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par Antoine Champagne - kitetoa

Si on ne peut plus étrangler en paix...

Que vont devenir les pauvres policiers s'interrogent les syndicats

Le ministre de l'intérieur, Christophe Castaner a annoncé la fin de la technique dite de l'étranglement, pour immobiliser une personne. Les syndicats des forces de l'ordre sont immédiatement montées au créneau. Mais comment faire pour interpeler quelqu'un qui s'oppose ? Bilan de ces déclarations ? Il n'y a pas de limite à la fausse naïveté.

Bas Rutten en connaît un rayon, sur l'étrangelement - Copie d'écran

Le Monde rapporte ce soir les propos des syndicats de policiers après l'annonce faite par Christophe Castaner de l'abandon de la technique de l'étranglement :

Du côté du syndicat des gardiens de la paix Alliance, on se dit « dubitatif » face à ces annonces, « notamment sur la suppression de la technique d’étranglement », a déclaré Frédéric Lagache, délégué national. « Dès lors qu’elle est faite dans un court instant, c’est la seule technique qui permette aux agents de maîtriser un individu dont le poids est supérieur », observe-t-il. « Sinon, on en sera réduit au combat de rue ou à l’utilisation du taser », estime-t-il. Yves Lefebvre, secrétaire général du syndicat Unité-SGP-Police, s’interroge également : « si quelqu’un refuse de se faire interpeller et si on n’a plus la clé d’étranglement, qu’est-ce qu’on fait ?».

Ces déclarations appellent quelques commentaires. Tout d'abord, quelques digressions sur le combat pour ceux qui ne pratiquent pas. Et on espère qu'ils sont nombreux.

Il existe toutes sortes de combats. La majorité de ce à quoi on peut assister dans la rue relève du combat de coqs. Chacun parade et tente d'impressionner l'adversaire mais au fond, personne ne souhaite la mort de l'autre et le combat s'arrête vite, il suffit d'un peu de sang. Un accident (blessure grave) est rare.

Il existe aussi des combats de survie. Ce que l'on peut aisément imaginer en temps de guerre. Dès le début de la confrontation, chaque adversaire sait qu'il doit rester vivant et que pour cela, l'autre doit mourir. C'est beaucoup plus rare, y compris dans des combats de rue.

Pour bien appréhender ces "subtilités", il faut se reporter aux écrits nombreux de Henry Plée et ses passionnantes chroniques martiales dont vous trouverez quelques exemplaires ici. Le travail d'Henry Plée en termes de démystification des arts martiaux est salutaire. Même s'il a lui-même contribué à mystifier par ailleurs.

En matière de "baston", il est toujours utile d'être prudent. Dix ans de pratique ne font pas forcément un bon combattant pour des combats de survie. Les techniques magiques d'arts martiaux sont souvent très compliquées à placer en combat réel. En outre, les pratiquants ont rapidement tendance à penser que l'art qu'ils pratique est le plus efficace, le pus puissant, le plus tout. Mais il y a toujours quelqu'un de plus calé que soi... L'oublier, c'est perdre par avance. Enfin, les arts martiaux enseignés dans la plupart des écoles sont des sports. Ils ont été expurgés de ce qui fait leur dangerosité.

Mais alors ? Revenons à nos moutons, nos forces de l'ordre, comment vont-elles faire ?

Il faut encore digresser. Expliquer la technique de l'étranglement. Je vais parler ici sous le contrôle d'autres personnes sans doute bien plus au point que moi sur ce sujet (les commentaires sont là pour ça) car je ne prétends détenir en ces sujets aucune vérité. La technique de l'étranglement porte mal son nom. Elle n'est pas dangereuse en ce sens que l'on perd la possibilité de respirer, mais plutôt parce que cette prise exerce une pression sur les artères qui irriguent le cerveau.

Cette prise, on la pratique dans toutes les écoles d'arts martiaux qui se respectent. Et les professeurs expliquent généralement avant quels sont les risques pour que chacun puisse la pratiquer en sécurité pour son partenaire.

