Journal d'investigation en ligne
par Antoine Champagne - kitetoa

Sarkozy : un prévenu comme les autres, ou presque

Selon que vous serez puissant ou misérable…

La première semaine du procès dit du financement libyen de la campagne de 2007 s’est achevée. Que retenir des premiers instants d’un procès, hors norme, contre un ancien président et ses ministres, pour détournement de fonds publics libyens et association de malfaiteurs ?

Palais de Justice de Paris - © Reflets
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Nicolas Sarkozy a fait du Nicolas Sarkozy. Dès le premier jour de son procès pour un pacte de corruption, qualifié précisément de « détournement de fonds publics, corruption passive, financement illégal de campagne électorale et association de malfaiteurs en vue de commettre une infraction punie de 10 ans d’emprisonnement », il apparait avec un grand sourire forcé et figé. Ses tics nerveux trahissent pourtant une inquiétude sans doute réelle. L’ancien président de la république joue son avenir dans cette salle, la plus grande du palais de justice de Paris. La presse est là, en masse, pour scruter l’ancien homme providentiel.

Mais si les journalistes ont bien relevé la première escarmouche verbale entre le parquet et Nicolas Sarkozy, ils n’ont pas rendu compte d’un détail qui remet au gout du jour les mots de La Fontaine : « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Lors d’une suspension, Nicolas Sarkozy s’approche, toujours souriant, des trois représentants du parquet et entame une petite discussion.

Imaginons un instant un prévenu pour vol de voiture qui viendrait tailler une bavette avec le procureur lors de son procès… Il serait immédiatement renvoyé sur le banc des prévenus et le procureur afficherait une mine affligée.

De même, en entrant dans le tribunal le premier jour, Nicolas Sarkozy serre ostensiblement la main des policiers en faction qui lui ont renvoyé des sourires.

Il y a bien deux types de prévenus devant la justice, qu’elle le veuille ou non. Le prévenu ordinaire et l’ancien président de la république (et ministre de l’intérieur). Au premier, on fait aisément la leçon, on lui rappelle qu’il s’est placé en dehors de la société en en bafouant les règles, au second, on affiche sourires entendus et poignées de mains.

C'est un complot !

Il faut dire que Nicolas Sarkozy comme ses co-prévenus, Brice Hortefeux, Claude Guéant et Éric Woerth s’estiment - ils l’ont martelé à la barre dans leur déclaration préliminaire (sauf Éric Woerth qui était absent ce jour-là) - totalement innocents.

Dix ans d’enquête minutieuse de la justice, des dizaines d’articles truffés de révélations, des faits incontestables, tout cela n’existe pas, tout cela est pure invention. Nicolas Sarkozy entend bien le prouver, lui qui affirme que tout cela est « un complot ». Bienvenue dans la post-vérité.

« Dix ans de calomnies, quarante-huit heures de garde à vue, soixante heures d’interrogatoire, dix ans d’enquête, quatre mois devant le tribunal. J’affirme, comme je l’ai fait au début de la procédure, vous ne trouverez jamais, jamais, non pas un euro libyen, mais pas un centime libyen. ». L’avocat, profession qu’il dit exercer, a visiblement des lacunes en droit.

Il n’est pas nécessaire qu’il y ait une contrepartie financière pour qu’il y ait corruption. Et il le sait, d’ailleurs, puisqu’il vient d’être condamné définitivement à trois ans d’emprisonnement, dont un an ferme sous bracelet électronique dans l’affaire « Bismuth » pour avoir tenté de corrompre un magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert, afin qu’il le renseigne sur les enquêtes judiciaires en cours le concernant, en échange d’un poste de magistrat à Monaco. Le juge n’avait pas obtenu son poste à Monaco, la corruption est pourtant matérialisée. Nicolas Sarkozy se défend d'un enrichissement personnel... mais ce n'est pas ce dont l'accuse la justice.

Et l’ancien président de fustiger les « menteurs » et les « escrocs », les « assassins ». Il parle à la fois du clan Kadhafi et de Mediapart qui aurait fabriqué un « faux » document évoquant une somme de 50 millions versée au candidat par la Libye. Qu’importe que tous les recours du président contre Mediapart (jusqu'en cassation) pour faux, usage de faux et diffusion de fausse nouvelle aient été perdus, il reste persuadé que c’est un faux.

L’ancien président semble vivre dans une réalité parallèle. Il reste quatre mois de procès et l’on verra à la fin si cette réalité parallèle est réelle ou fictive.

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