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Dossier
par Jacques Duplessy

Ukraine : des Français prêts à rejoindre la Légion des volontaires étrangers

Le président Zelensky assure que 20.000 étrangers se sont déjà engagés aux côtés de l'armée ukrainienne.

Anciens militaires, jeunes plus ou moins désœuvrés, ils sont nombreux devant l'ambassade d'Ukraine et sur les réseaux sociaux à affirmer vouloir combattre en Ukraine. Si certains profils sont très sérieux, d'autres paraissent bien farfelus. Rencontres...

Devant l'ambassade d'Ukraine, des Français cherchent à partir combattre - © Reflets

Devant l’ambassade d’Ukraine à Paris, des bouquets de fleurs jaunes et bleues, une icône de la Vierge et des bougies. Sur l’allée centrale de cette avenue chic, un groupe d’une quinzaine d’hommes attire mon attention. Ils sont en discussion animée avec le chauffeur d’un minibus ukrainien qui ne parle ni le Français, ni l’Anglais. Une jeune femme ukrainienne assure la traduction. Ils tentent de convaincre le chauffeur de les déposer en Pologne où l’un d’entre eux à un contact. Les volontaires présents sont en majorité très jeunes. Ils portent des petits sacs à dos et aucun ne semble être habillé chaudement.

Théo, 22 ans, arrive de Saône-et-Loire. Ce boucher au chômage a entendu l’appel du président Zelensky et dit vouloir « faire quelque chose d’utile ». Il n’a aucune expérience militaire, juste un diplôme de secouriste. Autour de lui d’autres jeunes hommes, paraissant un peu paumés, insistent également pour partir.

Pierre, un ancien militaire, réserviste au 27e bataillon de chasseurs alpins, contemple cette petite troupe avec effroi : « Ça fait peur, me glisse t-il. Ils ne sont absolument pas préparés, ils n’ont aucune idée de ce qui les attend là-bas... »

Franck, un ancien légionnaire parle au groupe : « On n’est pas dans un jeu vidéo, vous comprenez ? Sachez que là où vous allez, ça peut être un aller simple! » Pourtant, tous assurent qu’ils veulent se battre.

Joe, un second ex-légionnaire, souhaite également reprendre du service : « Cette guerre est à nos portes, après l’Ukraine, ça sera au tour de qui ? De la Pologne ? Je ne pourrais pas regarder mon fils dans les yeux si je ne fais rien. J’ai les qualifications requises : servant de mortier, tireur d’élite, tireur anti-char... » Lui aussi s’inquiète pour ces « jeunes recrues » sans expérience : « Ce n’est pas Call of duty. La guerre, ce n’est pas marrant, ils vont voir de sales choses, et peut-être même mourir... »

Impatients, tous insistent auprès du chauffeur pour partir au plus vite. Tous, sauf un qui semble finalement vouloir renoncer au combat pour s'engager vers l’humanitaire. La traductrice demande à voir le contenu des sacs à dos pour vérifier s’ils ont des vêtements chauds et de bonnes chaussures. La jeune ukrainienne soupire : « Il y a trop de gosses ici, je n’ai pas l’impression qu’ils aient conscience de la guerre. Je ne veux pas les aider à partir, j’aurais leur mort sur la conscience. » Après un dernier conciliabule avec le chauffeur, personne ne prendra la route.

Déçus, les jeunes regardent s'éloigner la camionnette. Ils échafaudent des plans B pour rejoindre l’Ukraine. Mais le réel les rattrape aussitôt. « Où je vais dormir si on ne part pas ce soir, s’interroge l’un. Je n’ai même pas l’argent pour rentrer chez moi et je ne connais personne à Paris. » « Appelle le 115, le Samu social va te loger », répond l’un d’eux. « Vraiment, on passe pour des rigolos... », conclut un autre.

Pendant ce temps-là, à 2.000 km de Paris, dans la ville d’Ivano-Frankivsk, le commandant David, un ancien militaire français de l’armée de terre, se prépare à combattre et à faciliter la venue d’autres volontaires. Le 24 janvier, au début du conflit, David était en vacances en France. Il a immédiatement sauté dans une voiture pour retrouver sa femme ukrainienne et ses deux enfants.

Membre d’une organisation internationale, il a choisi de mettre ses compétences au service de la résistance ukrainienne. Comme tous les officiers de l’armée française il a l’expérience de la guerre, en Irak et en Afghanistan notamment. « Je n’engage ni la France, ni l’armée française par mon choix, tient-il à souligner, je n’ai aucun lien avec eux. _Quand j’ai entendu l’annonce du président Zelensky annonçant la création de la Légion des volontaires étrangers, j’ai voulu en savoir plus. Par mes fonctions, j’avais de nombreux contacts avec les autorités et les services de sécurité. Et là, on m’a dit qu’il n’y avait pas de consignes bien définies. Alors avec les services de sécurité, on a rédigé un projet en 24 heures qui a été envoyé à Kiev, et qui a été approuvé » Le commandant a aussi créé une page Facebook, « la Légion des volontaires internationaux pour la liberté » afin de lancer un appel aux volontaires étrangers.

Le commandant David lance un appel aux volontaires étrangers

Après un peu de flottement, le projet de Légion des volontaires étrangers a été repris par l’état-major de l’armée ukrainienne. Le commandant David a placé sa famille à l’abri et va désormais s’engager officiellement dans l’armée ukrainienne. « J’espère qu’on me confiera la mission de continuer à organiser cette Légion des volontaires étrangers, mais je suis aussi prêt à partir au front, là où on me dira d’aller »

Le commandant David a aussi lancé en France un fonds pour collecter de l’argent qui servira à l’équipement des volontaires, mais aussi à payer des assurances pour les combattants et leur famille en cas de blessures ou de décès. « Nous ne sommes pas des mercenaires, nous rappelle l’ancien militaire, on ne sera pas davantage payé que les soldats ukrainiens, soit 450 € par mois. »

L’ex-militaire français ne se fait pas d’illusion, il en est certain, la guerre sera totale: « Mon pays, c’est la France, je l’aime. Ici, je combats pour les valeurs de liberté et de démocratie. C’est un combat de civilisation. La Russie veut détruire l’identité ukrainienne. »

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