocarde étudiante, organisation d’extrême droite, Guillaume Cahen, le tailleur de pierre néo-nazi dont nous vous parlions déjà ici … Parmi les drapeaux déployés pendant le pèlerinage, on a pu voir celui de Civitas, mouvement d’extrême droite dissout en France, un emblème franquiste, de nombreuses références à dieu et au roi de France... et même le drapeau du Saint-Empire Romain Germanique, agrémenté de la figure du Christ sur la croix.

Le pèlerinage est donc l’occasion pour différentes chapelles de l’extrême-droite de se croiser. Et certains entendent bien capitaliser dessus, à l’instar d’Academia Christiana, qui appelle sur ses réseaux sociaux à se mobiliser au-delà du pèlerinage.

Une académie pas très académique...

Cette association, créée en 2015 par un des membres fondateurs de Génération Identitaire, Julien Langella, avait été menacée de dissolution par Gérald Darmanin en décembre 2023, accusée par ce dernier d’appels à la haine. Elle avait alors reçu le soutien du reste de l’extrême-droite, et notamment d’Eric Zemmour.

L’organisation est aujourd’hui dirigée par Victor Aubert, qui s’est fait remarquer en 2016 pour un salut nazi lors d’une manifestation.

Academia Christiana se veut un institut de formation catholique, dont l’approche holistique, mêlant religion, politique, et sport, veut « relever le défi anthropologique » et « refaire un peuple ». Comprendre ici un peuple blanc et chrétien, les textes étant parsemés des mots Europe ou patrie. Les intervenants de cette formation sont des figures de proue de l’extrême droite, de Jean-Yves Le Gallou, feu Patrick Buisson, Charlotte d’Ornellas à Bruno Gollnisch, qui enseignent à l’occasion des camps d’été, où se mélangent prière et sport de combat.

L’association se revendique du traditionalisme, un thème largement développé dans ses publications, qui ne peuvent être plus claires : ils rejettent la Révolution française, les idées libérales des Lumières et le modernisme, ayant démantelé « l’ordre chrétien ». Dans de plus anciennes notes sur leur blog, certains auteurs s’étendent sur la « République hexagonale d’essence maçonnique qui occupe et gangrène actuellement la France ».

Une vraie stratégie en ligne

Sur les réseaux sociaux, la communication s’est professionnalisée ces dernières années : montages vidéos et interviews de vulgarisation mettent en avant des visages jeunes et des valeurs d’apparence séduisante. Se côtoient pêle-mêle des discours sur le sport, l’enracinement, contre le consumérisme ou le profit court-termiste. La doctrine n’est dispensée qu’à petite dose, le but affiché étant d’inviter à rejoindre le camp d’été, mentionné ad nauseam.

On note l’omniprésence de l’abbé Raffray, abbé influenceur au hashtag fleuri #baggarebagarreprière, filmé dans de nombreuses publications à l’occasion des événements de l’organisation et dans le pèlerinage Chartres Paris. Il avait aussi fait le voyage vers le local du tailleur de pierres adepte des drapeaux nazi comme nous l’avions rapporté ici.

La technique est bien huilée, et des comptes comme celui d’Academia Christiana ou Action Française engrangent des dizaines de milliers d’abonnés.

En parallèle, le pèlerinage est couvert par les médias amis, comme Boulevard Voltaire (condamné pour provocation à la haine envers les musulmans), TV Libertés ou CNEWS, classés à l’extrême droite. Sur le navire amiral de la croisade civilisationnelle bolloréenne, le « journaliste » Jean de Lacoste Lareymondie vantait dans l’émission de Pascal Praud le pèlerinage de Chartres à Paris. Formé par l’Institut libre de journalisme (que l’on retrouve dans la galaxie brune d’Avisa Partners), Jean de Lacoste Lareymondie, qui a été « journaliste stagiaire » à Boulevard Voltaire, est membre de la famille de Jean-Marc de Lacoste-Lareymondie, un ponte du Front National (devenu le RN). Le monde de l’extrême droite est petit (mais bruyant et très actif).