Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Yovan Menkevick

Récession : la finance Ponzi planétaire, le crime organisé boursier et les dark pools…

(On vous a parlé des origines de la crise de la dette souveraine avec son lot de super-arnaques depuis 40 ans pour contenter les rentiers du capital et autres politiciens profiteurs. Et comme c'est bientôt Noël et que la récession a été officiellement déclarée depuis quelques jours, soyons beaux joueurs et allons jusqu'au bout de la chose. Nous sommes dans la m… jusqu'au cou et certains spécialistes de la chose financière balancent aujourd'hui très fort.

(On vous a parlé des origines de la crise de la dette souveraine avec son lot de super-arnaques depuis 40 ans pour contenter les rentiers du capital et autres politiciens profiteurs. Et comme c'est bientôt Noël et que la récession a été officiellement déclarée depuis quelques jours, soyons beaux joueurs et allons jusqu'au bout de la chose. Nous sommes dans la m… jusqu'au cou et certains spécialistes de la chose financière balancent aujourd'hui très fort. Parce que la prévision du calendrier maya pour 2012 est désormais prise très au sérieux, enfin, au moins d'un point de vue système économique…)

"Mais bordel de bordel de nom d'un chien ! Mais keskispasse ? Mais keskifont ? Hier c'était la dette, j'ai fait 7 discours qu'ont rassuré tout l'monde et maintenant c'est la récession ! Pas possible qu'moi, l'sauveur de l'Europe et du monde j'y arrive pas ! Envoyez-moi Guaino qu'il m'écrive un discours pour que les marchés, les agences de notation et tous ces connards d'analystes arrêtent de nous la mettre et qu'on refasse démarrer le bazar !"

C'est à peu près ça qu'on entend à l'Elysée depuis que la récession est officielle au pays des vaches qui regardent passer les trains et des citoyens qui regardent le 20H de Pujad(hass). Mais au fait, le problème, est ce que c'est vraiment celui de la dette ? Et même si on n'avait plus trop de dette, arriverait-on quand même à s'en sortir de ce casse-gueule en règle ? Ben, c'est pas si certain, et certains spécialistes vont même jusqu'à affirmer qu'on est cuits. A moins qu'un gros "stop" général ne soit mis en œuvre. Mais un "stop" de quoi ? Houla, houla, houlala : on va tenter d'en parler en douceur, mais comme  vous allez le voir, le "stop" il devrait être lancé par ceux qui ont fait l'inverse du "stop", ce qu'on pourrait appeler le "on y va à fond". Et ce "on y va à fond" a permis des choses assez surprenantes, comme permettre d'avoir un système financier beaucoup plus opaque, dangereux et mafieux que ce que l'on pouvait envisager. Ca s'est passé fin 2007 en Europe. Vous voyez ce qu'on veut dire…?

Cet article s'auto-détruira une fois ses conclusions vérifiées (comme le système économique)

Le 18 novembre 2011, à la Maison de l'Amérique Latine à Paris, se sont réunies quelques personnes pas trop stupides et résolues depuis un certain temps à lutter contre le crime organisé. Leur organisation s'appelle FLARE Network France et a comme sous-titre "Freedom, Legality And Rights in Europe - 1er Réseau Européen Associatif contre le Crime Organisé Transnational". Voilà donc deux magistrats, un Français et un Italien qui ont un avis sur la finance internationale et la crise du même nom et qui sont tous les deux spécialistes du crime organisé transnational. Ecoutons le premier, Jean de Maillard :

"Jusqu'à il y a vingt ans nous pouvions encore croire qu'un marché sain existait, tout comme une société saine qu’il fallait protéger des infiltrations criminelles. Aujourd'hui il faut au contraire réaliser que les organisations criminelles fournissent des biens et des services illégaux (drogues, articles contrefaits, traite d'êtres humains, élimination d'ordures toxiques), demandés par des millions de gens tout à fait normaux."

Bon, c'est pas politiquement correct de dire ça quand même, monsieur le vice-président au tribunal de grande instance de Paris (depuis janvier 2011) ! Ecoutons donc votre collègue italien, Roberto Scarpinato :

"Comparé à cette criminalité systémique, l’ancien droit pénal du 19ème et 20ème siècle est comme un pistolet à eau, une aspirine contre le cancer. Nous devons prendre conscience de l'émergence d'un nouveau concept, l'économie frauduleuse."

