Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Elvire Debord

Souveraineté numérique européenne : le cloud du spectacle

A l'heure des grandes négociations sur le numérique, la France n'oublie pas les Américains

Dans le cadre de la présidence française de l'UE, quatre ministres et pas des moindres, vont participer à partir de lundi à une conférence sur « la souveraineté numérique de l’Europe ». Quelques invités (Google, Youtube, Microsoft, ...) intriguant un peu, les organisateurs ont revu leur copie et le programme n'a été finalisé que 72h avant le début des festivités. Google et Youtube ont disparu des listes. Une intervention cyber-divine ?

Un programme décoiffant

Pas moins de 4 ministres, - Bruno Le Maire, Jean-Yves Le Drian, Clément Beaune (Affaires Européennes) et l’indispensable Cédric O -, sont mobilisés, les 7 et 8 février à Bercy, pour débattre de « la souveraineté numérique de l’Europe ». Cette conférence, organisée dans le cadre de la présidence française de l’UE, entend promouvoir les « quatre piliers de la souveraineté numérique européenne » : la sécurité, l’innovation, les régulations et les valeurs, et enfin, l’ouverture.

Question ouverture, justement, la liste des invités n’a été finalisée et rendue publique que moins de 72h avant le lancement des festivités. Avec son lot de disparitions et d’apparitions dans un casting qui ne manque pas de piquant…

Parmi les huiles prévues initialement pour la table ronde intitulée « Une souveraineté qui respecte nos valeurs : Mieux réguler et mieux responsabiliser les services numériques en Europe », étaient annoncés Kent Walker, le président et directeur des affaires juridiques de Google, et Susan Wojcicki, la pédégère de YouTube. Deux amoureux notoires de la régulation, surtout lorsqu’elle vient de Bruxelles… Las ! D’après le cabinet de Cédric O, des « soucis de décalage horaire » ont eu raison de leur participation. Une tuile… imprévisible !

Le programme le 30 janvier 2022
Le programme le 30 janvier 2022

Autre aficionado de la régulation à la sauce européenne, Mark Buse, VP des affaires publiques de Match Group (le géant du flirt en ligne, avec notamment, Tinder, Meetic, etc…) est également passé à la trappe quelques jours seulement avant le raout de Bercy. Aussi radical qu’un swipe.

Côté apparitions miraculeuses, cette fois, Michel Paulin, le DG d’OVHcloud, a été ajouté à la table ronde consacrée au stockage de données en Europe.

Un invité de marque… déposée

Encore plus farce : pour le débat « Rétablir des règles du jeu équitables sur les marchés numériques », Bercy a organisé l’intervention en visio-conférence de Brad Smith, le grand taulier de Microsoft. Même pas peur, cette fois, des décalages horaires… Lequel Microsoft collectionne les amendes pour abus de position dominante et fait justement l’objet d’une nouvelle plainte devant la Commission européenne, toujours pour le même motif, contre ses outils maisons de stockage de données (le fameux « cloud ») et de visioconférence. Question « règles du jeu équitable », c’est le niveau expert…

Le même programme, le 5 février 2022
Le même programme, le 5 février 2022

Au cabinet de Cédric O, le sous-ministre du numérique, on justifie cette présence désintéressée avec un argument tout en humilité : « Il est normal d’entendre ceux que nous allons réguler » (sic). Une position qui fait rire (jaune) l’une des éminences françaises du secteur : « C’est incompréhensible de dérouler le tapis rouge aux géants américains, et d’oublier certains acteurs majeurs français comme Orange, Atos, Thalès ou Outscale, la filiale cloud de Dassault Systèmes !… Au fond, c’est une réunion d’éleveurs qui invitent les loups pour trouver de meilleures protections pour leur enclos… »

Sûr que les futurs « régulés », Microsoft et autres GAFAM, auront plein de bonnes idées à proposer pour la souveraineté numérique de l’Europe…

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