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par drapher

Un an de Macron : où donc ce président mène-t-il la France ?

Décryptage du "projet" macronien en action

Le président jupitérien, ni gauche ni droite et « hors du système » préside la France depuis bientôt un an. Sa volonté de « réformes » est au centre de sa politique « transformatrice » de l’Etat… et de la société. Analyse globale de la « nouvelle France « que créent Macron et ses troupes, au service du PDG de la startup-nation.

Jouer à faire comme les salariés : comme au théâtre, le PDG France s'amuse

Il n’est pas possible de comprendre la présidence Macron en se contentant de zoomer par instants sur ses saillies, ses discours ou chacune de ses réformes successives. En fragmentant cette politique — ce que font les réseaux sociaux de par leur incapacité à maintenir une vision continue de l’histoire — la volonté de « la plus haute autorité de l’Etat » échappe à l’analyse, et surtout, la nouvelle société qu’il tente de créer n’est pas compréhensible et encore moins clairement envisageable. Pourtant, une photographie d’ensemble est possible, et le « projet » bien visible…

La multinationale France

Le concept de « startup nation » élaboré par Macron est central dans sa politique de la transformation de la société. L’idée obsessionnelle du président issu du monde bancaire est de faire basculer la pays dans ses fondements — dont celui du rôle de l’Etat — dans un autre mode : celui de la multinationale.

La société que Macron rêve et a déjà commencé à créer est celle de la modernité par l’automatisation.

Le management présidentiel d’Emmanuel Macron est symptomatique de cette nouvelle voie où les concepts essentiels des services publics, par exemple, deviennent des « services » — rentables — avec des « clients ». Le XXIe siècle, pour le « président manager », est celui de la fin des Etats anciens et providentiels du vieux monde, au profit des Etats-entreprises performatifs. La France, pour Macron, n’est rien d’autre qu’une multinationale géante contenant elle-même des multinationales et qui se bat dans un monde de multinationales géantes contenant elles aussi… des multinationales.

Négation sociale, culturelle et… humaine

Cette vision du monde — et de son propre rôle — du président Macron, l’amène à des constats et des actions qui nient des dimensions fondamentales au sein de la société française. La première est la négation sociale : « dans un hall de gare il y a ceux qui ont réussi et il y a ceux qui ne sont rien » a dit le président. Qui sont donc ceux qui ont « réussi » ? Et qui sont, à l’opposé, ceux qui, n’ayant pas « réussi », ne sont rien ? Les startupers ainsi que tous ceux qui se plient à l’exercice de l’entreprenariat sont des gagnants, des battants, que le président déclare vouloir aider, inciter via sa multinationale France. Ce qui indique que tous les autres, les salariés, fonctionnaires ou non, précaires, petits salaires, ne sont rien. Et au delà de cette vision méprisante, ces « autres » sont niés dans leur condition sociale.

Deux classes sociales auraient donc remplacé les anciennes, dans la vision de Macron : les gagnants et les perdants de la mondialisation. Ceux qui « quémandent » un salaire et ceux qui « l’offrent ». La classe ouvrière, les classes moyennes, supérieures, la bourgeoisie grande ou moyenne, le monde rural, urbain, des quartiers, toutes ces différentes strates de la société créant des cultures, de l’affrontement comme de l’échange vont disparaître selon et avec Macron. Elles sont des scories du vieux monde. Quoi de mieux, effectivement, pour organiser et gérer une société que de n’avoir plus que deux camps économiques sans prise en compte de l’humain, du champ social et culturel ?

Automatisation, performances et compétition

La société que Macron rêve et a déjà commencé à créer est celle de la modernité par l’automatisation. Tout doit être automatisé pour parvenir aux performances optimales de chaque secteur d’activité, chaque service, chaque action dans la société. L’idée de la performance, de « l’optimisation permanente de tout » est obsessionnelle chez les dirigeants de grandes entreprises et l’automatisation des tâches, une obligation incontournable. Les plans sociaux récurrents des multinationales ne sont qu’une partie visible de l’iceberg de cette immense stratégie de l’optimisation par l’automatisation au service de la performance et de la compétition.