 

Roooooh comme ils y vont, quand même…Bon, ils sortaient aussi chacun un bouquin, les juges, et celui du Français s'appelle "l'arnaque : la finance au-dessus des lois et des règles". Bon titre ça. Surtout qu'il traite de la criminalité financière, secteur dans lequel il est expert. C'est donc avec les expertises de Monsieur de Maillard que nous allons travailler pour tenter de mieux comprendre ce que ces deux spécialistes entendent par "criminalité systémique" et "infiltrations criminelles dans le marché (financier)".

La fraude dans la finance internationale comme variable d'ajustement

Jean de Maillard, dans une interview donnée à lexpansionlexpress.fr explique d'emblée une réalité sur le système financier qui peut faire réfléchir :

"La globalisation économique et financière a fait évoluer les frontières de la criminalité : à l'ancienne, de forte intensité et de haute fréquence, s'est superposée une fraude de plus faible intensité et de basse fréquence qui est facilement ignorée dans les analyses officielles. Les techniques frauduleuses sont devenues des variables d'ajustement de l'économie globalisée, et même des modes de gestion de celle-ci, et pas seulement des malversations marginales."

 

Le constat que le système financier actuel est frauduleux et a besoin de cette fraude comme variable d'ajustement ne manque pas de sel. Surtout quand plus loin, notre juge affirme :

"…les réglementations étatiques se sont restreintes au profit de l'autorégulation des marchés, censés faire leur propre loi. Les Etats ont accepté que cette dernière se substitue à la leur, et ils ont perdu le contrôle des régulations. Les acteurs de ces marchés peuvent violer - en général impunément - ce qu'il reste de lois étatiques quand elles les gênent. Les Etats sont dépassés par leur puissance et par leur inventivité. Souvent, les acteurs de ces marchés n'ont même plus de comptes à rendre et peuvent faire ce qu'ils veulent allégrement, dans une opacité totale, y compris en violant les principes selon lesquels ils prétendent fonctionner."

 

Nous y sommes. Les marchés font à peu près ce qu'ils veulent. Comme par exemple se débarrasser de titrisations pourries qui contaminent le système, spéculer sur des dettes souveraines et faire exploser les taux d'intérêts des Etats emprunteurs. Mais quand Jean de Maillard fait allusion à "la perte des lois étatiques au profit de l'autorégulation des marchés censés faire leur propre loi" il sait de quoi il parle. Voyons voir un peu plus loin :

"La titrisation - cette invention géniale de la finance Ponzi - est en panne, ce sont les Etats qui alimentent directement à fonds perdus la nouvelle spéculation, de plus en plus opaque. Le secteur financier s'est concentré autour d'une poignée de mégabanques qui font la pluie et le beau temps face à des Etats démunis. Croyez-vous vraiment que les Bourses mondiales sont euphoriques parce que l'économie se redresse (l'article date du 01/02/2010, NDLR) ? Cherchez plutôt du côté des dark pools et des crossing networks, des flash orders ou du trading haute fréquence, qui sont entre les mains d'un tout petit nombre d'opérateurs, et vous découvrirez pourquoi Martin Bouygues ne comprend plus rien au cours de ses actions. C'est qu'il n'y a rien à comprendre : les cours sont manipulés dans l'obscurité la plus complète."

 

Et oui, parce que c'est exactement là où nous en sommes, comme l'avait si bien décrit Jean de Maillard il y a presque 2 ans. Et cette affaire de dark pools des crossing networks est d'une actualité criante. La dérégulation permettant la super-spéculation sans aucune transparence, "l'auto-régulation des marchés" passe par une série de mesures qu'il fallait prendre à une époque pas si lointaine. Parce que pour faire simple, vous allez comprendre que ces systèmes financiers opaques et dérégulés en diable ont été acceptés en Europe depuis peu par les instances européennes avec la bénédiction des mêmes dirigeants politiques qui aujourd'hui hurlent au loup. L'histoire ne manque pas de piquant.

