Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

Sur Internet Éric Zemmour ne fait pas dans le souverain

Mais ses équipes ont déployé une infrastructure de candidat

L'homme, pas encore officiellement candidat, déroule ses idées rances sur tous les écrans tout en criant pourtant sans cesse à la censure. Conscients que désormais, une élection ne se gagne pas uniquement via la télévision, mais aussi grâce à Internet, ses « amis » ont déployé une présence sur le réseau, digne d'un candidat. Étonnamment, les technologies déployées ne sont pas très françaises.

Son nom, il le signe à la pointe de l'épée. D'un Z qui veut dire...

Pas encore candidat, mais invité partout, objet de toutes les conjectures sur les plateaux des chaînes de télévision peuplés de toutologues, Éric Zemmour est au coeur du brouhaha médiatique. Bien que condamné pour incitation à la haine raciale, il déroule ses idées seul lorsqu'il est invité, mais elles se déploient également sans lui dans tous les journaux et toutes les chaînes de radio et de télé, qui ne manquent pas de servir de caisse de résonance à ses polémiques stériles et mortifères. On rejoue l'ascension de Trump ou d'Emmanuel Macron. Le système médiatique crée ex nihilo un homme providentiel. Sa profondeur est évidement inversement proportionnelle au bruit généré. En parallèle de cette campagne déguisée, l'entourage d'Éric Zemmour déploie sur Internet, depuis juin, les outils d'un campagne numérique semblable à celle d'un vrai candidat. Le Monde a publié un panorama de cette infrastructure.

Depuis juin, l'association « Les amis de Zemmour » a enregistré quelque 33 noms de domaines.

Il y a bien sûr les évidents ericzemmourpresident.fr, pourzemmour.fr, zemmour2022.fr ou zemmour-officiel.fr, mais il y a aussi des noms de domaines plus incongrus comme jeunes-lr-avec-zemmour.fr, fdo-aveczemmour.fr, ou gilets-jaunes-avec-zemmour.fr...

Liste des noms de domaines enregistrés par l'association Les amis d'Éric Zemmour
Liste des noms de domaines enregistrés par l'association Les amis d'Éric Zemmour

Il y a également, évidemment, des comptes Instagram, Twitter, Facebook, Telegram, liés à la galaxie de sites.

Mais surtout, l'homme qui se veut plus Français que Clovis et Jeanne d'Arc réunis et qui se veut plus souverainiste que Marine Le Pen à qui il tente de piquer le fonds de commerce, n'hésite pas à se reposer sur des solutions techniques très américaines. Les données personnelles de ses soutiens fuitent allègrement chez Google, Cloudfare, NationBuilder, on en passe.

Embryon de cartographie des assets des Amis d'Éric Zemmour sur le Net
Embryon de cartographie des assets des Amis d'Éric Zemmour sur le Net

Il n'y a évidemment pas un serveur Web derrière chaque nom de domaine réservé, mais plusieurs sont déjà en ligne. Les sites font appel aux produits habituels de Google et communiquent donc au géant du Net les adresses IP des visiteurs. Dans les faits, cela signifie que si un visiteur a un compte Gmail ouvert dans un onglet, Google va mettre à jour sa fiche avec une information relevant une appétence pour les idées du polémiste. Aux États-Unis, on ne s'embarrasse pas des mêmes réserves au moment de noter dans un coin les opinions politiques des prospects.

Facebook et Twitter sont également présents dans le cade de plusieurs sites et se gavent également de données sur les visiteurs de la galaxie de sites du polémiste.

On trouve aussi du Cloudfront à tous les étages de l'infrastructure.

Code source de l'un des sites
Code source de l'un des sites

Mieux, les mails de Lesamisdericzemmour.fr sont gérés par Google.

Les serveurs de mails des Amis d'Éric Zemmour sont gérés par Google
Les serveurs de mails des Amis d'Éric Zemmour sont gérés par Google

Ce n'est pas comme s'il n'existait pas des alternatives made in France pour toutes ces choses techniques...

Décidément, chez les amis d'Éric Zemmour on crie très fort son amour de la patrie mais on offre gratuitement les données de ses visiteurs aux géants américains et l'on s'héberge aux États-Unis.

Un site de Zemmour, ça traque énormément (liste de trackers sur l'un des serveurs)
Un site de Zemmour, ça traque énormément (liste de trackers sur l'un des serveurs)

Autre particularité notée à juste titre par Le Monde et qui nous a sauté aux yeux lorsque nous avons réalisé cette cartographie, Éric Zemmour utilise les services de NationBuilder, un outil de gestion de bases de données spécialisé dans les campagnes électorales. NationBuilder met en avant sur son site des projets tout beaux, tout verts, mais pas trop l'aide qu'il apporte à la promotion des idées rances d'Éric Zemmour. L'argent n'a pas d'odeur.

NationBuilder favorise les beaux projets
NationBuilder favorise les beaux projets

NationBuilder avait été utilisé par l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron en 2017. Mais aussi par Obama, Donald Trump, Nathalie Kosciusko-Morizet ou Jean-Luc Mélenchon. En Marche avait reçu un devis de 74.000 dollars, proposition accompagnée d'une remise de 30%.

Devis NationBuilder pour En Marche
Devis NationBuilder pour En Marche

Le prix de la solution laisse entendre qu'Éric Zemmour est candidat. Sans quoi il ne collecterait pas tous les contacts potentiels sur cette galaxie de sites via NationBuilder.

En marge de cette galaxie de site, on trouve aussi celui de generation-zemmour.fr, porté par Eléonore Lhéritier, responsable de Elagency.fr. Le site, reposant sur un Wordpress est mal installé et laisse fuiter des documents contenant des données personnelles. Une petite cerise flétrie sur le gâteau malodorant que nous proposent les équipes du polémiste toutologue...

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