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par Rédaction

Sale ambiance dans les préfectures

Le préfet Michel Cadot tente en vain de faire régner l’ordre

Les critiques d'Emmanuel Macron relayées par le Monde ont visiblement énervé le préfet Michel Cadot. Il y voit un manque de loyauté de ses collègues vis-à-vis du gouvernement.

Michel Cadot - D.R.

« Face à la crise du mouvement des « gilets jaunes », les préfets sonnent l’alerte politique » A la lecture de cet article du Monde du 3 décembre 2018, le sang de Michel Cadot, le préfet de la Région Ile-de-France et président de l’association du Corps Préfectoral (APC) ne fait qu’un tour.

Car plusieurs préfets témoignent anonymement et, visiblement désabusés, ils se lâchent : « Ce qui se passe est le fruit d’années de fragmentation de la société française, juge l’un d’eux. Pour l’heure, la réponse de l’exécutif est à côté de la plaque. » « Je suis très inquiet car le pouvoir est dans une bulle technocratique, renchérit un autre. Ils sont coupés de la France des braves gens qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois. Ils n’ont aucun code et aucun capteur. Nous, les préfets, pourrions leur donner des éléments mais ils ne nous demandent rien. Quand ils viennent sur le terrain, c’est parés de leur arrogance parisienne. »

Plusieurs représentants de ce corps de hauts fonctionnaires parlent de situation « explosive et quasi insurrectionnelle », voire « pré-révolutionnaire ». Comme en 1789, lorsqu’une partie de la population s’est soulevée contre les impôts, confie un préfet : « Ce qui s’exprime le plus, c’est la haine du président de la République. »

Des propos inadmissibles pour le président de l’association du Corps Préfectoral. Selon nos informations, il écrit une lettre adressée personnellement à chacun des préfets territoriaux. Dans ce courrier, il leur rappelle leur devoir d’exemplarité et de loyauté sans faille vis-à-vis du gouvernement. Et il promet à demi-mots que ceux qui ont parlé seront retrouvés. Après ce savon en règle, la plupart des préfets répondent.

« Un concours de léchage de botte, raconte l'une de nos sources. Tout le monde faisait allégeance et disait combien Michel Cadot avait raison et combien étaient indignes ceux qui avaient parlé à la presse. »

Mais quelques préfets trouvant que la lettre n’appelait pas de réponse n’y ont pas donné suite. Mal leur en a pris. Quelle n’a pas alors été leur surprise de recevoir un coup de téléphone : « Vous n’avez pas répondu au courrier du préfet Cadot, il faut le faire. C’est important. Si vous ne le faites pas, ça sera mal perçu pour votre carrière... » Stupéfaits de ce flicage dont ils faisaient l’objet, ils se sont alors exécutés.

Le concept de loyauté envers le gouvernement peut s'entendre. Mais loyauté à quoi exactement ? Sous quelle forme ? Dans cet article, Elsa Deléage, en droit public à l'Université Paris V Descartes, explique que cela recouvre notamment une idée de soumission de l’administration à l’État. Mais pas n'importe quelle soumission. L'administration doit, et c'est assez logique, appliquer les décisions du gouvernement et se conformer aux textes en vigueur. L'administration, rappelle l'auteur, est non partisane puisqu'elle assure la continuité de l'État lors d'un changement de gouvernement.

Elle n'est donc pas là pour chanter les louanges d'Emmanuel Macron ou de son successeur. Les préfets qui ont parlé aux journalistes du Monde semblent, au travers de leurs déclarations, s'inquiéter pour la stabilité de l'État, ce qui est finalement leur rôle...

Contacté à plusieurs reprises, le cabinet du préfet Cadot n'a pas donné suite à nos sollicitations.

Depuis, dans les préfectures, l’ambiance est à la paranoïa. « Une fois j’ai envoyé un mail à un collègue avec une blague sur Macron, il m’a incendié en disant : « Tu es dingue, ça ne va pas ?! », témoigne un membre de la Préfectorale. Tout le monde craint d’être surveillé. Nous utilisons Whatsapp ou Telegram pour discuter entre nous tranquillement. Vous voyez où on en est arrivé... »

Trois mois après l’article du Monde, le regard des membres du corps préfectoral que nous avons interrogés sur la situation politique reste sans illusion. Quand on demande son avis sur le grand débat national, l’un d’eux éclate de rire, surpris de notre naïveté : « Parce que vous y croyez, vous ?! Tout ça c’est de la com pour tenter de reprendre la main. Mais Macron joue avec le feu, car il y aura beaucoup de déceptions. Et si ça lui explose à la figure, quelque part, ça ne sera que justice… » Décidément, le torchon brûle entre les préfets et le gouvernement.

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