Un étrange silence - 2
« In landa Desolata »(1)
Contaminations, menaces invisibles, confinements, les territoires de l’interdit... Peut-on faire un parallèle avec la catastrophe de Tchernobyl ? Psycho-sociologue spécialiste des catastrophes, Marie-Thérèse Neuilly a été consultante pour le programme Unesco - Tchernobyl.
Qu’ont-ils de commun ces lieux désertés, décrétés inhumains, quadrillages urbains vides de sens ? Lieux stigmatisés, porteurs de mort, où rode une menace invisible. Qu’il s’agisse de Prypiat(2) , en Ukraine, ville abandonnée, ou de celles que le coronavirus hante. Un chemin inattendu relie ces espaces, dans un étrange silence qui tombe sur ces territoires de l’interdit.
Les laboratoires, le virus, la science, la centrale, ont en commun les notions de mystère, de secret, renforcés par le caractère impalpable de l'atome, ou celui invisible du virus. La centrale atomique appartient ainsi au fabuleux, au mystérieux et à l'incontrôlable. Le virus a droit à une représentation simplifiée, et une personnalisation qui fait de lui un guerrier qui cherche à détruire l’humanité.
Il y aura 34 ans que la catastrophe a eu lieu. Le 26 avril 1986. Mais nous-mêmes ne sommes- nous pas en état de catastrophe ? Alors que la pandémie touche la moitié du monde. En 1986 c’était un nuage toxique qui faisait le tour de la terre, menace invisible pour la santé des populations. A Tchernobyl ce fut la désespérance, la peur de la contamination, la fin d’un monde. Il a fallu fuir, monter dans les bus, les camions militaires, tout laisser derrière soi. La vie s’est arrêtée à Prypiat et dans les villages ukrainiens et biélorusses de la « zone interdite ». Quelques années après dans le cadre de l’aide internationale, l’Unesco a mis en place des programmes de sauvegarde du patrimoine et de soutien...