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Reflets poursuivi par Altice : la liberté d'informer menacée

Le groupe de Patrick Drahi tente de contourner le droit de la presse. Altice a des milliards, nous avons un site Web. Aidez-nous à défendre la liberté de la presse.

par Eric Bouliere

Science & Vie ou la bourse ?

La presse magazine sous idéologie comptable d'une mirifique Start-up Nation.

Question: comment faire de l'argent avec un groupe de presse. Réponse: réduire la masse salariale et accueillir de jeunes recrues formées en alternance. C'est fou comme tout devient limpide dans le monde éclairé des businessmen de la French-Tech…

Une revue créée en 1913 malmenée par la science de 2021

Les hostilités sont ouvertes. D’un côté un magazine de renom créé en 1913, Science & Vie, et de l’autre Reworld Média, un Leading Media Group se reconnaissant comme éditeur de contenus de qualité résolument ancré dans l’ère des nouvelles technologies (sic). Deux mondes. Le premier s’honore de sa vérité scientifique, le second se félicite de ses cotations boursières.

Rappelons que Reworld s’est porté acquéreur de tous les journaux de l’éditeur italien Mondadori en 2019 (30 titres, dont S & V). La nouvelle direction vise un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros pour 2021. Le big boss, Pascal Chevalier, n’hésite plus à se présenter comme «un geek reconverti dans le business». Quant à Jérémy Parola, le jeune directeur des activités numériques, lui, préfère se coiffer d’une réussite acquise au sein du journal économique La Tribune: «Quand je suis arrivé on était 300, je suis reparti, on était une vingtaine. On ne peut pas dire que ce soit un modèle d’hyper croissance, même si les choses faites étaient hyper belles, et j’en ressens encore aujourd’hui une grande fierté». À cette époque, le directeur de La Tribune n’est autre que Gautier Normand, l’actuel associé co-fondateur de Reworld Média.

Le choc du chiffre vaut mieux que le poids des mots
Le choc du chiffre vaut mieux que le poids des mots

Pas de quoi rassurer les journalistes de Science & Vie qui dénoncent de grossières erreurs éditoriales et déplorent « un nombre inimaginable d’informations erronées et publiées sur un site internet qui est désormais placé sous l’autorité de chargés de contenus dont on ignore tout, jusqu’à leurs compétences dans le domaine scientifique ».

Vous avez demandé la culture…

Face à l’inéluctable, les syndicats de la presse se sont empressés d’alerter les différents locataires de la rue de Valois. Tirons un trait sur la mandature de Fleur Pellerin, qui, à peine démise de sa fonction ministérielle, ne verra aucun inconvénient à venir siéger au conseil d’administration de Reworld Média.

Interpellé dès son arrivée à la culture, le ministre Franck Riester déclarera pour sa part « suivre avec attention et vigilance ce dossier ». Fichtre, quelle audace! Il n'hésitera pas une seconde à trouver des solutions en conseillant aux journalistes de « saisir l'inspection du travail en cas de non respect des conditions négociées pendant la cession… ». Bref, l’affaire échoit donc aujourd’hui à Roselyne Bachelot mais le ton est monté depuis que Reworld a mis la main sur la rédaction en poussant dehors son directeur et en prenant le contrôle du site Internet. A la colère des journalistes de Science &Vie est venue s'agréger l'indignation de quelques 300 universitaires et scientifiques, tous se déclarant profondément indignés du manque de sérieux ou de véracité des dernières publications. Les choses se sont envenimées d'autant que Reworld vient d'encaisser 33 millions de prêt garanti par l’État dans le cadre de la crise sanitaire. Plusieurs députés (dont l’un siège au parlement européen) s'en sont singulièrement offusqués auprès de la Ministre tout en s’interrogeant sur le véritable statut de cette nouvelle entité financière.

Les députés relancent Mme Bachelot...
Les députés relancent Mme Bachelot...

La question de l'ADN véritable de Reworld est désormais au centre du débat : éditeur de presse, agence de pub, courtier en bourse ou marchand de sable ? La nouvelle année apportera peut-être une suite concrète à cette affaire puisque Mme Bachelot vient de charger la conseillère d'état Mme Laurence Franceschini d'une mission de réflexion sur les conditions d'accès aux aides à la presse.

La mise en place d'une commission. bonne idée!
La mise en place d'une commission. bonne idée!

Il s'agit donc bien là de savoir si cette Start-up classée 4e au rang des meilleures entreprises de la French-Tech peut encore prétendre au titre de groupe de presse alors que les journalistes y sont de moins en moins nombreux. Le vertueux rapport est attendu en mars. Qui sait, on pourrait peut-être y découvrir que la science et la vie de Reworld-Media ne tenaient qu’à un fil de discussion monétisable…

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