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par Jacques Duplessy

Tortures, exécutions, déportations d'enfants : les crimes de guerre de la Russie

La Commission d’enquête de l'ONU sur l’Ukraine a conclu que des crimes de guerre ont été commis dans le pays

La terreur est l'une des armes utilisées par la Russie contre l'Ukraine. Les populations civiles sont quotidiennement bombardées en représailles de la résistance de l'armée de Kyiv. Dans les zones libérées, les enquêteurs découvrent l'étendue des exactions.

Quartier de Saltivka à Kharkiv, Ukraine, le 26 septembre 2022 - Ministère de la Défense ukrainien

Le monde a découvert les crimes de guerre russes en Ukraine début avril, lorsque l’armée de Vladimir Poutine s’est retirée des environs de Kyiv après avoir échoué à conquérir la capitale. Rien que pour la commune de Butcha, les autorités déplorent plus de 450 morts. Dans l’ensemble de la région de Kyiv (dont la ville d’Irpin), le total est supérieur à 1.300 victimes. Le retentissement mondial a été important, mais l’étendue des crimes commis n’a rien de surprenant quand on connaît le comportement de l’armée russe en Syrie ou en Tchétchénie.

Les autorités estiment que près d’un habitant sur quatre de Marioupol a été tué à cause de la guerre. Évidemment, ces chiffres terribles semblent incroyables et peuvent relever de la propagande en temps de guerre. Au fond ce qui importe, est que les bombardements indiscriminés sur les civils sont quotidiens : comme en Tchétchénie, l’armée russe pilonne massivement pour conquérir des villes, sans tenir compte de la présence de civils.

Mais il y a aussi chaque jour les frappes aveugles pour terroriser les civils loin de lignes de front. Des statistiques des cibles des missiles russes montrent qu’elles touchent davantage des zones civiles sans valeur militaire que des infrastructures critiques ou des cibles militaires… L’objectif est de punir l’Ukraine pour sa résistance. Ces bombardement ont augmenté, par exemple, après la libération de la région de Kharkiv. Une violence gratuite, signe de l’échec russe.

Quartier de Saltivka à Kharkiv, Ukraine, le 26 septembre 2022 - Ministère de la Défense ukrainien
Quartier de Saltivka à Kharkiv, Ukraine, le 26 septembre 2022 - Ministère de la Défense ukrainien

Lieux de tortures

Et qui dit zone libérée dit découverte de nouveaux crimes : Serhiy Panteleyev, le premier adjoint du département de police criminelle a dévoilé que 18 lieux de torture avaient été découverts dans la région et que plus de 1.000 soldats russes étaient impliqués dans des crimes de guerre.

De nombreux témoignages de tortures émergent dans les zones récemment reconquises. Sur France Inter, un homme suspecté d’être membre de la résistance ukrainienne témoignait ce dimanche : « J’ai été tabassé quotidiennement tous les matins pendant dix jours, parfois torturé à l’électricité. Puis un matin, un soldat est venu me chercher, on m’a mis un sac sur la tête puis conduit dans une cours contre un mur. J’ai compris qu’ils allaient me tuer. J’ai demandé à fumer une dernière cigarette, puis j’ai mis mes mains dans le dos et j’ai dis : "je suis prêt." Le soldat a tiré mais au-dessus de ma tête… J’ai été libéré par notre armée. »

Une chambre de torture découverte dans la région de Kharkiv - Ministère de la Défense ukrainien
Une chambre de torture découverte dans la région de Kharkiv - Ministère de la Défense ukrainien

Demain juger la Russie ?

Une commission d’enquête internationale a été mise en place sous l’égide des Nations Unies. « Sur la base de ses enquêtes sur les événements survenus dans les régions de Kyïv, Tchernihiv, Kharkiv et Soumy, la Commission internationale indépendante d’enquête sur l’Ukraine a conclu que des crimes de guerre ont été commis en Ukraine », a déclaré vendredi 23 septembre son Président, Erik Møse, au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. La commission mentionne aussi des violences sexuelles commises par des soldats russes sur des victimes âgée de 4 à 82 ans. Il mentionne aussi deux cas de mauvais traitements de soldats ukrainiens sur des soldats russes.

Dans les zones occupées, l’armée russe a mis en place des camps de filtration pour tenter de briser la résistance dans les territoires occupés et a organisé la déportation d’enfants ukrainiens vers la Russie. 300.000 enfants ukrainiens seraient retenus en Ukraine sans contrôle extérieur, selon l’ONG Stand with Ukraine. Certains de ces enfants sont déjà « en cours de rééducation » dans des orphelinats ─ c'est-à-dire de russification ! ─, comme s’en est vantée la première chaîne de télévision russe. D’autres auraient été adoptés par des familles russes.

Le traitement des prisonniers de guerre pose aussi question et pourraient constituer un crime de guerre. L’article 20 de la convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre stipule : « La Puissance détentrice fournira aux prisonniers de guerre évacués de l'eau potable et de la nourriture en suffisance ainsi que les vêtements et les soins médicaux nécessaires. » Or dans un très récent échange de prisonniers, les photos des défenseurs de Marioupol sont insoutenables : elles montrent des hommes squelettiques rappelant la libération des camps de la mort.

Dans un article très fouillé, Dalloz Actualité, la revue spécialisée du droit, détaille la mobilisation judiciaire sans précédent pour juger les crimes de guerre en Ukraine. Une vingtaine d’États ont ouvert des enquêtes judiciaires en raison des actes commis sur leurs ressortissants, mais certains l'ont fait au titre de la compétence universelle pour ce type de violation des droits humains.

Devant l’ONU, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exigé un «châtiment juste» contre la Russie et a appelé à la création d’un tribunal spécial pour juger la Russie «pour son crime d'agression contre notre État».

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