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par Antoine Champagne - kitetoa

Un malcomprenant au ministère de l'Intérieur ?

Darmanin en quête de clivages permanents

Sur les traces de Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Intérieur multiplie les sorties qui ne peuvent que mettre en rage les défenseurs des Droits de l'Homme et les victimes de violences policières. C'est sans doute la manière la plus simple et la plus inutile de faire de la politique : exister par la polémique permanente...

Une du magazine hebdomadaire du Monde - Copie d'écran

Entendu mardi 28 juillet 2020 par la Commission des lois de l'Assemblée nationale, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a affirmé s'étouffer lorsqu'il entend l'expression "violence policière". Les mots ont un sens. De deux choses l'une, soit le ministre est un peu limité et n'a pas mesuré le message qu'il faisait passer, soit il l'a fait en toute conscience, comme son prédécesseur Nicolas Sarkozy le faisait régulièrement pour déclencher une polémique. Dire que « personnellement, je m'étouffe » en entendant « l'expression "violence policière" » alors que Cédric Chouviat, ce livreur mort lors d'une arrestation violente par la police en janvier dernier, a justement prononcé ce cri d'agonie sept fois avant de mourir - « J’étouffe ! » -, est tout simplement honteux.

Tentant d'afficher une forme de culture générale, le ministre a ajouté : « la police exerce une violence, certes, mais une violence légitime, c'est vieux comme Max Weber ». Mais, comme le fait fort bien remarquer Mathieu Rigouste, « Max Weber, dans son livre 'Le savant et le politique', explique que l'État revendique le monopole de la violence légitime justement parce qu'il ne l'a pas. Il cherche donc à l''imposer' », ajoute Weber.

Les experts en science politique ne sont pas tendres avec le ministre. Sebastian Roché indique pour sa part que : « Max Weber n’a jamais parlé de violence légitime pour caractériser l’action violente de la police et n’a même jamais traité du tout de la police. Il traitait du processus de construction de l'État en Europe ». Et d'enfoncer le clou : « Un peu de lecture ne saurait nuire plutôt que de répéter approximativement ».

Tweet de Mathieu Rigouste - Copie d'écran
Tweet de Mathieu Rigouste - Copie d'écran

Mais on peut ici s'interroger sur la possibilité que Gérald Darmanin soit malcomprenant au sens coluchien du terme. Car si l'on peut entendre que l'État ait besoin, parfois, d'exercer une forme de violence pour maintenir la paix et le contrat social qui nous unit, il est évident qu'une « violence policière » constatée comme telle par la Justice, entrerait immédiatement dans la catégorie des violences « illégitimes ». Lorsqu'une personne meurt lors d'un contrôle de police, lorsqu'une personne est éborgnée ou perd une main en étant un simple manifestant, il s'agit de « violences illégitimes ».

Les trois premières années du quinquennat d'Emmanuel Macron ont été marquées par des violences illégitimes répétées de la part des forces de l'ordre. Ce n'est pas simplement un constat des journalistes de Reflets qui ont suivi les manifestations des gilets jaunes, c'est ce qu'ont dit plusieurs organisations internationales. L’ONU, par exemple, a demandé à la France d’enquêter sur « l’usage excessif de la force ».

Leçon de droit pour l'exécutif français

La Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, s'était également fendue d'une petite leçon de droit à l'endroit de l'exécutif français :

« Dans un mémorandum contenant ses observations sur les événements liés au mouvement dit des "gilets jaunes", la Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, invite les autorités françaises à mieux respecter les Droits de l’Homme lors des opérations de maintien de l’ordre et à ne pas apporter de restrictions excessives à la liberté de réunion pacifique à travers la proposition de loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations. Tout en condamnant fermement la violence, les propos et les agressions racistes, antisémites ou homophobes de certains manifestants, la Commissaire rappelle que la tâche première des membres des forces de l’ordre "consiste à protéger les citoyens et leurs droits de l’homme". Or, elle estime que le nombre et la gravité des blessures infligées aux manifestants "mettent en question la compatibilité des méthodes employées dans les opérations de maintien de l’ordre avec le respect de ces droits." »

Mais des leçons de droit, d'éthique ou de de morale, cet exécutif n'en a cure. Rappelons que Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur est à la tête des forces de l'ordre qui doivent enquêter sur une accusation de viol le visant. S'il conteste le viol, la question reste clairement posée d'un rapport sexuel obtenu en échange d'un service (c'est-à-dire l'envoi d'une lettre à la garde des Sceaux de l'époque Michèle Alliot-Marie)... De quoi s'étouffer dans un océan d'indécence !

Il y a quelque chose de pourri au pays des Droits de l'Homme depuis quelques années maintenant. Il serait temps de sortir du cercle de la violence et de l'indécence.


The music playing while my digital clone was flying over the network and writing this piece, was this gem : Trece-un nouraș pe sus by Surorile Osoianu

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