Comment l'Europe a permis plus d'opacité dans les échanges financiers avec la permission accordée par la MIF de créer des dark pools…

Les crossing-networks c'est en gros ça :

Un "crossing network" est un système de négociation parallèle (SNP) qui permet d'acheter et vendre des titres boursiers électroniques sans connaître l'ordre de routage de l'échange, à l'inverse des réseaux de communication électronique (ECN) qui eux affichent les cotations de façon publique. Dans un crossing network, l'ordre est anonyme et placé dans une boîte noire pour les autres participants du réseau (avec un simple marquage à la rigueur). L'avantage du crossing network est sa capacité à exécuter des ordres de grande ampleur sans impacter la cotation publique.

 

Un dark pool est donc un système de crossing-network :

Un dark pool est un système exploité par un prestataire de services d'investissement ou un opérateur de marché. Sans avoir la qualité de marché réglementé, un dark pool assure la rencontre, en son sein et selon des règles définies, des transactions (achats et ventes) sur des instruments financiers, tout en permettant à ses clients de rester anonymes.

 

Huuuummmm, ça porte bien son nom en fait, vous ne trouvez pas ? Le sombre marché financier où on est anonyme. Miam, miam. Quelques précisions :

Un dark pool a pour objectif de traiter des volumes d'ordres importants (transactions sur blocs), hors marchés officiels (grandes bourses réglementées ou systèmes multilatéraux de négociation), et sans afficher le prix des transactions avant leur finalisation. Il permet ainsi aux acteurs (acheteurs ou vendeurs de titres) de rester anonymes.

 

Pas mal du tout ça, super opaque, on ne peut pas mieux faire pour les blanchisseurs d'argent pas très propre. Mais donc on imagine que c'est un truc mafieux, à coup sûr. Et ben heu, pas vraiment :

Un dark pool doit recevoir une autorisation d'exercer, attribuée par le régulateur de son pays d'implantation, comme l'Autorité des marchés financiers(AMF) en France ou la Financial Services Authority (FSA) en Grande-Bretagne. Il est autorisé depuis 2007 en Europe par la Directive européenne sur les marchés d'instruments financiers.

 

Whaaaaa ! Super ! C'est nous qu'on leur a donné les clés avec nos super démocraties hyper balèzes que quand on va voter ça change tout ! On est trop bons en Europe, on est décidément vraiment trop bons…merci à la commission, aux députés et euro-députés qui ont validé tout ça Et comment justifier ce type de marchés financiers "spécial mafia" ?

Le paysage du courtage actions est en pleine évolution, dans le sillage de l’entrée en vigueur de la nouvelle directive européenne de libéralisation des instruments financiers (directive MIF). La concurrence entre bourses traditionnelles et systèmes multilatéraux de négociation fait rage pour tenter d’accaparer une part du courtage des transactions sur les marchés actions en Europe. L'enjeu pour les nouveaux intervenants est de répondre à une certaine insatisfaction des investisseurs vis-à-vis des bourses traditionnelles (ou même l'absence de bourse traditionnelle), en particulier en assurant une plus grande discrétion, des délais d’exécution réduits et surtout des frais d'exécution en baisse.

Ah ben oui, on comprend bien, ils sont insatisfaits les investisseurs, alors on leur concocte des nouveaux marchés rien que pour eux. Discrets en plus les marchés. Hein. C'est mieux. Ouais, ouais, ouais. Et la directive MIF qui permet tout ça, c'est quoi au juste ?

La  directive concernant les marchés d’instruments financiers  (MIF, en anglais : MiFID, Markets in Financial Instruments Directive), publiée au Journal officiel de l’Union européennele 30 avril 2004, est l’un des éléments clés du Plan d’action des services financiers 2005-2010 lancé par la Commission européenne. Ce texte particulièrement détaillé (il ne compte pas moins de 73 articles, accompagnés de mesures d'exécution) est entré en application le 1er novembre 2007. L’objectif de la directive MIF est de participer à la construction d’un marché de capitaux plus intégré, plus profond et plus efficace pour abaisser le coût du capital, générer de la croissance et renforcer sa compétitivité internationale, tout en renforçant la protection des investisseurs.

 

Mais oui, protégeons les investisseurs. C'est donc rien que ça la directive MIF, un blanc-seing donné aux marchés pour créer des darkpools au sein du système appelé crossing networks ? Ben oui. Pour les spécialistes en conseil d'échanges financiers, la Mifid ça donne ça :

La réglementation MiFID permettent aux intermédiaires financiers d’internaliser leurs flux d’ordres. Ils peuvent donc exécuter directement les ordres de leurs clients en interne, sans les soumettre aux marchés réglementés : soit en les confrontant directement entre eux, comme s’ils avaient chacun un carnet d’ordres internes, soit en s’en portant contrepartie. Les entreprises d’investissements ne passeront alors un ordre sur le marché réglementé d’Euronext que pour le solde de la transaction entre leurs clients. Cette pratique va directement menacer Euronext en entraînant une fragmentation du marché.