Si ma mémoire est bonne, au bout de quelques instants, la personne sur les artères de qui on exerce la pression va tomber dans les pommes, puis commencer à convulser. Très vite après le début des convulsions, sans action "médicale" la mort interviendra.

Sur les méthodes permettant de ranimer (ou de tuer) Heny Plée a également publié deux livre, avec Fujita Saiko, qui sont incontournables :

  • L'Art sublime et ultime des points vitaux
  • L'art Sublime et Ultime des points de vie

Voilà pourquoi sur une intervention dans la rue, avec une personne éméchée, sous drogue, énervée, cette technique ne doit pas être envisagée. D'autant plus si le policier a été formé à la va-vite. Car le risque de décès est très important.

Oui mais si on ne peut plus étrangler en paix...

Mais voilà, les syndicats de police s'emportent. Comment diable va-t-on maitriser quelqu'un qui ne veut pas être maitrisé si on ne peut pas l'étrangler ? On vous le demande.

Cette fausse naïveté est confondante. Elle est une insulte à l'intelligence des Français.

On va faire une liste parce que sinon on ne va pas s'en sortir.

1) Les policiers qui veulent interpeler une personne ne sont jamais seuls. Ils sont très nombreux et pourront toujours maitriser un homme seul à plusieurs sans le tuer ou l'étrangler. En outre, pour étrangler, il faut aller au contact et risquer en cela sa vie.

Pour bien comprendre comment un homme seul peut tuer une personne qui s'approche trop de lui, vous pouvez regarder cette vidéo de Bas Rutten sur Youtube :

Vous allez vite comprendre quelques concepts comme la distance à respecter pour éviter les problèmes, la rapidité avec laquelle on peut se retrouver KO ou avec la gorge tranchée. La technique d'étranglement n'aide en rien pour éviter cela.

2) Les policiers sont dans la plupart des cas mieux entraînés au combat que les personnes qu'elles veulent interpeller. Ils ont un avantage énorme en ce sens. Un peu comme un vrai pratiquant d'arts martiaux face à celui qui voudrait engager un combat de coqs.

Pour bien comprendre cela, il vous suffit de regarder attentivement cette vidéo (jusqu'à la fin) :

3) Les policiers sont beaucoup mieux équipés que les personnes qu'ils veulent interpeler. Il suffit d'avoir passé quelques heures dans une manifestation qui dégénère pour comprendre que celui qui voudrait assommer un policier en maintien de l'ordre devrait se lever tôt. Mais allons dans le sens de la réflexion que l'on anticipe déjà de la part des syndicats : oui, toutes les interpellations ne se font pas avec l'équipement porté pour le maintien de l'ordre. OK. Mais l'interpellé a rarement un tonfa, une matraque télescopique, un pistolet, un tazer, des gants coqués, une protection pour les parties génitales et....

4) Voilà le quatrième point, merci pour la transition Roger. Il existe des dizaines de techniques visant à sécher un adversaire. La plus évidente, y compris pour ceux qui ne pratiquent pas les arts martiaux, consiste à frapper les parties génitales. Mais il y en a bien d'autres. Attraper le petit doigt, frapper les yeux, la glotte, claquer les oreilles, exploser un tibia (casser du bois), on en passe et bien entendu, mais plus compliqué à placer en combat, tous les Chin Na :

5) MAIS SURTOUT !!! Il y a une méthode qui fonctionne toujours, ne blesse personne : le dialogue. Penser l'interpellation uniquement en termes de rapports physiques violents, dangereux et potentiellement mortels est une hérésie. Les membres de la société ne sont pas des ennemis du système qu'il convient de soumettre par la violence. Penser le travail des gardiens de la paix républicaine uniquement comme un affrontement avec des personnes hostiles qui deviennent ainsi des ennemis à combattre est dangereux. Car on peut vite passer du combat de coqs à un combat de survie et se laisser aller à des instincts que l'humain a mis des millénaires à réprimer, mais qui sont toujours là, enfouis. Savoir maîtriser cela, c'est surtout cela l'enseignement des arts martiaux.

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