Le PDG » Macron aidé de son « DRH » Edouard Philippe, continuent à faire la leçon aux troupes

La casse humaine que ces « optimisations » créent est désormais très bien connue dans les entreprises, mais qu’en est-il au niveau d’un pays entier, avec un Etat procédant aux mêmes transformations à tous les niveaux ? Une compétition interne et externe basée sur l’automatisation et la performance permanente dans un pays est-elle soutenable ? Macron pense que oui et réforme dans ce sens : santé, justice, rail, éducation, fiscalité, travail, tout y passe.

Face au burn out général, le président « tient bon »

Comme tout dirigeant de [très grosse] entreprise qui restructure et "modernise sa boite", Emmanuel Macron produit de la souffrance humaine et sociale. Il le sait. Les hôpitaux avec leurs personnels épuisés, pressés par le management de la rentabilité tout comme les palais de Justice avec leurs sous effectifs et les pressions d'efficacité intenables, crament littéralement de la même manière que les salariés du privé écrasés sous les contraintes de productivité et de rentabilité avec maximisation des profits. Le burn out se généralise en France, avec un « PDG » Macron et son « DRH » Edouard Philippe qui continuent à faire la leçon aux troupes et estiment devoir, eux, « tenir bon » face à ces employés qui n’y arrivent plus, ou très mal, et demandent, pour une partie de stopper ce rouleau compresseur qui les rend malades… ou les tue.

Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront

Les cadres supérieurs de la startup nation que sont les députés et sénateurs LREM prennent très au sérieux la vision de leur PDG, et pour cause : il sont presque tous issus du « monde de l’entreprise » et croient aux vertus du management par l’injonction contradictoire, à l’optimisation des ressources humaines, au contrôle permanent, à l’automatisation des tâches, la gestion des process en conduite de projet. Les migrants, par exemple, ne sont rien d’autre qu’un flux à traiter. La récente loi sur l’asile et l’immigration n'est donc rien de plus qu’une fiche produit avec procès verbal de recette à venir dans la "conduite de projet macronienne" de la France.

Quand l’humanité n’est qu’un vernis de culture de salon

La fameuse culture humaniste d’Emmanuel Macron n’est qu’un attirail d'outils acquis pour séduire et convaincre. Les mots du « président pédégé » ne sont là que pour faire « passer la pilule » de la restructuration de la boite, comme le font tous les grands patrons du MEDEF. Connaître des tirades d’auteurs célèbres de théâtre sert avant tout à camoufler sa propre « froide mécanisation intérieure », celle des technocrates et autocrates de l’économie de marché dont la seule volonté est celle de maintenir leur élévation matérielle et financière au plus haut.

Il n’y aura pas de recul de Macron sur ses réformes de la justice, de la SNCF, du système universitaire, l’hôpital sera de plus en plus oppressé par des budgets insuffisants, comme la plupart des services publics. La culture, comme industrie pour les masses et niche conservatrice de "ceux qui ont réussi", dans les opéras et théâtres, n’étant qu’un produit comme les autres, il n’y aura pas de sursaut de ce côté là non plus.

Une fois les algorithmes en apprentissage automatique mis en place un peu partout, les budgets de services publics bien essorés et les recettes redistribuées au plus riches (avec ou sans entreprises) tout en écrasant les plus faibles revenus sous des prétextes de création d’emploi et d’obligation à travailler — même pour des salaires offrant à peu près autant de pouvoir d’achat que les minimums sociaux et une précarité galopante — Macron s’applaudira lui-même. Et il récitera probablement au bon peuple qui l'a élu, un vers de René Char :

« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.»

Ou encore :

« Tiens vis-à-vis des autres ce que tu t'es promis à toi seul. Là est ton contrat. »

Nous n’en sommes qu’a la première année du projet d’Emmanuel Macron. Restent encore quatre années de ce régime de restructuration intensif.

Le burn out de la population est-il tenable ?

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