 

Super conclusion très révélatrice d'un marché boursier qui a basculé dans des systèmes de négociations parallèles. Et qui menace la bourse européenne, rien que ça. C'est beau, c'est élégant, c'est fascinant et c'est signé la commission européenne. Merci à elle. Extrait du site "profession financière", à propos des dark pool

Depuis 2007 la directive MIF a été l’élément déclencheur ayant permis la multiplication des dark pools sur le sol européen. Actuellement l’Europe comptabilise plus d’une vingtaine de dark pools, captant environ des 10% des volumes traités par les marchés européens.

 

Chouette.

Et Ponzi dans tout ça ?

Oh, et bien Jean de Maillard explique très clairement que la finance Ponzi est en place de la manière suivante :

 

"L'affaire Enron et la crise des subprimes montrent que la finance Ponzi dispose de trois ressorts qui peuvent se combiner différemment : d'abord, des actifs insuffisamment valorisés, ou qui ne peuvent être rentabilisés par la seule application des lois du marché ; ensuite, des techniques de manipulation, de dissimulation comptable et de transgression des lois qui s'apparentent à de la fraude ; enfin, l'inventivité et la prolifération financières."

Mais quel est le principe de de base de cette histoire de Ponzi ? Pas grand chose, juste un escroc du début du vingtième siècle dont la méthode a été reprise par Madoff. Méthode toute bête de cavalerie financière. Vous partez avec une mise de départ même petite, vous proposez que l'on vous prête de l'argent avec la promesse d'un taux de rendement hyper élevé (plus de 15%, jusqu'à 25%) dans le cas de Madoff. Les gens essayent, vous filent leur pognon et vous leur donnez leurs 15, 20 ou 25% promis. Mais avec l'argent que vous venez de vous faire donner par d'autres gogos, pas avec les véritables intérêts. Et ainsi vous créez une pyramide de gogos à qui vous donnez de faux intérêts. Vous placez bien entendu une partie de l'argent et gagnez des intérêts dessus, mais vous en prenez pour vous aussi, puisqu'il y a toujours une partie de la pyramide qui attend ses intérêts que vous n'avez plus. Mais ce n'est pas grave, puisque les nouveaux gogos vous les fourniront en vous donnant leur pognon à faire fructifier. Une chaîne de Ponzi, c'est ça. Et ça se casse la gueule le jour où trop de monde veut récupérer ses investissements, puisque vous n'avez plus et n'avez jamais eu l'ensemble des sommes déclarées êtres détenues. Ce qui est arrivé à Madoff. Autour de 65 milliards partis en fumée, pas si mal, non ?

Sauf que ce que dit Jean de Maillard est que la finance internationale fonctionne sur les mêmes principes que la chaîne de Ponzi. Et que nous arrivons au moment un peu crucial où tout le monde commence à avoir un sacré paquet d'investissements qui sentent le roussi. Imaginez donc, si tout ce monde veut retirer ses billes… Et il paraît évident, comme Paul Jorion le disait encore aujourd'hui chez Stéphane Paoli dans l'émission 3D que si les endettés ne peuvent pas rembourser, de toute manière les prêteurs ont eux-mêmes emprunté de l'argent qu'ils n'ont plus : l'argent qu'on réclame n'existe plus… Tout ça avec des marchés parallèles non-réglementés qui utilisent des algorithmes à 6000 ordres (ou contre-ordres) à la seconde pour modifier le prix d'une action et gagner un peu plus sur de la spéculation à très très court terme… au sein d'une finance mafieuse qui ne suit plus aucune règle et développe des fraudes dignes du crime organisé à l'échelle planétaire ?

Après ces quelques constats, il ne reste plus qu'à souhaiter un Joyeux Noël à tout le monde ! Et comme disait le chantre du libéralisme Yves Montand en 1984 dans son émission éponyme (ex communiste reconverti en super libéral grâce à Reagan) : "Vive la Crise !"

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